Les planètes - nouvelle sur un zèbre

Quand j'étais adolescente, au secondaire, j'ai eu à lire un recueil de nouvelles dans lequel figurait une nouvelle qui m'avait beaucoup marquée. Pendant longtemps j'ai recherché cette nouvelle dont j'avais oublié le titre, j'avais même oublié le nom de l'auteur et le titre du recueil. Je l'ai retrouvé récemment (jolie histoire en plus : je me déforme le dos en emmenant, à vélo, dans mon sac des livres à donner à la librairie de seconde main, en discutant avec le libraire, je vois ce recueil dans l'étagère juste à côté, je le prend aussitôt, je dis que je le cherchais ce livre, le libraire me dit «Prend-le, ce sont des livres que je donne gratuitement avec achat de 5 $ ou plus, mais je te le laisse.»), l'histoire s'appelle «Les planètes» de l'auteur québécois Michel Dufour. Le narrateur raconte sa rencontre avec un ami d'enfance, un être hypersensible qui vit un décalage par rapport à ce qui l'entoure. À l'époque je me souviens que cette nouvelle m'avait complètement bouleversée, je l'avais adorée, mais je n'avais pas compris pourquoi. Et j'étais sans doute la seule de la classe de français à avoir aimé cette nouvelle. En la relisant aujourd'hui, je comprend mieux pourquoi cela m'avait autant émue. En fait, je me suis reconnue, pas dans la description littérale, mais dans le fond. Je sais toujours pas si je suis un vrai zèbre, mais il ne fait nul doute pour moi que l'auteur y décrit bien un zèbre, ou quelque chose qui s'en approche.

Voici donc quelques extraits.

Si je voulais évoquer la personnalité de Francis Lacombe, l’image qui me viendrait à froid serait celle du système solaire, des planètes, là où Francis avait toujours la tête.

« Aujourd’hui j’évoque ce moment non sans une certaine émotion, car j’avais beau m’imaginer toutes sortes de choses à ton sujet, croire surtout que tu étais devenu une espèce de génie, ton savoir à cette époque nous impressionnait beaucoup, je ne pouvais penser qu’à l’adolescence tout avait chaviré pour toi, tu avais décidé de décrocher totalement, de vivre sur les planètes qui s’entrechoquaient parfois violemment dans ta tête. Que s’était-il passé pendant ces années, Francis, pour que tu en arrives là ? Ou plutôt non, il ne s’est rien passé du tout, tu as franchi la frontière sans remous, dans le courant normal des choses, car là tu étais presque arrivé depuis longtemps, depuis toujours à vrai dire, quelques pas à faire, la vie s’était chargée de te pousser en douce, ça n’a pas été violent, sauf dans ta tête, même si les voix, parfois, enfin, j’imagine, te crient des choses insensées. Dans ces moments de désarroi profond, ta tête te fait-elle mal, dis Francis ?

Ici-bas, Francis, il n’y a jamais eu de place pour toi, mais là-haut toutes les planètes dont tu nous parlais avec fascination quand tu nous faisais devant la classe un exposé magistral, toutes les planètes du cosmos sont habitables. Envole-toi !

Merci pour l'info, je manquais d'idée de lecture.