Heu... Commençons par le plus simple. bonjour, bonsoir, salut !

augenblick a écrit:Benjamin fut toujours complimenté !

J'ai longuement regardé les rues défiler à travers la vitre. Le reflet me renvoyait un visage de fantôme que je contemplais tristement. Derrière ce sourire translucide, presque invisible, une personne âgée attendait que le bonhomme passe au vert. Elle était presque pliée en deux, comme un point d'interrogation, voutée par le poids des ans. Dans les yeux morts que me renvoyait la glace, je voyais des enfants courir et jouer sur les trottoirs. Des images me revenaient de mon enfance. D'aussi loin que je puisse m'en souvenir, je n'ai jamais été expansif. Quand mes camarades de classe jouaient au ballon ou couraient en tous sens en poussant des cris de joie, je restais assis dans mon coin. Je me forgeais des mondes imaginaires que mes espoirs et mes angoisses habitaient.

Ma mère, inquiétée par ce mutisme, avait tenu à me faire rencontrer un psychologue. Comment leur expliquer que, confusément, j'avais l'impression d'être différent ? Que, déjà, je ne voulais pas de ce décor d'opérette qu'ils avaient mis des générations à construire ? Je n'avais rien à leur dire, alors je me suis tu. Je savais très bien qu'ils ne me comprendraient pas. Je songeais à ces personnages de papier qui, sous la plume d'un magicien, devenaient plus vivants que ces silhouettes écrasées par le poids d'un calendrier. Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi : travail. Samedi, supermarché. Dimanche, repas de famille. Je ne voulais pas, à dix ans déjà, de cette vie. J'aspirais à devenir l'un de ces alchimistes qui, avec le blanc du papier et le noir de l'encre, colorient le monde.