Changer d'avis du tout au tout

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Message par Petitagore Ven 27 Sep 2013 - 10:53

On dit souvent (et je pense qu'on a raison) qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis.

Eh bien nous, qui avons des capacités intellectuelles si étonnantes -- comme par exemple nous le démontrons tous les jours sur les fils où il est question de religion -- sommes-nous plus capables de changer d'avis que la plèbe infâme des normo-pensants?

Sommes-nous capables de changer vraiment d'avis, mais alors vraiment vraiment, du tout au tout? Capables de brûler ce que nous avons adoré, capables de défendre jusqu'au martyre ceux dont avons souhaité la déconfiture? Capables de dire "j'exècre ce que j'ai été", "j'ai honte et je me repens"?

Vous, je sais pas, mais moi ça m'est déjà arrivé. Pas forcément sur des choses très graves, pas forcément de façon spectaculaire, et assurément pas souvent, mais enfin ça m'est déjà arrivé.

Par exemple, quand j'étais petit (il y a presque cinquante ans: l'avantage d'être vieux, c'est qu'on a davantage d'opinions à reconsidérer), je dé-tes-tais Edith Piaf. Elle était petite, moche, habillée en noir, elle perdait ses cheveux, ses sourcils étaient peints, elle était même pas enregistrée en stéréo, les pochettes de ses disques étaient même pas en quadrichromie, toutes les vieilles dames amies de mes grands-mères l'adoraient, elle gueulait comme un putois de la musique de vieux, en plus c'était triste... bref c'était l'horreur.

A l'âge de trente ans révolus, alors que j'avais complètement oublié cette vieille peau et au moment où je m'y attendais le moins (j'étais en train de prendre le thé chez des francophiles au fin fond de la Bolivie), mon hôte a mis une cassette de chansons françaises pour me faire honneur, une drôle de compil pas très homogène comme font les estrangers qui ne connaissent pas bien la doulce terre de France: Brassens, Trénet, Montand, Reggiani...

Et Piaf.

Oh bon Dieu.

Exactement comme dans la chanson, ça m'est entré par le bas par le haut et j'ai eu envie de gueuler, c'était physique. C'était poignant, ça me tordait le coeur, j'avais les larmes aux yeux, j'étais en adoration... Mille pétards, cette vieille peau que je détestais, mais c'était une AR-TISTE!

Le chemin de Damas de ce vieux radoteur de Saul de Tarse, le pilier de Notre-Dame de ce vieux con de Paul Claudel: tout pareil. Dieu existait et il ne me restait qu'à tomber à genoux.

Bon, j'exagère un peu, mais vraiment pas tant que ça. C'était vraiment une conversion, un truc très nettement plus fort que de simplement juger qu'il est temps de nuancer un peu son opinion.

Changer d'avis à ce point, ça ne m'arrive pas souvent, mais enfin ça m'arrive.

Dans un genre très très différent, je me souviens de la mort d'Ilan Halimi et d'avoir alors brusquement pris conscience qu'il y avait dans mon beau pays des individus nettement plus nuisibles, odieux et dangereux que les connards de beaufs qui avaient expédié Le Pen au second tour. Et je vous garantis que dans la tête d'un antiraciste diplômé, ce genre de réflexions, ça fait vraiment tout drôle.

Quand Fukushima nous a pété à la gueule à tous, je me suis souvenu du nombre de fois où j'avais entendu à la télé un nucléocrate bien propre sur lui répondre à un écolo mal fringué et furibard: "Mais enfin, cher monsieur, regardez-moi: croyez-vous vraiment que je serais capable d'aller mettre en danger la vie de millions de  personnes? ne croyez-vous pas plutôt que je serais en droit de me déclarer insulté que vous osiez insinuer une chose pareille?" La veille de Fukushima, j'aurais dit avec une entière conviction: non, c'est vrai, c'est délirant et dégueulasse d'insinuer des choses pareilles sur ces grands scientifiques qui oeuvrent avec tant de compétence et d'application pour le bien de toute l'humanité, pardon monsieur et faites-moi l'amitié de reprendre un peu de thé, je serais au désespoir que vous partiez fâché. Au lendemain de Fukushima, c'est brusquement devenu: sacré nom de Dieu de fils de pute, avec quelle joie je t'enverrais brûler dans ton corium, toi, ta cravate et ton hypocrisie.

J'avais un peu changé d'avis, quoi.

Je ne vous raconterai pas comment je suis passé du catholicisme à l'agnosticisme, parce que ce forum a eu récemment plus que son content de guerres de religion, mais je signale comme ça juste en passant que contrairement à ce dont tout le monde a l'air très convaincu sur les fils litigieux, il est possible de changer d'avis sur ces questions, et même de le faire après avoir réfléchi sur les arguments de gens qui vous engueulent.

Mais je vous donnerai plutôt un dernier exemple, pas vraiment plaisant. J'étais en vacances avec la dame de mes pensées, le grand amour de ma vie depuis plus de trente ans. Il pleuvait et elle faisait la gueule avec ostentation depuis... trop longtemps. Et brusquement j'ai repensé à ce que Proust fait dire à Swann: "Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre!"

On peut changer d'avis.
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Message par Invité Ven 27 Sep 2013 - 11:33

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Dernière édition par cancre zébré le Sam 28 Déc 2013 - 9:53, édité 1 fois

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Message par bepo Ven 27 Sep 2013 - 12:12

Très difficile aussi de savoir si l'on peut être objectif sur la question.
Sans pouvoir les citer, il me semble que de nombreuses expériences de psychologie indiquent que lorsque l'on est psychiquement en bonne santé, on s'attribue ses victoires et on rejette ses échecs. Ainsi on ne vit pas le passage de l'état de nourrisson inculte, à celui d'adulte comme un renoncement, mais comme un apprentissage. Et on est même obligé de se rappeler continuellement que l’échec fait partie de l'apprentissage, invoquant une méthode Coué qui indique notre manque de contrôle flagrant et finalement a demi assumé, relatif à la confiance en soi, l'humilité devant la vérité.
Merde en écrivant ceci je me rend compte de la terrible connerie que je commet en indiquant : je ne pourrais citer les études. A peine la phrase écrite je me rend compte des objections que je pourrais moi même formuler.
Bon ca me fait penser que du coup de nombreuses opinions sont émises uniquement pour se protéger contre des tentatives de manipulations. Pour expliciter, est ce que la prédilection des chatelins de s'installer au sommet d'une colline témoignerait réellement de leur attrait pour la faune et la flore de ce type de biotope ?
On se plait à dresser un portarit idyllique des idée, de la pensée, de l'intelligence, mais elle a aussi un rôle social. Je repense à ce que disait Albert Jacquard à propos de son métier de scientifique, en indiquant que malgré la plus grande des découvertes, il lui aurait semblé vain s'il n'avait pas oeuvré à en faire appréhender les enseignements aux non scientifiques. Le fait même qu'il exprime cette opinion, démontrant ainsi la perception de l'aspect singulier qu'il en a, révèle le profond divorce qu'il existe entre la démarche scientifique et le monde des opinions.
Ce divorce est acté entre les scientifiques et la population, sous l'angle de la fonction que nous petites fourmis occupons, mais aussi à mon avis entre le scientifique lorsqu'il bosse, et lorsqu'il vit. A Jacquard l'expliquait d'ailleurs par la spécialisation extrème des scientifiques et le déclin factuel des encyclopédistes, ce qui me semble une bonne explication parmi d'autres.
Je vais me raccrocher au fil de mon post, donc dans ce cas des opinions auxquelles on s'accroche comme a un radeau dans l’espoir ou la conviction qu'il va nous mener à terre, je crois que oui on peut facilement changer d'idée.

Ensuite concernant l'effet du surdon, j'en sais rien. L'équation me semble incroyablement complexe.
En posant simplement que le surdoué serait idéologiquement plus indépendant, cela reviendrait à dire que le non surdoué serait plus suiveur. Reste a établir un lien de corrélation entre l'indépendance et la capacité à convaincre autrui. Modéliser le tout et voir ou le taux de variabilité des idées est plus élevé. (imaginez juste l'importance des rétroactions possibles comparée à la fragilité des hypothèses initiales)J'ai bien peur que sinon on ne fasse qu’émettre des hypothèses idéologiques concernant le fait d'être surdoué.
Par contre on pourrait essayer de lister tous les facteurs qui semblent intervenir dans la capacité à changer d'opinions.
On sera amené à débattre d'une lutte intestine entre l'aspect cognitif et émotionnel des choses.

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Message par Uccen Mar 1 Oct 2013 - 13:00

Je fais parti de la plèbe sous normo-pensante, je ne pense pas (ou seulement un jour pour décider que cela ne me sert à rien), dit autrement pour me mettre à la portée des grands esprits, je ressens mes pensées ou pense mes sentiments, mais je ne m'arrête pas, je n'élabore pas de cheminement intellectuel, je ne pose pas d'arguments pour les analyser et construire un raisonnement.

Donc je n'ai pas de théorie patiemment édifiée, de système de pensée maçonné avec briques et arc-boutants. J'ai des sensations vis à vis de l'environnement, qui peuvent fluctuer sans que cela me perturbe, le panel reflétant comme une sorte de flou artistique de mon sentiment général.
Comme on s'en tient généralement à ses goûts culinaires,
on peut apprécier un mets jusqu'alors négligé ou inconnu sans que l'on en soit outre-mesure perturbé, parfois on délaisse un peu tel plat particulièrement apprécié durant l'enfance, mais le plaisir que l'on y portait reste pourtant en nous, même en l'état de souvenir, même fantasmé.
Je peux me lasser de ceci ou cela, n'avoir plus le même entrain, découvrir de nouveaux points de vue dont je ne m'étais soucié, je n'ai jamais l'impression de me remettre en cause ou de changer d'avis.

Je ne suis jamais dans une démarche d'ouverture, au monde ou à autrui.
Je me laisse porter, selon mon bon plaisir ou mon ennui, mon humeur.
Il ne m'intéresse pas plus de rechercher à savoir s'il est fondé, légitime, que cette pensée soit par moi ressentie, si c'est valide, si cela a plus ou moins de valeur, si ce peut être confronté.
Elle est mienne, parce que je la sens, elle s'estompera ou pas, se fortifiera ou pas, cela ne viendra que de mes fluctuations internes, il ne m'intéresse pas de noter à propos de ces dernières l'influence extérieure.

Pour résumer, je ne crois pas que l'on change drastiquement de goût, de caractère, sauf accident cérébral.
Il me sied assez être un imbécile.
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Message par Ise Mar 1 Oct 2013 - 14:00

Une chose m'a longtemps frappée "avant" de connaître ma zébritude. Des personnes que je côtoyais - et que je regardais agir avec intérêt, tentant de les comprendre - changeaient d'avis comme de chaussettes. Exemple : "les Renault c'est de la m..., vive Citroën", et deux mois plus tard ne juraient que par Renault chez qui ils venaient d'acheter un véhicule...
Pour moi changer d'avis comme ça frisait le ridicule. Je m'efforçais déjà à l'époque de ne pas avoir d'avis tranché, oralement, de façon à m'aménager la possibilité de m'en sortir si mon opinion changeait, ce qui était toujours le cas ! Oralement disais-je, ayant peur du jugement...
Aujourd'hui j'exprime à haute voix ce que je pense, et mon avis va et vient selon mes pensées ou sensations du moment, il n'est jamais tout blanc ou tout noir. Je pense que ma zébritude a un effet sur mes opinions de par la pensée en arborescence et l'hypersensibilité. Mais je crois aussi que chaque jour que je vis m'apporte son lot de nouvelles expériences, à mouliner dans ma tête et ajouter aux autres, pour être en mesure de changer. Pas que j'aie peur d'être considérée comme une imbécile qui ne change pas ! Mais parce qu'à chaque instant si je m'interroge je constate que je ne suis pas arrivée au bout, mais bien "en chemin"...
Hum brouillon toussa, désolée Very Happy 
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