Votre rapport à l'univers Kawaï / cute/ mignon

Ce sujet peut paraître frivole à première vue. Mais je l'ouvre dans cette rubrique car il me semble révélateur d'un fait de société, culturel autant qu'individuel. On adhère ou pas aux photos de chatons qui règnent sur le web,  on assume ou pas le goût pour les objets "rose bonbon". Certains se lovent dans cette bulle de savon au parfum de fraise artificielle. Artifice du repli protecteur dans l'innocence d'où l'on exclue de son champ de perception tout ce qui nous paraît vilain ? Cela exempte-t-il de la face sombre de l'humanité ? D'autres sont exaspérés par tant de niaiserie et au contraire rejettent ce monde ou y sont simplement hermétiques. Ils prennent parfois un malin plaisir à détourner en imagerie trash les icônes de l'innocence quand ils n'en traitent  pas les disciples avec moquerie. Et enfin on peut trouver compatible une sensibilité  à des esthétiques différentes qui correspondraient au spectre de nos humeurs ou de notre personnalité dans sa complexité. Au delà de la question qu'est ce qu'être un enfant/ un adulte se pose le rapport au bien, à l'innocence / au vice, à la responsabilité avec tout le poids du vécu de chacun, que je ne saurais attribuer à un âge ou à l'autre.

Je dois admettre en avoir un peu raz le bol d'entendre kawaii partout, pour rien, dés que c'est rose bonbon, ou mignon ou enfantin.
Essentiellement parce que c'est employé à tord et à travers.
Exemple: Takeshi Murakami fait-il du kawaii? Non, il détourne les codes de la bd nipponne - dont les mouvements kawaii - jusqu'à les faire exploser/imploser. Bien entendu, il ne va pas nécessairement jusqu'à l'im/explosion des codes et certaines de ses œuvres sont grotesquement des non-œuvres qu'il vend comme œuvre d'art à des incompétents du bulbe cérébrale sans culture. On trouvera alors souvent en France un journaliste qui se croit malin à utiliser kawaii et Murakami ensemble, quand son œuvre est bien plus proche de ce que Kon Satoshi a produit avec Paprika: c'est-à-dire la destruction/restructuration des codes de la culture pop de l'archipel.
Et je ne parle pas d'un article que j'ai lu - était-ce dans le FT ou le Times?- qui faisait des nouvelles héroïnes de Disney des personnages kawaii.

Les lolicons et les maids sont une forme parmi d'autres de kawaii: vous en avez entendu parler autrement que pour entendre les mots "pédophile" ou "déviance sexuelle" ou "otaku"? Là encore, "otaku" est abusivement utilisé mais je passe sur ce point. Et bien, les rares fois où j'ai eu l'horreur de tomber sur un reportage traitant le sujet, j'aurais pu croire que l'équipe de journaliste - France 2, Envoyé Spéciale, si ma mémoire est bonne, mais ça remonte à 8-10ans déjà - qui a pondu ce "reportage" n'avait aucune connaissance de son sujet... Oh wait... Ou alors les mâles japonais sont-ils tous de gros pervers dégueulasses?!

Le kawaii est-il une fenêtre de sortie, comme le suppose certains? Pas vraiment: le kawaii est un outil marketing puissant. Un peu comme le concept d'adulescent - stupidité des concepts, quand tu nous tiens - , c'est-à-dire qu'il fait le lien entre deux mondes considérer comme irréconciliables: les adultes et les autres.

Les kawaii sont des formes d’esthétiques variées, mais aussi un concept culturel qui ne doivent pas être limités - même par cet Occident ethnocentrique à la noix - à sa traduction de "mignon".

UK09 je te ferai remarquer que les lolicons sont illégales chez nous depuis quelques mois or en parler pourrai éveillé la curiosité de certains et les faire passer du côté obscure sans qu'ils en soient conscient...

UK09, tu parles du documentaire de Jean-Jacques Beineix réalisé en 1994 non ? Otaku : fils virtuels de l'empire virtuel

Harpo a écrit:UK09, tu parles du documentaire de Jean-Jacques Beineix réalisé en 1994 non ? Otaku : fils virtuels de l'empire virtuel

Pas la moindre idée de ce que c’était. J'ai essentiellement ragé pendant ce qui m'a semblé être une éternité.

UK09 je te ferai remarquer que les lolicons sont illégales chez nous depuis quelques mois

En effet, les produits pornographiques lolicon sont interdits en France - et techniquement, ils étaient déjà interdits avant la loi sur les mini miss-pedopornographie-fourre-tout-et-n'importe-quoi-ça-va-passer - , mais le lolita complex ne se résument pas à la fiction pédopornographique: ça va du fan service innocent aux récits bishôjo, qui conservent pour beaucoup, une approche kawaii des personnages.

Une volonté de fuite, de rester bloqué dans l'enfance ou un simple effet de mode ? oO

inkdisorder a écrit:Une volonté de fuite, de rester bloqué dans l'enfance ou un simple effet de mode ? oO

Je peux passer des journées à me taper la filmographie d'Ivens, à éplucher l'oeuvre d'un Wiseman, d'un Resnais ou d'un Marker et le lendemain, passer la journée à dévorer des shojos tous plus niais, stupides et mignons les uns que les autres. Pour moi c'est totalement une fuite. Quand je regarde ce genre de choses, je suis totalement enfermée dans une bulle, déconnectée du monde. Je ne pense pas trop, je suis attendrie, je redeviens presque une enfant... Et d'ailleurs, pendant une période de dépression, ce genre d'épisodes ne se comptaient pas en jours mais en semaines limite. C'est vraiment pas anodin et il me semble pas idiot de relever cette question.

D'un autre côté, l'art en général est une bulle qui nous déconnecte du monde, pour toi c'est les shojos niais, pour d'autres c'est la science fiction ou les romans policiers...

Oui et non... Je ne mets pas du tout ces deux choses dans la même catégorie.
L'art même s'il peut me divertir me fait ressentir les choses fortement, me fait réfléchir, penser.

Les shojos niais m'anesthésient le cerveau. C'est du pur divertissement au sens premier du terme.

Toi, peut être, mais ce que tu décris me semble assez proche du concept de catarcis... qui pourtant est né quelques siècles avant que le premier shojo niais ne voit le jour... l'idée d'être déconnecté, dans une bulle, "hors du temps", c'est pile ce dont ma prof de français parlait quand on l'avais vu en cours...

La catharsis ne correspond pas vraiment à l'idée d'être déconnecté, je crois. Il y a catharsis quand on vit en quelque sorte par procuration ses passions (pulsions?) à travers l'oeuvre. Enfin, c'est un peu plus délicat et subtile que ça, mais disons que rien de tout cela ne se passe quand je regarde un shojo niais.

Par contre quand tu parles d'être déconnecté et hors du temps face à l'oeuvre d'art (et vraiment, je ne qualifierais pas ces shojos d'oeuvres d'art) tu me fais plutôt penser au "temps vertical" de Bachelard. Mais ça, c'est une autre histoire... Très intéressante, mais c'est une autre histoire.

La version qu'elle nous avait donné était plus proche de la déconnexion que du fait de vivre des émotions par procuration, d'où le fait que moi je fait le lien ^^

Je sais pas pourquoi, encore aujourd'hui, les mots "prof de français" me donnent des frissons dans le dos.

Elle prenait des libertés avec le programme et réussissait à le rendre plus ou moins intéressant, au moins, même si dans ce genre de cas... peut être que son explication était un peu trop éloigné de la bonne...

Je me souviendrai toujours de la première phase qu'elle nous a dit... "je vais faire rentrer la culture à coup de tractopelle".