Le réel a-t-il eu lieu

Je suis un obsessionnel

Souvent il m’arrive de me poser la question, pour une action donnée, de me demander si je l’ai réellement faite
Et j’en arrive à ne plus savoir si les choses se sont vraiment passées comme je le pense, ou si quelque chose m’a échappé et que j’ai reconstitué un souvenir qui est faux

Exemple: Pendant ce match de foot, est-ce que j’ai vraiment marqué le but ?

La question continuera de me tarauder même si le score officiel montre que c’est moi qui ai marqué
J’ai toujours des doutes sur ce qui est officiel

Et plus je m’éloigne du moment où c’est arrivé, et plus ça devient compliqué de savoir si ça s’est vraiment passé
Ça rend fou

C'est normal, tous nos souvenirs sont retravaillés. Particulièrement par la vide, mais parfois aussi par des substitutions.

Quand je suis entré en prépa, j'étais convaincu mordicus que c'était la première fois de ma vie que j'allais à la cantine. Jamais, avant, ma mère ne m'aurait abandonné dans ce genre de lieux. Juste, là, le lycée parisien était trop loin pour que je puisse rentrer manger le midi.

25 ans plus tard, je lui en ai parlé, et sa réponse a été "mais bien sur que si!!! deux à trois fois par an, quand je devais aller à Paris, je te casais à la cantine". Impossible d'en trouver le moindre souvenir. Puis finalement, un élément fugace, je me suis souvenu traverser la rue qui nous séparait de la cantine avec la partie de la classe qui mangeait à la cantine. Une fois. Juste l'aller. Toujours rien sur ce qui s'est passé dans ce bâtiment, ni sur le retour.

Ca ne me plait pas beaucoup. Si mon cerveau a choisi de bloquer ça, il y a surement une excellente raison, et je suis dans l'incapacité de trouver laquelle.

Dit autrement, oui, le réel a eu lieu, mais la vision qu'on en a est forcément parcellaire, et parfois retravaillée, pour des raisons émotionnelles fortes. C'est décevant, mais je ne peut pas dire grand chose de plus.

RonaldMcDonald a écrit:C'est normal, tous nos souvenirs sont retravaillés. Particulièrement par la vide, mais parfois aussi par des substitutions.

Quand je suis entré en prépa, j'étais convaincu mordicus que c'était la première fois de ma vie que j'allais à la cantine. Jamais, avant, ma mère ne m'aurait abandonné dans ce genre de lieux. Juste, là, le lycée parisien était trop loin pour que je puisse rentrer manger le midi.

25 ans plus tard, je lui en ai parlé, et sa réponse a été "mais bien sur que si!!! deux à trois fois par an, quand je devais aller à Paris, je te casais à la cantine". Impossible d'en trouver le moindre souvenir. Puis finalement, un élément fugace, je me suis souvenu traverser la rue qui nous séparait de la cantine avec la partie de la classe qui mangeait à la cantine. Une fois. Juste l'aller. Toujours rien sur ce qui s'est passé dans ce bâtiment, ni sur le retour.

Ca ne me plait pas beaucoup. Si mon cerveau a choisi de bloquer ça, il y a surement une excellente raison, et je suis dans l'incapacité de trouver laquelle.

Dit autrement, oui, le réel a eu lieu, mais la vision qu'on en a est forcément parcellaire, et parfois retravaillée, pour des raisons émotionnelles fortes. C'est décevant, mais je ne peut pas dire grand chose de plus.

Et alors comment fais-tu pour tenir un acte passé pour vrai, et pour conclure qu’il a vraiment eu lieu, après avoir émis des doutes

Otto Von Frankreich a écrit:(.../...)Et alors comment fais-tu pour tenir un acte passé pour vrai, et pour conclure qu’il a vraiment eu lieu, après avoir émis des doutes

Jeu de probabilités.

Est-il probable que ma mère aie parfois eu besoin d'aller à Paris? Oui. Avait elle d'autres solutions que de me mettre à la cantine? Non. Est-ce que la bribe incomplète qui me reste correspond à la configuration des lieux? Oui, la cantine était bien de l'autre coté de la route. Que je ne traversais jamais avec l'école autrement, seulement le soir avec ma mère pour aller au judo.

J'ai donc un évènement cohérent avec lui-même, cohérent avec le reste, rapporté par un témoin qui n'a pas de raisons de raconter des salades à ce sujet. Et un début de commencement de souvenir qui colle. Est-ce que c'est une démonstration formelle prouvée et sans failles? Non. Mais je n'ai pas de quoi en faire une, donc je dois me contenter d'éléments à fiabilité inférieure. Niveau de certitude bon, mais pas 100%.

Et parfois, on a beaucoup moins de billes. Donc on fait avec ce qu'on a. Il y a toujours un moment ou on est obligé de boucher les trous avec des éléments, euh, non prouvés et non certains. Obligés parce qu'il faut bien se faire une image du monde. L'important, dans ce cas, est de savoir quel est leur degré de fiabilité. Et, surtout, si de nouveaux éléments apparaissent qui contredisent, corriger son image do monde - et non pas nier l'évidence.