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Message par Elfelune Jeu 10 Juin 2010 - 9:12

que c'est drôle ma belle ! Je viens de poster l'un des sonnets à Orphée sur le jeu que j'ai lancé ("quelques grammes de finesse...) et qui reprend ce sujet que j'avais pas vu !!!En plus j'ai mis du Rilke en pensant à toi (moi aussi c'est l'un de mes poètes favoris, tu le sais).
Bon ben je vais en mettre un autre alors :
Grodek*
Le soir, les forêts automnales résonnent
D'armes de mort, les plaines dorées,
Les lacs bleus, sur lesquels le soleil
Plus lugubre roule, et la nuit enveloppe
Des guerriers mourants, la plainte sauvage
De leurs bouches brisées.
Mais en silence s'amasse sur les pâtures du val
Nuée rouge qu'habite un dieu en courroux
Le sang versé, froid lunaire ;
Toutes les routes débouchent dans la pourriture noire.
Sous les rameaux dorés de la nuit et les étoiles
Chancelle l'ombre de la soeur à travers le bois muet
Pour saluer les esprits des héros, les faces qui saignent ;
Et doucement vibrent dans les roseaux les flûtes
sombres de l'automne.
Ô deuil plus fier ! autels d'airain !
La flamme brûlante de l'esprit, une douleur puissante
la nourrit aujourd'hui,
Les descendants inengendrés.
Georg Trakl.
*dernier poème de l'auteur : la bataille de Grodek en Galicie se solda par une défaite autrichienne devant les Russes le 11/09/1914.
Dans un style plus épique, il me rappelle le fameux Dormeur du val de Rimbaud.

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Message par Melsophos Mer 16 Juin 2010 - 20:26

Le poème qui m'a le plus marqué est certainement Pensée de Byron (Élégie) de Nerval (enfin remarquez que de nombreux poèmes de Nerval m'ont vraiment touché — avec en tête les Chimères et Une allée du Luxembourg, déjà cité —, et j'ai souvent essayé de retrouver l'ambiance de ses vers) :

Par mon amour et ma constance,
J'avais cru fléchir ta rigueur,
Et le souffle de l'espérance
Avait pénétré dans mon coeur ;
Mais le temps, qu'en vain je prolonge,
M'a découvert la vérité,
L'espérance a fui comme un songe...
Et mon amour seul m'est resté !

Il est resté comme un abîme
Entre ma vie et le bonheur,
Comme un mal dont je suis victime,
Comme un poids jeté sur mon coeur !
Pour fuir le piège où je succombe,
Mes efforts seraient superflus ;
Car l'homme a le pied dans la tombe,
Quand l'espoir ne le soutient plus.

J'aimais à réveiller la lyre,
Et souvent, plein de doux transports,
J'osais, ému par le délire,
En tirer de tendres accords.
Que de fois, en versant des larmes,
J'ai chanté tes divins attraits !
Mes accents étaient pleins de charmes,
Car c'est toi qui les inspirais.

Ce temps n'est plus, et le délire
Ne vient plus animer ma voix ;
Je ne trouve point à ma lyre
Les sons qu'elle avait autrefois.
Dans le chagrin qui me dévore,
Je vois mes beaux jours s'envoler ;
Si mon oeil étincelle encore,
C'est qu'une larme va couler !

Brisons la coupe de la vie ;
Sa liqueur n'est que du poison ;
Elle plaisait à ma folie,
Mais elle enivrait ma raison.
Trop longtemps épris d'un vain songe,
Gloire ! amour ! vous eûtes mon coeur :
O Gloire ! tu n'es qu'un mensonge ;
Amour ! tu n'es point le bonheur !

Melsophos

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Message par FunkyKyu Mer 22 Juin 2011 - 23:20

Petit déterrage... Smile


Mon Rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? --Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Paul VERLAINE, Poèmes saturniens (1866)
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Message par Benjamin Jeu 23 Juin 2011 - 11:00

Les oiseaux déguisés, Aragon (chanté par Ferrat).

Tous ceux qui parlent des merveilles
Leurs fables cachent des sanglots
Et les couleurs de leur oreille
Toujours à des plaintes pareilles
Donnent leurs larmes pour de l'eau

Le peintre assis devant sa toile
A-t-il jamais peint ce qu'il voit
Ce qu'il voit son histoire voile
Et ses ténèbres sont étoiles
Comme chanter change la voix

Ses secrets partout qu'il expose
Ce sont des oiseaux déguisés
Son regard embellit les choses
Et les gens prennent pour des roses
La douleur dont il est brisé

Ma vie au loin mon étrangère
Ce que je fus je l'ai quitté
Et les teintes d'aimer changèrent
Comme roussit dans les fougères
Le songe d'une nuit d'été

Automne automne long automne
Comme le cri du vitrier
De rue en rue et je chantonne
Un air dont lentement s'étonne
Celui qui ne sait plus prier
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Message par Cerra Top Jeu 23 Juin 2011 - 12:56

Ce que j'ai mis des années à récupérer (merci génitrice toxique), introuvable (jusqu'à présent^^) sur la toile...



Poèmes et poèsies
LECONTE DE LISLE (1818-1894)

Notice

Cette révolte contre le mal, qu'un impitoyable destinfait peser sur tout ce qui vit, cette protestation contre la loi d'airain, qui régit le monde, ce sont les sentiments qui animent de leurs cris magnifiques la longue suite des Poèmes antiques, des Poèmes tragiques, des Poèmes barbares et des Derniers Poèmes. L'Ananké écrase les épaules et martel le front de cet éternel vaincu, de ce damné qu'est l'homme.

Mais le mal prend des formes si belles, la nature féroce étale sous le ciel embrasé de si somptueux tableaux, et la malédiction divine éclate en de si splendides tragédies, que dans son isolement et son horreur de vivre l'homme trouve cependant une consolation qui lui fait la vie supportable: contempler. Puis, quand ses yeux vieillis, lassés du spectacle des choses, voient enfin du haut d'un ciel de fer fondre le coup suprême, dont le sort va l'abattre, il lui reste un droit, inviolable, superbe, que les Dieux même sont impuissants à lui ravir: disparaitre sans une larme avec un dernier éclair d'orgueil sur la face, et, pareil au loup qu'à chanté Vigny, "sans jeter un cri".



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Message par AlsoSpratchAlmaMater Dim 30 Oct 2011 - 10:18

Recueillement

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

Baudelaire
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Message par MaxenceL Dim 30 Oct 2011 - 11:48

On a pas encore cité Apollinaire ??

Les poèmes extraits des Fiançailles qui me hantent depuis pas mal de temps

Je n'ai plus même pitié de moi
Et ne puis exprimer mon tourment de silence
Tous les mots que j'avais à dire se sont changés en étoiles
Un Icare tente de s'élever jusqu'à chacun de mes yeux
Et porteur de soleils je brûle au centre de deux nébuleuses
Qu'ai-je fait aux bêtes théologales de l'intelligence
Jadis les morts sont revenus pour m'adorer
Et j'espérais la fin du monde
Mais la mienne arrive en sifflant comme un ouragan
_________________

J'ai eu le courage de regarder en arrière
Les cadavres de mes jours
Marquent ma route et je les pleure
Les uns pourrissent dans les églises italiennes
Ou bien dans de petits bois de citronniers
Qui fleurissent et fructifient
En même temps et en toute saison
D'autres jours ont pleuré avant de mourir dans des tavernes
Où d'ardents bouquets rouaient
Aux yeux d'une mulâtresse qui inventait la poésie
Et les roses de l'électricité s'ouvrent encore
Dans le jardin de ma mémoire

Alcools, Apollinaire.

Y'a aussi Dylan Thomas, Baudelaire (Héautontimorouménos <3, Le Poison, La fontaine de sang, Réversibilité...), Ronsard (mais c'est discutable, quand même magnifique...)...
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Message par Laetitia Ven 9 Déc 2011 - 0:43

LA FONTAINE DE SANG

Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

À travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge la nature.

J'ai demandé souvent à des vins captieux
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ;
Le vin rend œil plus clair et l'oreille plus fine !

J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux ;
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles
Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !

Baudelaire
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Message par Belo-Horizonte Ven 9 Déc 2011 - 1:15

Pour raisons purement historiques, le poême de Paul Verlaine, repris par la BBC les 1e et 5 juin 1944 qui annonça en deux fois et de façon codée l'imminence du Débarquement qui allait libérer l'Europe de la tyrannie nazie

"Les sanglots longs des violons de l'automne...
... Blessent mon coeur d'une langueur monotone"

A lire en sonorisant dans sa tête "Ici Londres... Les Français parlent aux Français... Veuillez tout d'abord écouter quelques messages personnels..."

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Message par Invité Mar 13 Déc 2011 - 19:19

J'allais citer le même poème, Belo, mais justement pas pour les raisons historiques. C'est justement quand je le sors de son contexte qu'il me semble que je l'apprécie dans sa pleine beauté (même si évidemment, pour d'autres raisons, je suis aussi touchée par sa valeur historique Wink)


Chanson d'automne

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure,

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.

Paul VERLAINE, Poèmes saturniens (1866)




Dernière édition par siamoni le Mar 13 Déc 2011 - 20:04, édité 1 fois

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Message par Pyrrhon Mar 13 Déc 2011 - 19:54

L'invitation au voyage

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.


Charles Baudelaire.
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Message par Invité Mar 13 Déc 2011 - 20:02

Les chercheuses de poux

Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes,
Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,
Il vient près de son lit deux grandes soeurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles argentins.

Elles assoient l'enfant auprès d'une croisée
Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.

Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés
Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.

Il entend leurs cils noirs battant sous les silences
Parfumés ; et leurs doigts électriques et doux
Font crépiter parmi ses grises indolences
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.

Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,
Soupirs d'harmonica qui pourrait délirer ;
L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.

Arthur Rimbaud

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Message par Invité Mar 13 Déc 2011 - 20:06

Le serpent qui danse

Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau!

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent
L’or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon coeur!

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

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Message par kim meyrink Sam 4 Aoû 2012 - 21:40

Voilà un poste bien utile! J'ai découvert ici des poèmes qui me marqueront longtemps. Mon poème préféré a été écrit par une amie qui a mystérieusement disparue de ma vie après m'avoir donné ce poème:

Je sais que pour toi la vie n'est pas drôle
Et que souvent la douleur te frôle
Que la seule chose qui t'empêche de partir
Est de voir qu'il n'y a personne pour te retenir

Alors tu t'enfermes dans tes pensées
Et puis ta voix commence à s'envoler
Tu chantes, tu chantes, ton âme se libère
Tandis que ton corps reste prostré par terre

Tu crois qu'il n'y a personne qui t'aime
Et tu t'inventes des mondes de bohème
Pourtant tu sais, tout est plus facile
Il faut mettre des couleurs dans ce monde fragile

Toute cette vie, cette joie, ce bonheur
Tu les voudrais aussi à l'intérieur
Tu veux toutes les couleurs du monde en toi
Alors tu manges des crayola.

Je ne sais pas si c'est seulement parce qu'il a une valeur personnelle, mais ce poème me touche énormément, et je trouve sa chute et sa naïveté déconcertante de vérité. Qu'en pensez-vous?
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Message par Thaïti Bob Dim 5 Aoû 2012 - 2:21

Oui il est en effet très beau. Un sujet sérieux et qui vous a apparemment tenu à coeur entre vous deux.
Ce qui fait sa qualité c'est qu'il relève aussi d'une bonne maîtrise technique. J'ai un faible pour le sonnet académique, celui ci s'y rapproche. Il a un bon rythme tout au long des vers, les rimes n’entraînent pas de tournures de phrases malheureuses (comme ça peut être le cas si on "débute", si on n'a pas une bonne plume). Et la chute est bien ! élément du sonnet aussi, d'ailleurs.

Moi j'en proposerai deux : un classique de Baudelaire aussi, qui n'a pas encore été cité il me semble, "Parfum exotique", et puis un de Georges Brassens, qui est le texte de la chanson "Les Passantes", en écho aux deux autres poèmes du début sur le thème des jolies anonymes :
Charles Baudelaire a écrit:Parfum exotique

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.

Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.
Georges Brassens a écrit:Les Passantes

Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu'on connait à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais

A celle qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui

A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu'on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main

A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulu rester inconnue
Et qui n'est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal

A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d'un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant

Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin

Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus

Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lêvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir
Cette vidéo du coup est un pur bijou :
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Message par lilou1984 Dim 12 Aoû 2012 - 21:07

J'adore le poème d'Hubert Mingarelli proposé en début de topic, je ne connaissais pas, je l'ai même recopié.
Mon poème préféré reste ce petit texte de Tomas Tranströmer (Baltiques 1)

"Las de tous ceux qui viennent avec des mots,
des mots mais pas de langage,
je partis pour l'île recouverte de neige.
L'indomptable n'a pas de mots.
Ses pages blanches s'étalent dans tous les sens !
Je tombe sur les traces de pattes d'un cerf dans la neige.
Pas des mots, mais un langage."
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Message par l'albatros Dim 12 Aoû 2012 - 21:16

Si il y en avait qu'un Razz (Baudelaire)

L’Albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.


l'albatros
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Message par Invité Lun 24 Sep 2012 - 21:36

Poème très court, très dénudé Smile, très comme j'en rêverais d'écrire...

Rimbaud , L'étoile a pleuré rose :

L'étoile a pleuré rose au cœur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.

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Message par Pieyre Mar 25 Sep 2012 - 20:45

Parmi mes poèmes préférés, il y a moi aussi ceux de l'enfance, comme Il pleure dans mon cœur de Verlaine, déjà cité, le seul dont j'avais conservé la connaissance par cœur avant d'en apprendre d'autres après l'adolescence.

J'en trouve un écho dans ces deux-là, que j'apprécie aussi au plus haut point.


    Si notre vie est moins qu'une journée
    En l'éternel, si l'an qui fait le tour
    Chasse nos jours sans espoir de retour,
    Si périssable est toute chose née,

    Que songes tu, mon âme emprisonnée ?
    Pourquoi te plaît l'obscur de notre jour,
    Si pour voler en un plus clair séjour,
    Tu as au dos l'aile bien empennée ?

    Là, est le bien que tout esprit désire,
    Là, le repos où tout le monde aspire,
    Là, est l'amour, là, le plaisir encore.

    Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,
    Tu y pourras reconnaître l'Idée
    De la beauté, qu'en ce monde j'adore.

    Joachim du Bellay, L'Olive


    Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
    J'ai chaud extrême en endurant froidure :
    La vie m'est et trop molle et trop dure.
    J'ai grands ennuis entremêlés de joie.

    Tout à un coup je ris et je larmoie,
    Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
    Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
    Tout en un coup je sèche et je verdoie.

    Ainsi Amour inconstamment me mène ;
    Et, quand je pense avoir plus de douleur,
    Sans y penser je me trouve hors de peine.

    Puis, quand je crois ma joie être certaine,
    Et être au haut de mon désiré heur,
    Il me remet en mon premier malheur.

    Louise Labé

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Message par Bird Sam 22 Déc 2012 - 12:28

Mon préféré du moment, car plus actuel que jamais : "L'école est sanctuaire autant que la chapelle"...

Ecrit après la visite d'un bagne

Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
Quatrevingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt.

Dieu, le premier auteur de tout ce qu'on écrit,
A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,
Les ailes des esprits dans les pages des livres.
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut
Planer là-haut où l'âme en liberté se meut.
L'école est sanctuaire autant que la chapelle.
L'alphabet que l'enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu ; le coeur
S'éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu'il puisse vous suivre.

La nuit produit l'erreur et l'erreur l'attentat.
Faute d'enseignement, on jette dans l'état
Des hommes animaux, têtes inachevées,
Tristes instincts qui vont les prunelles crevées,
Aveugles effrayants, au regard sépulcral,
Qui marchent à tâtons dans le monde moral.
Allumons les esprits, c'est notre loi première,
Et du suif le plus vil faisons une lumière.
L'intelligence veut être ouverte ici-bas ;
Le germe a droit d'éclore ; et qui ne pense pas
Ne vit pas. Ces voleurs avaient le droit de vivre.
Songeons-y bien, l'école en or change le cuivre,
Tandis que l'ignorance en plomb transforme l'or.

Je dis que ces voleurs possédaient un trésor,
Leur pensée immortelle, auguste et nécessaire ;
Je dis qu'ils ont le droit, du fond de leur misère,
De se tourner vers vous, à qui le jour sourit,
Et de vous demander compte de leur esprit ;
Je dis qu'ils étaient l'homme et qu'on en fit la brute ;
Je dis que je nous blâme et que je plains leur chute ;
Je dis que ce sont eux qui sont les dépouillés ;
Je dis que les forfaits dont ils se sont souillés
Ont pour point de départ ce qui n'est pas leur faute ;
Pouvaient-ils s'éclairer du flambeau qu'on leur ôte ?
Ils sont les malheureux et non les ennemis.
Le premier crime fut sur eux-mêmes commis ;
On a de la pensée éteint en eux la flamme :
Et la société leur a volé leur âme.


Victor HUGO
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Message par Invité Sam 22 Déc 2012 - 22:22

*


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Message par Invité Sam 22 Déc 2012 - 22:27

..


Dernière édition par vigne le Jeu 18 Avr 2013 - 11:23, édité 1 fois

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Message par nails Sam 19 Jan 2013 - 20:05

De la prose, Clark A. Smith.

.: La Litanie des sept baisers :.

I

J'embrasse t'es mains... tes mains dont les doigts ont la délicatesse et la pâleur des pétales du lotus blanc.

II

J'embrasse ta chevelure, dont le lustre et l'éclat égalent ceux des joyaux noirs... Elle est plus sombre que le Léthé lorsqu'on le voit couler à minuit à travers les contrées du rêve qui fleurent le pavot, et que nulle lune n'éclaire.

III

J'embrasse ton front. Il est pour moi semblable au lever de la lune sur une vallée de cèdres.

IV

J'embrasse t'es joues sur lesquelles s'attarde une faible rougeur; on croirait le reflet d'une rose que l'on approche d'une urne d'albâtre.

V

J'embrasse t'es paupières et les compare aux fleurs veinées de pourpre qui se ferment, vaincues par le soir tropical, dans un pays où les couchers de soleil flamboient avec l'éclat de l'ambre incandescent.

VI

J'embrasse ta gorge dont la pâleur ardente est la pâleur du marbre qu'un soleil automnal est venu attiédir.

VII

J'embrasse ta bouche. Elle a la saveur et le parfum de ces fruits qu'embruine une fontaine magique, là-bas, dans le secret paradis que nous seuls trouverons; un paradis où ceux qui y parviennent demeurent à jamais, car de cette fontaine coulent les eaux du Léthé et les fruits dont je parle sont ceux de l'arbre de Vie.
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Message par Invité Mer 13 Mar 2013 - 13:13

+1 pour : Il pleure sur mon coeur comme il pleut sur ma ville
+1 pour l'albatros
+1 pour Rilke

Et mon poète préféré c'est Appollinaire, avec son recueil "poèmes à Lou", dont celui là que j'aime beaucoup :

Adieu !


L’amour est libre il n’est jamais soumis au sort
O Lou le mien est plus fort encor que la mort
Un cœur le mien te suit dans ton voyage au Nord

Lettres Envoie aussi des lettres ma chérie
On aime en recevoir dans notre artillerie
Une par jour au moins une au moins je t’en prie

Lentement la nuit noire est tombée à présent
On va rentrer après avoir acquis du zan
Une deux trois A toi ma vie A toi mon sang

La nuit mon coeur la nuit est très douce et très blonde
O Lou le ciel est pur aujourd’hui comme une onde
Un cœur le mien te suit jusques au bout du monde

L’heure est venue Adieu l’heure de ton départ
On va rentrer Il est neuf heures moins le quart
Une deux trois Adieu de Nîmes dans le Gard

4 fév. 1915

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Message par Invité Mer 13 Mar 2013 - 13:40

Mon poème préféré est celui-ci:


Fantaisie

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit:
C’est sous Louis treize; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre les fleurs ;

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue... - et dont je me souviens !



Gérard de Nerval

Un autre que j'aime bien, sans toutefois le connaître par coeur:


Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupître et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom.

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom.

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom

Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom

Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom

Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes maisons réunies
J'écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom

Sur l'absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenirs
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.




Paul ÉLUARD

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Message par ΣΦ Jeu 28 Mar 2013 - 21:51

Qu'il vive !


Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés
sont préférés aux buts lointains.

La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie.

Le verre de fenêtre est négligé. Qu'importe à l'attentif.

Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.

Il n'y a pas d'ombre maigre sur la barque chavirée.

Bonjour à peine est inconnu dans mon pays.

On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.

Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays.
Les branches sont libres de ne pas avoir de fruits.

On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.

Dans mon pays, on remercie.


René Char - Les matinaux

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Message par laDivine Sam 20 Avr 2013 - 9:09

Bonjour,

C'est difficile pour moi de trancher en ce qui concerne mes poèmes préférés.

Je pense à Rimbaud, Aragon ou Hugo par exemple.

Roman

I

On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
- On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -
A des parfums de vigne et des parfums de bière...

II

- Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon
D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche...

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...

III

Le coeur fou robinsonne à travers les romans,
- Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l'ombre du faux col effrayant de son père...

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...
- Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

IV

Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.
Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !...

- Ce soir-là..., - vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
- On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.

ou alors Victor Hugo dans La Légende des siècles

Booz endormi

Booz s'était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.

Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ;
Il était, quoique riche, à la justice enclin ;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin ;
Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.

Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
- Laissez tomber exprès des épis, disait-il.

Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.

Booz était bon maître et fidèle parent ;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe ;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.

Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ;
Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;
Et ceci se passait dans des temps très anciens.

Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge ;
La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait,
Etait mouillée encore et molle du déluge.

Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ;
Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu ;
Une race y montait comme une longue chaîne ;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.

Et Booz murmurait avec la voix de l'âme :
" Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt ?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.

" Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
O Seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ;
Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.

" Une race naîtrait de moi ! Comment le croire ?
Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants ?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants ;
Le jour sort de la nuit comme d'une victoire ;

Mais vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau ;
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu ! mon âme vers la tombe,
Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l'eau. "

Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés ;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.

Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite,
S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.

Booz ne savait point qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

La respiration de Booz qui dormait
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lys sur leur sommet.

Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.



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Message par Pieyre Sam 25 Mai 2013 - 8:40

    Le ciel est par‑dessus le toit,
          Si bleu, si calme !
    Un arbre, par‑dessus le toit,
          Berce sa palme.

    La cloche, dans le ciel qu'on voit,
          Doucement tinte.
    Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
          Chante sa plainte.

    Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
          Simple et tranquille.
    Cette paisible rumeur‑là
          Vient de la ville.

    Qu'as‑tu fait, ô toi que voilà
          Pleurant sans cesse,
    Dis, qu'as‑tu fait, toi que voilà,
          De ta jeunesse ?

    — Verlaine, Sagesse, III, VI (écrit en prison)

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Message par dessein Sam 25 Mai 2013 - 11:42

"

J'ai mis mon képi dans la cage

Et je suis sorti avec l'oiseau sur la tête

Alors

On ne salue plus

A demandé le commandant

Non

On ne salue plus

A répondu l'oiseau

Ah bon

Excusez-moi je croyais qu'on saluait

A dit le commandant

Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper

A dit l'oiseau

"


Quartier libre
Jacques Prévert
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Message par Olifaxe Sam 1 Juin 2013 - 21:39

Les passantes, d'Antoine Pol, mis en musique par Brassens.



L'éloge de la fatigue, de R. Lamoureux.



La Mort et le Mourant, de Jean de la Fontaine

La Mort ne surprend point le sage ;
Il est toujours prêt à partir,
S'étant su lui-même avertir
Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage.
Ce temps, hélas ! embrasse tous les temps :
Qu'on le partage en jours, en heures, en moments,
Il n'en est point qu'il ne comprenne
Dans le fatal tribut ; tous sont de son domaine ;
Et le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent les yeux à la lumière,
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.
Défendez-vous par la grandeur,
Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse,
La mort ravit tout sans pudeur
Un jour le monde entier accroîtra sa richesse.
Il n'est rien de moins ignoré,
Et puisqu'il faut que je le die,
Rien où l'on soit moins préparé.
Un mourant qui comptait plus de cent ans de vie,
Se plaignait à la Mort que précipitamment
Elle le contraignait de partir tout à l'heure,
Sans qu'il eût fait son testament,
Sans l'avertir au moins. Est-il juste qu'on meure
Au pied levé ? dit-il : attendez quelque peu.
Ma femme ne veut pas que je parte sans elle ;
Il me reste à pourvoir un arrière-neveu ;
Souffrez qu'à mon logis j'ajoute encore une aile.
Que vous êtes pressante, ô Déesse cruelle !
- Vieillard, lui dit la mort, je ne t'ai point surpris ;
Tu te plains sans raison de mon impatience.
Eh n'as-tu pas cent ans ? trouve-moi dans Paris
Deux mortels aussi vieux, trouve-m'en dix en France.
Je devais, ce dis-tu, te donner quelque avis
Qui te disposât à la chose :
J'aurais trouvé ton testament tout fait,
Ton petit-fils pourvu, ton bâtiment parfait ;
Ne te donna-t-on pas des avis quand la cause
Du marcher et du mouvement,
Quand les esprits, le sentiment,
Quand tout faillit en toi ? Plus de goût, plus d'ouïe :
Toute chose pour toi semble être évanouie :
Pour toi l'astre du jour prend des soins superflus :
Tu regrettes des biens qui ne te touchent plus
Je t'ai fait voir tes camarades,
Ou morts, ou mourants, ou malades.
Qu'est-ce que tout cela, qu'un avertissement ?
Allons, vieillard, et sans réplique.
Il n'importe à la république
Que tu fasses ton testament.
La mort avait raison. Je voudrais qu'à cet âge
On sortît de la vie ainsi que d'un banquet,
Remerciant son hôte, et qu'on fit son paquet ;
Car de combien peut-on retarder le voyage ?
Tu murmures, vieillard ; vois ces jeunes mourir,
Vois-les marcher, vois-les courir
A des morts, il est vrai, glorieuses et belles,
Mais sûres cependant, et quelquefois cruelles.
J'ai beau te le crier ; mon zèle est indiscret :
Le plus semblable aux morts meurt le plus à regret.


Le Voyage de Baudelaire. Dit içi par Luchini

https://www.dailymotion.com/video/x489cw_par-coeur-luchini-part-1-5_news&start=164

Tant et tant d'autre, mais je commence déjà à vous saouler.
Olifaxe
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Message par j0hn Sam 22 Juin 2013 - 18:48

Ceux qui….

Celui qui sourit garde son calme dans l'angoisse et dont la voix ne tremble pas pour que cet autre ne pleure pas et ne cède pas à la détresse.

Celui qui au tard de la nuit dangereuse laisse la clef sur la porte afin que celui qui s'est attardé trouve la maison ouverte.

Celui qui avec un soin extrême et beaucoup de temps peint de lapis et saupoudre de grains d'or l'intérieur d'un placard qu'on n'ouvrira jamais.

Pierre Bonnard qu'un gardien surprend dans un musée en train de retoucher la minuscule tache de vert d'une feuille d'arbre d'un tableau de sa jeunesse.

Celui qui triche aux cartes et s'applique à perdre à la perfection afin que le petit garçon croie qu'il a gagné seul et rie aux éclats.

Graham Greene qui donnait de l'argent à un producteur de cinéma en lui demandant de faire semblant d'acheter les droits du roman d'un écrivain pauvre et malade.

Celui qui ment si bien à l'homme qui va mourir que celui-ci reprend espoir et meurt sans s'en apercevoir.

Celui qui dit si bien la vérité à l'homme qui va mourir que celui-ci s'en va les yeux ouverts et réconcilié.

(Hôpital Marie Lannelongue, 7 juin 1983)

Claude Roy, A la lisière du temps, suivi de Le voyage d'automne, préface d'Octavio Paz, Poésie/Gallimard 1990 (n°239). p. 112
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Message par j0hn Sam 22 Juin 2013 - 18:52

Et puis cet autre de Claude Roy : 


A peine si le vent retrousse un peu la mer,
Fait mousser sur son bleu un coin de jupon blanc.
A peine si le sang à ton front quand tu dors
Compte tout doucement l’aller-retour du temps.

A peine si les cris des enfants sur la plage
Se mélangent au flot qui chuchote ses plis.
A peine si le blanc d’un tout petit nuage
Eclabousse le bleu du ciel ourlé de gris.
A peine si j’écris, à peine si tu dors,
A peine s’il fait chaud, à peine si je vis.
Et je ferme les yeux croyant laisser dehors
Tout ce qui n’est pas toi, mon amour, endormi.
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Message par Kalimsha Sam 22 Juin 2013 - 19:49

Dans la catégorie grands classiques, merveilleux:

LE DORMEUR DU VAL

C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud
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Message par Ainaelin Dim 23 Juin 2013 - 17:53

Ca fait longtemps que je ne lis plus de poésie. Mes poèmes favoris datent donc de mon adolescence.
Le truc marrant est qu'à une exception près, ils ne parlent que de dépression ou de suicide, alors que, sans être quelqu'un de très joyeux, je n'étais pas, à l'époque, extrêmement triste non plus. La seule fois où j'ai pensé sérieusement au suicide dans ma vie, j'avais 35 ans, et la pensée n'a duré que deux secondes, je l'ai écartée immédiatement comme stupide et dramatisante au possible. Elle ne répondait pas à un besoin même si j'étais mal à l'époque.
Ceci dit, les poèmes qui m'ont touché sont des poèmes aux pensées sombres :

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.


Baudelaire - Les Fleurs du mal - LXXVIII - Spleen

*****************

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Verlaine - Poèmes saturniens - Mon rêve familier

*****************
From too much hope of living,
From hope and fear set free,
We thank with brief thanksgiving
Whatever gods may be,
That no life lives forever
That dead men rise up never;
That even the weariest river
Winds somewhere safe to sea.

(De trop de foi dans la vie,
De trop d'espoir et de trop de crainte,
Nous rendons grâce en une brève prière
Aux dieux qui nous en délivrent, et grâce leur en soit rendue,
Que nulle vie ne soit éternelle,
Que nul mort ne renaisse jamais;
Que même la plus lasse rivière
Trouve un jour son repos en mer.)

Swinburne - cité par Jack London dans le roman Martin Eden - traduction par Claude Cendrée

*************

The sea is still and deep
All things within its bosom sleep ;
A single step and all is o'er,
a plunge, a bubble, and no more.


(La mer est muette et profonde
Toute chose dort en son sein;
Un seul pas et tout est fini,
Un plongeon, une bulle, et plus rien.)


Longfellow - cité par Jack London dans le roman Martin Eden - traduction par Claude Cendrée
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Message par Bird Dim 23 Juin 2013 - 22:20

La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent
Les courants d'air claquent les portes et pourtant aucune chambre n'est fermée
Il s'y assied des inconnus pauvres et las qui sait pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien qu'on n'en peut plus baisser la herse

Quand j'étais jeune on me racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j'y ai cru comme j'y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qu'il en reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent change

{Refrain}
J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon coeur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu'on voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu'il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre

Je vois tout ce que vous avez devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n'aurez rien appris de nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre épaule A votre front je vois le pli des habitudes

Bien sûr bien sûr vous me direz que c'est toujours comme cela mais justement
Songez à tous ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l'engrenage
Pour que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est-ce qu'on peut avoir le droit au désespoir le droit de s'arrêter un moment

{Refrain}

Songez qu'on n'arrête jamais de se battre et qu'avoir vaincu n'est trois fois rien
Et que tout est remis en cause du moment que l'homme de l'homme est comptable
Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d'épouvantables
Car il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien

Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire
Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d'autres sont montés
Arracher le drapeau de la servitude à l'Acropole et qu'on les a jetés
Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l'histoire

{Refrain}

Je ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
En face pour savoir en triompher Le chant n'est pas moins beau quand il décline
Il faut savoir ailleurs l'entendre qui renaît comme l'écho dans les collines
Nous ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l'ensemble des chants

Le drame il faut savoir y tenir sa place et même qu'une voix se taise
Sachez-le toujours le choeur profond reprend la phrase interrompue
Du moment que jusqu'au bout de lui même Le chanteur a fait ce qu'il a pu
Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse


Extrait du poème d'Aragon: "Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort", chanté par J. Ferrat


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Message par Bouclette Sam 3 Aoû 2013 - 22:05

Le Cancre

Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu'il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec les craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur.

Jacques Prévert.
C'est un classique, mais je trouve cette poésie tellement magnifique. On peut l'interpréter de mile et une façons... Ange
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Message par Bird Sam 3 Aoû 2013 - 22:20

Se coucher tard
Nuit
(R. Devos)
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Message par Cypher Sam 3 Aoû 2013 - 23:57

Ozymandias

Un jour un voyageur d'un pays antique
Me dit : « Deux énormes jambes en pierre, dépourvues de tronc,
Se dressent dans le désert... Auprès d'elles, dans le sable,
À moitié enterré gît un visage fracassé, dont le front renfrogné

La lèvre retroussée, le sourire d'une froide autorité,
Proclament que le sculpteur savait lire les passions
Qui, imprimées sur ses choses sans vie, survivent encore
À la main qui les imita comme au cœur qui les nourrit;

Et sur le piédestal on pouvait lire ces mots:
Je suis Ozymandias, Roi des rois,
Contemplez mon œuvre Ô puissants, et désespérez !

Rien à part cela ne reste. Autour des décombres
De ce colossal naufrage, s'étendent dans le lointain
Les sables solitaires et plats, vides jusqu'à l'horizon.

(Percy Bysshe Shelley)

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Message par Invité Dim 4 Aoû 2013 - 0:40

Il y avait qu'il fallait détruire et détruire et détruire,
Il y avait que le salut n'est qu'à ce prix.

Ruiner la face nue qui monte dans le marbre,
Marteler toute forme de beauté.

Aimer la perfection parce qu'elle est le seuil,
Mais la nier sitôt connue, l'oublier morte,

L'imperfection est la cime.

L'imperfection est la cime
Yves Bonnefoy


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Message par dessein Dim 4 Aoû 2013 - 0:52

et

«Une des tristesses de Rome, il faut le redire, est dans ces gestes grandioses, mais figés, suspendus à mi-chemin, que la liturgie et l'architecture ébauchent partout comme en rêve ou en souvenir sans jamais les achever.»

Julien Gracq
Autour des sept collines
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Message par UK09 Mer 7 Aoû 2013 - 12:29

J'apprécie beaucoup The Masque of Anarchy, de Percy Byshe Shelley.

The Masque of Anarchy:

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Message par dessein Mer 7 Aoû 2013 - 12:34

merci
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Message par Banquo Mer 25 Sep 2013 - 10:50

Thou hast it now: King, Cawdor, Glamis, all,
As the weird women promised, and I fear
Thou play'dst most foully for't; yet it was said
It should not stand in thy posterity,
But that myself should be the root and father
Of many kings. If there come truth from them—
As upon thee, Macbeth, their speeches shine—
Why, by the verities on thee made good,
May they not be my oracles as well,
And set me up in hope? But hush, no more.

Shakespeare, Macbeth, 3, 1
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Message par Super Sheldandy de l'ACS Mer 25 Sep 2013 - 11:02

Dans Macbeth, Act. II Sc. 2, Shakespeare a écrit:"MACBETH :
Methought I heard a voice cry, “Sleep no more!
Macbeth does murder sleep”—the innocent sleep,
Sleep that knits up the raveled sleave of care,
The death of each day’s life, sore labor’s bath,
Balm of hurt minds, great nature’s second course,
Chief nourisher in life’s feast.

LADY MACBETH :
     What do you mean?

MACBETH :
Still it cried, “Sleep no more!” to all the house.
“Glamis hath murdered sleep, and therefore Cawdor
Shall sleep no more. Macbeth shall sleep no more.”

(...)

MACBETH :
     Whence is that knocking?
How is ’t with me when every noise appals me?
What hands are here? Ha! They pluck out mine eyes.
Will all great Neptune’s ocean wash this blood
Clean from my hand? No, this my hand will rather
The multitudinous seas incarnadine,
Making the green one red."
CLAP !
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Message par Invité Mer 25 Sep 2013 - 11:13

.


Dernière édition par cancre zébré le Sam 28 Déc 2013 - 10:50, édité 1 fois

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Message par Icare Jeu 26 Sep 2013 - 0:42

Pour la zik en lisant : https://www.youtube.com/watch?v=s-S28rX_c24


Il fut un temps, il y a bien des années, où leurs regards se croisèrent, ce fut l’étincelle d'un feu ardent qui ne cessa de bruler leurs cœurs.

Mais le sort en avait décidé autrement, et sur le chemin de la vie, leurs routes ne purent se croiser et s'entremêler.

C'est ainsi que le destin scella leurs avenirs dans un parcours de peines et de douleurs, accompagné de faux amis et déguisé de bonheurs artificiels.

Le monde réel n'était plus que souffrance, un abîme que l'on descend sans même penser qu'un jour on pourrait y voir le fond, et dont la surface n'existe même plus.

Et ce que la vie fit d'eux les remplirent d'amertume, le bonheur n'exista alors que dans un autre monde empoisonné.

L'insouciance et le semblant de bonheur n'était que le bel appât de leurs futures déchéances...parce qu'à présent,ils sont devenus leurs propres bourreaux.

Maintenant, ils s'infligent leurs propres souffrances, pour pouvoir mieux jouir de leurs rêves "d'anges heureux".

Quand arriva le jour de leurs retrouvailles, son amour déborda pour elle, on aurait dit que le bonheur lui était enfin permis.

Enfin accessible, que plus rien ne pourrait les séparer, parce que rien n'est plus fort que l'amour.

Il trouva le souffle d'espoir d'une nouvelle vie en elle, la fin de la misère de son âme, de la souffrance d'une vie sans amour.

Il aurait pu lui donner l'univers entier, l'enlacer jusqu'à en mourir d'épuisement...tout pour qu'elle ressente enfin ces bonheur qui lui a tant fait défaut.

Mais ce fut sans compter sur la vie qui en avait encore décidé autrement, et comme une malédiction, elle ne pu se libérer des profondeurs de son gouffre.

Elle était devenue l'esclave de sa propre souffrance, celle qui, de son abîme, se condamne à ne s'apaiser que de ses rêves "d'anges heureux"...elle s'était perdue... et il l'avait perdu...

Nul ne sait ce qu'ils devinrent , et puisque la vie est un éternel recommencement, peut-être que les maux de leurs âmes finiront par faiblir, jusqu'à ce que l'amour ne soit plus que l'unique raison leurs vies.

...Mais ce que je sais ; c'est qu'ils souffrent encore...
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Message par Icare Jeu 26 Sep 2013 - 1:28

oups pas le bon endroit!
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Message par david50 Jeu 26 Sep 2013 - 10:22

Las de l'amer repos...

Las de l'amer repos où ma paresse offense
Une gloire pour qui jadis j'ai fui l'enfance
Adorable des bois de roses sous l'azur
Naturel, et plus las sept fois du pacte dur
De creuser par veillée une fosse nouvelle
Dans le terrain avare et froid de ma cervelle,
Fossoyeur sans pitié pour la stérilité,
- Que dire à cette Aurore, ô Rêves, visité
Par les roses, quand, peur de ses roses livides,
Le vaste cimetière unira les trous vides ? -
Je veux délaisser l'Art vorace d'un pays
Cruel, et, souriant aux reproches vieillis
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie,
Imiter le Chinois au coeur limpide et fin
De qui l'extase pure est de peindre la fin
Sur ses tasses de neige à la lune ravie
D'une bizarre fleur qui parfume sa vie
Transparente, la fleur qu'il a sentie, enfant,
Au filigrane bleu de l'âme se greffant.
Et, la mort telle avec le seul rêve du sage,
Serein, je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrais encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d'azur mince et pâle serait
Un lac, parmi le ciel de porcelaine nue,
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grands cils d'émeraude, roseaux.

Stéphane Mallarmé
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Message par Invité Jeu 26 Sep 2013 - 12:51

Contradictions


Ils cohabitent en moi.
Se battent sans qu’on le voie :

Le passé le présent
Le futur et maintenant
L’illusion et le vrai
Le maussade et le gai
La bêtise la raison
Et les oui et les non
L’amour de ma personne
Les dégoûts qu’elle me donne
Les façades qu’on se fait
Et ce qui derrière est
Et les peurs qu’on avale
Les courages qu’on étale
Les envies de dire zut
Et les besoins de lutte
Et l’humain et la bête
Et le ventre et la tête
Les sens et la vertu
Le caché et le nu
L’aimable et le sévère
Le prude et le vulgaire
Le parleur le taiseux
Le brave et le peureux
Et le fier et le veule…

Pour tout ça je suis seul.

Esther Granek

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Message par Elther Ven 27 Sep 2013 - 18:53

LE POÈTE

Du temps que j’étais écolier,
Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s’asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau :
A la lueur de mon flambeau,
Dans mon livre ouvert il vint lire.
Il pencha son front sur sa main,
Et resta jusqu’au lendemain,
Pensif, avec un doux sourire.

Comme j’allais avoir quinze ans
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d’un arbre vint s’asseoir
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin ;
Il tenait un luth d’une main,
De l’autre un bouquet d’églantine.
Il me fit un salut d’ami,
Et, se détournant à demi,
Me montra du doigt la colline.

A l’âge où l’on croit à l’amour,
J’étais seul dans ma chambre un jour,
Pleurant ma première misère.
Au coin de mon feu vint s’asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux ;
D’une main il montrait les cieux,
Et de l’autre il tenait un glaive.
De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu’un soupir,
Et s’évanouit comme un rêve.

A l’âge où l’on est libertin,
Pour boire un toast en un festin,
Un jour je soulevais mon verre.
En face de moi vint s’asseoir
Un convive vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau
Un haillon de pourpre en lambeau,
Sur sa tête un myrte stérile.
Son bras maigre cherchait le mien,
Et mon verre, en touchant le sien,
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit ;
J’étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s’asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ;
Comme les anges de douleurs,
Il était couronné d’épine ;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m’en suis si bien souvenu,
Que je l’ai toujours reconnu
A tous les instants de ma vie.
C’est une étrange vision,
Et cependant, ange ou démon,
J’ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus tard, las de souffrir,
Pour renaître ou pour en finir,
J’ai voulu m’exiler de France ;
Lorsqu’impatient de marcher,
J’ai voulu partir, et chercher
Les vestiges d’une espérance ;

A Pise, au pied de l’Apennin ;
A Cologne, en face du Rhin ;
A Nice, au penchant des vallées ;
A Florence, au fond des palais ;
A Brigues, dans les vieux chalets ;
Au sein des Alpes désolées ;

A Gênes, sous les citronniers ;
A Vevey, sous les verts pommiers ;
Au Havre, devant l’Atlantique ;
A Venise, à l’affreux Lido,
Où vient sur l’herbe d’un tombeau
Mourir la pâle Adriatique ;

Partout où, sous ces vastes cieux,
J’ai lassé mon coeur et mes yeux,
Saignant d’une éternelle plaie ;
Partout où le boiteux Ennui,
Traînant ma fatigue après lui,
M’a promené sur une claie ;

Partout où, sans cesse altéré
De la soif d’un monde ignoré,
J’ai suivi l’ombre de mes songes ;
Partout où, sans avoir vécu,
J’ai revu ce que j’avais vu,
La face humaine et ses mensonges ;

Partout où, le long des chemins,
J’ai posé mon front dans mes mains,
Et sangloté comme une femme ;
Partout où j’ai, comme un mouton,
Qui laisse sa laine au buisson,
Senti se dénuder mon âme ;

Partout où j’ai voulu dormir,
Partout où j’ai voulu mourir,
Partout où j’ai touché la terre,
Sur ma route est venu s’asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie
Je vois toujours sur mon chemin ?
Je ne puis croire, à ta mélancolie,
Que tu sois mon mauvais Destin.
Ton doux sourire a trop de patience,
Tes larmes ont trop de pitié.
En te voyant, j’aime la Providence.
Ta douleur même est soeur de ma souffrance ;
Elle ressemble à l’Amitié.

Qui donc es-tu ? - Tu n’es pas mon bon ange,
Jamais tu ne viens m’avertir.
Tu vois mes maux (c’est une chose étrange !)
Et tu me regardes souffrir.
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,
Et je ne saurais t’appeler.
Qui donc es-tu, si c’est Dieu qui t’envoie ?
Tu me souris sans partager ma joie,
Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t’ai vu m’apparaître.
C’était par une triste nuit.
L’aile des vents battait à ma fenêtre ;
J’étais seul, courbé sur mon lit.
J’y regardais une place chérie,
Tiède encor d’un baiser brûlant ;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille,
Des cheveux, des débris d’amour.
Tout ce passé me criait à l’oreille
Ses éternels serments d’un jour.
Je contemplais ces reliques sacrées,
Qui me faisaient trembler la main :
Larmes du coeur par le coeur dévorées,
Et que les yeux qui les avaient pleurées
Ne reconnaîtront plus demain !

J’enveloppais dans un morceau de bure
Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu’ici-bas ce qui dure,
C’est une mèche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
Je me perdais dans tant d’oubli.
De tous côtés j’y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde,
Mon pauvre amour enseveli.

J’allais poser le sceau de cire noire
Sur ce fragile et cher trésor.
J’allais le rendre, et, n’y pouvant pas croire,
En pleurant j’en doutais encor.
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée,
Malgré toi, tu t’en souviendras !
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée,
Ces sanglots, si tu n’aimais pas ?

Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ;
Mais ta chimère est entre nous.
Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures
Qui me sépareront de vous.
Partez, partez, et dans ce coeur de glace
Emportez l’orgueil satisfait.
Je sens encor le mien jeune et vivace,
Et bien des maux pourront y trouver place
Sur le mal que vous m’avez fait.

Partez, partez ! la Nature immortelle
N’a pas tout voulu vous donner.
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle,
Et ne savez pas pardonner !
Allez, allez, suivez la destinée ;
Qui vous perd n’a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumée ; -
Eternel Dieu ! toi que j’ai tant aimée,
Si tu pars, pourquoi m’aimes-tu ?

Mais tout à coup j’ai vu dans la nuit sombre
Une forme glisser sans bruit.
Sur mon rideau j’ai vu passer une ombre ;
Elle vient s’asseoir sur mon lit.
Qui donc es-tu, morne et pâle visage,
Sombre portrait vêtu de noir ?
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ?
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j’aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,
Pèlerin que rien n’a lassé ?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l’ombre où j’ai passé.
Qui donc es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs ?
Qu’as-tu donc fait pour me suivre sur terre ?
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n’apparais qu’au jour des pleurs ?

LA VISION

- Ami, notre père est le tien.
Je ne suis ni l’ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que j’aime, je ne sais pas
De quel côté s’en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.

Je ne suis ni dieu ni démon,
Et tu m’as nommé par mon nom
Quand tu m’as appelé ton frère ;
Où tu vas, j’y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j’irai m’asseoir sur ta pierre.

Le ciel m’a confié ton coeur.
Quand tu seras dans la douleur,
Viens à moi sans inquiétude.
Je te suivrai sur le chemin ;
Mais je ne puis toucher ta main,
Ami, je suis la Solitude.

Alfred de Musset, La nuit de décembre
Elther
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Vos poèmes préférés - Page 1 Empty Re: Vos poèmes préférés

Message par Invité Ven 27 Sep 2013 - 19:09


(Il est pas mal ce Musset.)


La vie antérieure

J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.


Ch. Baudelaire


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