Tous les matins du monde

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Message par Atypikal Dim 25 Fév 2024 - 15:19

L’enfant de l’humanité

Sur une Terre jadis prospère, désormais mourante déchiré par un conflit planétaire meurtrier, elle est venue au monde au milieu des décombres d’une ville dévastée parmi tant d’autres par l’ignorance de la race humaine, quelque part sur le dernier continent abritant encore quelques milliers d’individus condamnés à une agonie lente et incertaine.
Cet îlot stellaire qui fut autrefois un berceau florissant de plusieurs dizaines de milliards d’êtres humains est désormais un tombeau de désolation, un champ de ruines stériles, dépourvu d’eau, de nourriture, de vie, sans terres arables et sans avenir pour quiconque. Tant de conflits, de guerres intestines, de trahisons, de ressentiments, de colère et de haine pour une humanité incapable de prévenir, de ralentir son inéluctable apocalypse avaient acté son inéluctable destinée tant elle avait pavée la voie vers cette abysse où chaque geste, chaque mot n’ont fait qu’accélérer la chute inexorable.
Aucune parole, aucun acte n’auraient pu repousser plus avant cette dernière extinction de masse, tant l’enchaînement avait été d’une perfection sans égale et aucun des pairs, des semblables de cette dernière enfant sauvage, n’avaient été en mesure de l’arrêter et n’auraient souhaité intervenir si cette possibilité leur avait été offerte par le destin tant chacun était heureux que l’histoire de l’humanité se termine définitivement, fut-ce dans la souffrance de quelques survivants condamnés à un destin misérable.
L’enfant de l’apocalypse avait tant soufflé sur les charbons ardents que le brasier naissant avait dès lors condamné ce monde à l’anéantissement absolu sans qu’aucune action humaine ne puisse le ralentir condamnant ce monde à une extinction totale, sans possibilité de rédemption tandis que les derniers vestiges de vie se déchireraient dans quelques archipels de survivance dans un chaos sans nom, où seuls les plus acharnés se battraient encore pour prolonger leur existence de quelques jours, quelques semaines, avant l’ultime extinction qui mettrait un terme à cette prévisible évolution du genre humain.
De l’apparition sur Terre de la première cellule à ces derniers instants, il ne s’était déroulé qu’une insignifiance temporelle, une particule de poussière cosmologique, une fugace étoile filante dans l’immensité cosmique, une longue agonie condamnée à s’éteindre comme tant d’autres avant elle alors que nous n’aurons été qu’un désastre d’évolution.
De tous les enfants sauvages encore en vie dans les derniers champs de ruines urbaine, il en était quelques-uns qui prenaient soin d’accompagner une dernière vie à naître tandis que sa mère n’espérait que de posséder la volonté de survivre quelques minutes afin de célébrer cette naissance par un dernier regard avant de s’éteindre. Son souhait ne fut pas exaucé. Elle devait s’éteindre à l’instant où son enfant sortirait de sa matrice afin de pousser son premier cri accompagnant les éclairs déchirant le ciel nocturne.
Cette enfant, dernière lueur de l’humanité agonisante passerait ses premières heures de vie blottie contre le corps de sa mère défunte avant de s’éteindre à son tour dans un silence lugubre, sans avoir connu autre chose que l’obscurité éternelle alors qu’il n’y aurait bientôt plus rien à regretter et quiconque à pleurer.
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Message par Atypikal Mar 27 Fév 2024 - 5:58

L’enfant du tonnerre

Depuis les aubes lointaines de l’histoire humaine, depuis les prémices de l’humanité elle-même, il y a eu ces enfants sauvages, ces âmes étranges et égarées qui résistaient farouchement à toute intégration dans la société, dans la tribu, dans la famille même. Considérés comme des parias dès le berceau, comme des étrangers au sein de leur propre communauté, ces enfants suscitaient plus de frayeur que de compassion.
Au sein des peuples primitifs, leur présence mystérieuse engendrait une terreur indicible pour qui croisaient leur regard. Pourtant, malgré cette crainte, jamais on ne songeait à les abandonner ou à leur infliger un sort funeste, tant la sacralité de chaque vie était respectée jusqu’à l’âge adulte. Leurs yeux, empreints d’une lueur insaisissable, observaient le monde qui les entourait avec un détachement étrange en raison d’une appartenance à une toute autre humanité. Physiquement présents mais spirituellement absents, ils erraient dans un monde cérébral parallèle, toujours en marge de la réalité humaine et de ses préoccupations premières.
Parmi eux se trouvait celui dont l’obéissance était une notion étrangère, un concept aussi lointain que les étoiles dans le firmament et lorsque les orages se parsemaient d’éclairs qui zébraient l’atmosphère, ce vacarme assourdissant semblait être son unique réconfort, sa seule source de joie dans un monde qu’il refusait d’intégrer. Chaque éclair, chaque coup de tonnerre était accueilli par un rire étrangement joyeux, comme si ces manifestations violentes de la nature lui étaient compréhensibles et établissaient un dialogue avec lui, au regard de la solitude de son existence humaine.
Fasciné par ces tumultes célestes, il établissait une conversation obscure et insondable pour quiconque et se plongeait dans un état de transe extatique jusqu’à ce que la violence du déchirement du ciel se dissipe progressivement, que le calme revienne. Alors, il retournait à son silence, à son mutisme dans l’attente d’un nouvel échange avec son élément primaire. Dans son isolement croissant, il errait, toujours plus loin dans les limbes de la conscience et parmi les siens, il se tenait toujours plus éloigné de toute forme d’humanité, les condamnant à l’exil du monde qu’il explorait seul. Ce voyage intérieur, comme un fardeau qui semblait pourtant être son unique destin de l’extérieur, un voyage perpétuel dans les méandres de son esprit se réalisait pourtant entre la beauté sauvage de son intrinsèque nature et son inéluctable éloignement de sa communauté d’origine.
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Message par Amarante Mar 27 Fév 2024 - 8:41

Splendide.
Je te remercie et te souhaite une agréable journée de printemps.
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Message par Atypikal Jeu 29 Fév 2024 - 19:00

L'enfant du chaos

Née de la folie frénétique destructrice et des méandres tortueux de la psyché des hommes et des femmes qui avaient élevé l'humanité en étendard, elle fut l'ultime enfant sauvage, la dernière héritière de ses pairs ayant foulé la terre des humains. À travers les ères, elle eut incarné l'image des spectres vengeurs, des dieux et des divinités de la mort au sein de toutes les civilisations. Dernier vestige des temps immémoriaux où ses pairs arpentaient la terre parmi les hommes, ses innombrables réincarnations en guerrière destructrice de civilisations l’incitait sans relâche à traquer les êtres qui échappaient à la raison humaine, ces enfants de la terre, du tonnerre, de la nuit, et tant d'autres entités étrangères à l'humanité qui restaient pourtant à jamais dissimulées à son regard au sein des foules mais en recherche perpétuelle de leurs semblables.
Immatérielle en apparence, insensible à la douleur humaine et à celle des siens, condamnée à renaître à chaque aurore après avoir vécu chaque nuit la mort dans d’indicibles souffrances, elle nourrissait sa rage dévastatrice de son incapacité à rompre avec son élément primaire, à briser sa particule élémentaire.
Son unique désir, au travers de tous les conflits qu'elle engendrait, était d'entraîner l'humanité au bord de l'abîme, d'annihiler les empires, de se lancer dans le combat uniquement pour se nourrir et jouir de l'effondrement des royaumes dont elle avait jadis favorisé l’expansion dans une danse macabre où elle était à la fois la marionnette et la marionnettiste.
De sa simple et sinistre présence sur le champ de bataille, elle incarnait au regard des hommes, le sceau indomptable de la mort et de la destruction, un présage de désolation et d’anéantissement. Inaltérée ni par le nombre, ni par les héros de guerre, elle traînait inlassablement une épée à double tranchant, un fardeau colossal qui laissait un profond sillon dans la terre et qu’elle maniait avec une déconcertante aisance, toujours en quête du plus vaillant, du plus courageux et des inconscients fauchant les vies comme des brins d'herbe sous la faux du moissonneur.
De son allure longiligne, à ses cheveux incandescents, de ses tuniques confectionnées dans les tissus les plus précieux dont chaque fibre ornée de broderies racontant les conflits meurtriers qui avaient émaillé le monde, auxquels elle-même avait participé, sa nonchalance, son regard perçant azuréen la rendait distincte entre tous et faisaient de chaque guerrier un témoin de sa redoutable férocité.
Au sein de la mêlée où des milliers de combattants s'affrontaient dans un indescriptible chaos, un halo de désolation se dessinait autour d'elle, éloignant les hommes, tant aucuns n’osaient engager d'opposition sachant que la mort serait inévitable. Sans alliés ni souverains, elle fauchait sans distinction les imprudents qui se retrouvaient à portée et avec une froide efficacité leur ôtaient la vie. Lorsque, lasse de ne pas trouver de combattants dignes, de héros prêts au sacrifice, elle semait la confusion dans l’esprit de tous, prenant l'apparence d'un simple soldat ennemi pour mieux attirer ses futures victimes jusqu’à ce qu’ayant assouvi sa soif de sang, elle quitte le champ de bataille et disparaisse définitivement pour recommencer dans d’autres lointaines contrées de la terre. De ses nombreux titres, porteurs de mythes et légendes immémoriaux, il ne reste rien et ont aujourd'hui disparu dans les limbes et les brumes de l'oubli.
Le fil tissé par l’araignée du destin lors du voyage du premier navigateur traversant les abîmes d'Hadès depuis les originelles lueurs de l'humanité et l’ayant maintenu ininterrompu jusqu'à la naissance de l'enfant qui devait inaugurer la promesse d'un nouveau cycle mais dont le dernier souffle avant les premières traits de l’aube mettant fin à toute forme d’espoir, aux cycles de ses renaissances et aux éléments primordiaux composant chaque cellule des enfants sauvages devait se briser et accorder à l'enfant du chaos son ultime souhait de se délivrer de ses résurrections.
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Message par Atypikal Mar 12 Mar 2024 - 6:18

L’enfant de la guerre


Dans les sombres méandres éternels de l’Histoire, perdure une légende aussi ancienne que la conscience humaine elle-même. Celle de l’enfant de la guerre. Né des affrontements perpétuels que sa sœur attisait comme les flammes d’un incendie dévastateur et qui, autrefois, déchiraient les nations, il arpentait les territoires en témoin silencieux constatant les conséquences ravageuses des batailles meurtrières du genre humain.
Chacun de ses pas résonnait comme un écho de désespoir vécu sur les champs de bataille, chaque souffle teinté de la fureur des combats. Son regard, aussi vide que celui d’un général stratège ayant survécu à d’innombrables boucheries humaines, il contemplait le chaos, la douleur et la destruction avec une implacable lucidité, mais également une détermination inébranlable à ce que cette spirale de violence jamais ne cesse.
Les larmes qu’il versait n’étaient pas celles du ressentiment des veuves et des orphelins, victimes de la perte d’êtres chers, les cris qu’il poussaient, pas davantage de ceux des soldats tombés au combat. Malgré la douleur qui résidait en son âme, il ne fléchissait pas, car en lui seul résidait l’espoir furieux d’un avenir délivré des ravages de la guerre, de la violence et de l’humanité elle-même.
Telle une figure mythique surgie des légendes oubliées, l’enfant de la guerre portait sur ses épaules le poids des siècles de conflits et dans son sillage serpentaient la désolation et la mort qui s’étendaient telles des ombres implacables recouvrant les paupières et les âmes.
Ses pas résonnaient désormais dans les rues désertées des villes dévastées aux cieux embrasés, aux fleuves ensanglantés par la colère et les morts, là où seuls les échos des tirs lointains persistaient encore, rappel constant de la violence qui régnaient jusqu’au dernier souffle de vie des ultimes survivants. Traversant les champs jonchés de débris et de cadavres, sa frêle silhouette et son jeune âge apparent contrastaient avec la brutalité de son environnement et derrière ses yeux empreints d’une tristesse absolue, brillait une lueur de détermination à annihiler les dernières traces de vie humaine.
Inconnu de quiconque, chacun avait conscience de sa présence lorsqu’il était présent tant l’odeur de la mort emplissait l’atmosphère et le cœur des hommes. Inlassablement il poursuivait son périple solitaire à travers les ravages dont seul l’humanité est capable, s’arrêtant parfois devant les murs délabrés de bâtiments en ruine, où les graffitis témoignaient des espoirs déchus et des rêves brisés. Là, il écoutait le murmure des vents, porteurs mutiques des lamentations des victimes et laissait une trace de son passage, un message silencieux d’un dernier refus de rédemption car il n’était plus temps d’accorder pour quiconque la possibilité d’une dernière lumière.
À mesure qu’il avançait, les vestiges du passé s’érigeaient en témoins muets de sa quête, tandis que les étoiles, perçant à travers les nuages, offraient leur dernier spectacle lumineux dans l’obscurité éternellement silencieuse. Chaque instant était un combat perdu d’avance pour les uns, une victoire pour lui, chaque souffle une bataille contre la résignation, mais l’enfant de la guerre persistait, portant sur ses épaules le fardeau de l’humanité déchue qui, trop longtemps avait survécu.
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