L'incendie
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L'incendie
L’incendie s’était déclaré dans la bibliothèque.
Roméo et Juliette gisaient, asphyxiés par les vapeurs toxiques. Le jeune Werther s’était consumé d’amour pour Charlotte. Don Quichotte s’était battu contre les flammes et avait perdu. Daenerys Targaryen avait été brûlée vive.
L’anneau avait été détruit dans l’incendie. Son porteur, Frodon, était mort en héros. Pas de survivants non plus dans le monde des sorciers. Impossible de transplaner dans l’enceinte de la bibliothèque. Cadichon était arrivé trop tard. Énée n’avait pas eu le temps de s’échapper. Les ailes d’Icare avaient fondu. Dante se sentait en enfer.
Dehors, les passants poussiéreux étaient entassés sur le parvis. Soudain, une femme jaillit de la bibliothèque, serrant dans ses bras des livres qu’elle posa à terre avant de se laisser choir à leurs côtés. Puis, elle – Marie – s’écroula en sanglots : « J’aurais pu en sauver un de plus, bredouilla-t-elle, un de plus... »
Lorsqu’ils furent sur place, les pompiers se frayèrent à leur tour un chemin parmi les flammes tandis qu’on actionnait les lances à incendie.
L’eau se déversa dans la bibliothèque.
Ulysse quitta son pays, promettant à Pénélope de revenir bientôt. Santiago partit à la pêche au marlin. Ishmaël embarqua sur le bateau du capitaine Achab. Sinbad mit les voiles en quête de nouvelles aventures. Le Nautilus poursuivit sa route, vingt mille lieues sous les mers.
Robinson Crusoé fit naufrage. Jonas fut avalé par une baleine. Noé fit monter les animaux dans l’arche. La petite sirène vint à la rescousse de son prince. La reine de l’Atlantide ajouta un cadavre à sa collection.
Au bout de plusieurs minutes, le capitaine des pompiers et ses hommes ressortirent en titubant. Ils avaient réussi à sauver plus d’une trentaine de livres, qu’ils déposèrent aux pieds de la femme éplorée. Marie en prit un dans ses bras, passant sa main le long de ses brûlures. Certains avaient perdu des chapitres entiers, mais la plupart avaient seulement été amputés de leur page de garde.
« Il leur faudrait des couvertures, capitaine », dit-elle, séchant ses larmes.
Les pompiers allèrent en chercher à l’arrière du camion. Ils revinrent les bras chargés de cartons, dans lesquels se trouvaient des couvertures, ainsi que des trousses de secours. Ils firent glisser les fermetures éclair, révélant des agrafeuses, plusieurs recharges, du ruban adhésif et des stylos-billes. Marie leur adressa un sourire reconnaissant.
« On va devoir faire avec les moyens du bord, madame », dit le capitaine d’un ton bourru.
Montrant l’exemple, il prit une couverture vierge dans le carton et y inscrivit le titre d’un livre dont la page de garde avait été brûlée par les flammes. Puis, superposant l’extrémité de la nouvelle page de garde au-dessus de la tranche, il pressa l’agrafeuse d’un coup sec. Après quoi il colla un morceau de ruban adhésif pour consolider le tout. Quand l’opération fut terminée, le livre paraissait comme neuf. Il avait perdu un peu d’encre, mais tout danger était désormais écarté.
Le capitaine tendit le livre à Marie. C’était l’édition illustrée du roman de Jane Austen, Orgueil et Préjugés. Elle tourna les pages intactes, puis referma le livre et plongea son regard dans celui du pompier. Imperceptiblement, son visage se rapprocha du sien ; leurs lèvres se cherchèrent, puis finirent par se trouver. Le livre lui glissa des mains et s’ouvrit en tombant sur une illustration d’Elizabeth Benneth et de son fiancé. Lorsque Marie rouvrit les yeux, elle eut un brusque mouvement de recul.
« Excusez-moi », dit le pompier, pensant que cette réaction lui était destinée.
Marie l’embrassa de nouveau. Au milieu de la page, Elizabeth souriait.
Roméo et Juliette gisaient, asphyxiés par les vapeurs toxiques. Le jeune Werther s’était consumé d’amour pour Charlotte. Don Quichotte s’était battu contre les flammes et avait perdu. Daenerys Targaryen avait été brûlée vive.
L’anneau avait été détruit dans l’incendie. Son porteur, Frodon, était mort en héros. Pas de survivants non plus dans le monde des sorciers. Impossible de transplaner dans l’enceinte de la bibliothèque. Cadichon était arrivé trop tard. Énée n’avait pas eu le temps de s’échapper. Les ailes d’Icare avaient fondu. Dante se sentait en enfer.
Dehors, les passants poussiéreux étaient entassés sur le parvis. Soudain, une femme jaillit de la bibliothèque, serrant dans ses bras des livres qu’elle posa à terre avant de se laisser choir à leurs côtés. Puis, elle – Marie – s’écroula en sanglots : « J’aurais pu en sauver un de plus, bredouilla-t-elle, un de plus... »
Lorsqu’ils furent sur place, les pompiers se frayèrent à leur tour un chemin parmi les flammes tandis qu’on actionnait les lances à incendie.
L’eau se déversa dans la bibliothèque.
Ulysse quitta son pays, promettant à Pénélope de revenir bientôt. Santiago partit à la pêche au marlin. Ishmaël embarqua sur le bateau du capitaine Achab. Sinbad mit les voiles en quête de nouvelles aventures. Le Nautilus poursuivit sa route, vingt mille lieues sous les mers.
Robinson Crusoé fit naufrage. Jonas fut avalé par une baleine. Noé fit monter les animaux dans l’arche. La petite sirène vint à la rescousse de son prince. La reine de l’Atlantide ajouta un cadavre à sa collection.
Au bout de plusieurs minutes, le capitaine des pompiers et ses hommes ressortirent en titubant. Ils avaient réussi à sauver plus d’une trentaine de livres, qu’ils déposèrent aux pieds de la femme éplorée. Marie en prit un dans ses bras, passant sa main le long de ses brûlures. Certains avaient perdu des chapitres entiers, mais la plupart avaient seulement été amputés de leur page de garde.
« Il leur faudrait des couvertures, capitaine », dit-elle, séchant ses larmes.
Les pompiers allèrent en chercher à l’arrière du camion. Ils revinrent les bras chargés de cartons, dans lesquels se trouvaient des couvertures, ainsi que des trousses de secours. Ils firent glisser les fermetures éclair, révélant des agrafeuses, plusieurs recharges, du ruban adhésif et des stylos-billes. Marie leur adressa un sourire reconnaissant.
« On va devoir faire avec les moyens du bord, madame », dit le capitaine d’un ton bourru.
Montrant l’exemple, il prit une couverture vierge dans le carton et y inscrivit le titre d’un livre dont la page de garde avait été brûlée par les flammes. Puis, superposant l’extrémité de la nouvelle page de garde au-dessus de la tranche, il pressa l’agrafeuse d’un coup sec. Après quoi il colla un morceau de ruban adhésif pour consolider le tout. Quand l’opération fut terminée, le livre paraissait comme neuf. Il avait perdu un peu d’encre, mais tout danger était désormais écarté.
Le capitaine tendit le livre à Marie. C’était l’édition illustrée du roman de Jane Austen, Orgueil et Préjugés. Elle tourna les pages intactes, puis referma le livre et plongea son regard dans celui du pompier. Imperceptiblement, son visage se rapprocha du sien ; leurs lèvres se cherchèrent, puis finirent par se trouver. Le livre lui glissa des mains et s’ouvrit en tombant sur une illustration d’Elizabeth Benneth et de son fiancé. Lorsque Marie rouvrit les yeux, elle eut un brusque mouvement de recul.
« Excusez-moi », dit le pompier, pensant que cette réaction lui était destinée.
Marie l’embrassa de nouveau. Au milieu de la page, Elizabeth souriait.
Le énième Thomas du site- Messages : 41
Date d'inscription : 19/02/2020
Age : 25
Re: L'incendie
La flamme de l'amour, née des cendres de nos passions...
C'est beau !
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C'est beau !
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Kallima- Messages : 357
Date d'inscription : 30/12/2019
Age : 43
Localisation : Belgique (région namuroise)
Re: L'incendie
Merci ! Au plaisir de vous lire en retour.
Le énième Thomas du site- Messages : 41
Date d'inscription : 19/02/2020
Age : 25
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