Le vertige du voyage

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Message par Csilla Mer 2 Jan 2019 - 8:37

Bonjour à tous,

Je commence par m'excuser parce que je pense que ce message sera long et décousu, parce que c'est un peu le bazar dans ma tête (et déjà en temps normal je ne sais pas faire des messages concis et structurés, donc on est mal partis !). Je pense que j'ai surtout besoin de parler de ce que je ressens, et peut être, de trouver quelqu'un qui pourrait me comprendre. Et je me suis dit pourquoi pas sur ce forum ? Après tout, nous sommes censés avoir un fonctionnement similaire... Bref, je ne sais pas trop par où commencer alors je vais faire dans l'ordre chronologique.

Déjà il faut savoir que je suis en dépression depuis environ 4 ans. J'ai eu un gros bas il y a justement 4 ans, puis petit à petit j'ai commencé à remonter la pente. Dernièrement, tout était stabilisé, je n'avais plus de sautes d'humeur, plus d'angoisses, j'ai même été heureuse pendant plusieurs mois. Je n'ai pas encore arrêté le traitement anti-dépresseur parce que je ne m'en sentais pas encore tout à fait prête, parce que je n'avais encore rien de stable dans ma vie, et que je ne savais toujours pas ce que j'allais en faire de cette vie.

N'ayant rien à faire et rien qui me tente vraiment là où je vivais, j'ai alors décidé de partir en voyage. Pendant un an. En Nouvelle-Zélande. Bah oui, y avait pas plus loin... On avait prévu ça avec une amie, on a tout mis en place, j'ai travaillé pour avoir l'argent nécessaire, on a fait toutes les demandes et papiers nécessaires etc... J'étais très fière de moi d'avoir réussi à tenir et à garder mon projet en tête malgré les remarques que je pouvais entendre autour de moi (mais c'est n'importe quoi, et tu vas faire quoi là bas ? Oh la la j'aurais jamais osé ! Ouah profite tu vas voir des choses magnifiques (oui, même les remarques positives étaient difficiles parce qu'elles me mettaient une pression énorme : et si je ne profitais pas assez ? Et si ce que cette personne trouve magnifique, ça ne m'intéresse pas ?))... Bref, le stress de toute personne qui prépare un voyage comme ça je pense. Mais je m'en suis sortie, j'ai quitté famille et chéri (oui je suis en couple et mon homme est maintenant à 20 000km de moi), chien et chats, heureusement pas un CDI dans une super boîte, ça fait un regret de moins, et je suis partie, sans vraiment me retourner.

Avant la Nouvelle-Zélande, j'avais prévu de passer un mois en Australie, vu que c'était sur la route. Ce mois de "vacances" s'est super bien passé. Évidemment j'ai eu un peu d'anxiété au début, mais je m'y suis vite fait. Je n'ai pas vu grand chose en 1 mois évidemment, mais comme c'était mon premier voyage, c'était déjà énorme pour moi. J'ai rencontré des gens supers, je me sentais super bien, bref un rêve.

Pendant ce temps, je ne vais pas rentrer dans les détails, mais j'ai appris que l'amie avec laquelle je suis partie est rentrée en France. Elle ne m'avait pas accompagnée en Australie et devait m'attendre en NZ, donc pour moi qui voyageais en solo depuis quelques semaines et pour qui ça se passait super bien je me suis dit OK bah tant pis, sans me poser plus de questions que ça.

A cela s'ajoute un "chagrin d'amour" si je peux me permettre d'employer l'expression. J'avais un copain en France, mais j'ai toujours été capable d'être amoureuse de plusieurs personnes à la fois, et étais donc dans une relation "libre". J'avais rencontré ce gars en Australie, on s'est fréquentés quelques jours, mais ça a suffi pour que je tombe amoureuse (à savoir que je tombe amoureuse très facilement). Avec le recul, je pense que le fait que j'étais seule loin de chez moi a aussi beaucoup joué pour cela: je me suis raccrochée comme une moule à son rocher à cette personne qui me témoignait de l'intérêt et de l'attention. Mais bon, mon projet c'était la NZ, lui ne pouvait pas rester avec moi pour mille raisons, et nous nous sommes séparés. Rationnellement c'était la meilleure chose à faire, je le reconnais, mais il n'empêche que ça fait mal au cœur... Et en plus, nous sommes restés en contact, et à mon sens, c'était une très mauvaise idée. Seulement, je n'ai pas encore eu le courage de lui dire "c'est bon on arrête de se parler".

Donc je reprends l'avion et je me retrouve en Nouvelle-Zélande, seule. Et là c'est une énorme claque que je me suis pris. Déjà je suis au fond du trou à cause de cette relation, ce qui n'arrange rien mais je reste persuadée que ce n'est pas le problème principal. C'est surtout que je suis là, j'ai un an devant moi, je peux faire absolument ce que je veux, et en fait, je ne sais pas ce que je veux faire. Je me rends compte que je n'avais pas vraiment de projet au-delà de partir. Et maintenant que je suis partie (et arrivée), je ne sais plus quoi faire. Et je suis désespérément seule. Je suis quelqu'un de très introvertie, solitaire, j'aime le calme et être seule, alors je tombe vraiment des nues en découvrant ce sentiment. Je suis seule ! Autant dire que j'ai déjà appris énormément rien qu'avec cela.

Je me suis accrochée, j'ai fait toutes les démarches que je voulais faire (ouvrir un compte en banque, acheter une voiture, trouver un boulot...), et puis je suis partie avec ma voiture, sans trop savoir où aller. Je passe 2 jours en mode "road trip" horribles, je passe mon temps à pleurer, je n'ai rien envie de faire. Finalement, je me rends à l'endroit où je devais travailler un peu en avance, mais je me dis que c'est ça ou me laisser mourir de désespoir dans un coin. Pas de problème je peux travailler.

Je suis restée un mois et demi au même endroit pour travailler, dans une équipe constituée uniquement de français. Ça s'est bien passé, j'ai fini par me sentir à nouveau bien, je me suis même fait des amis. J'ai recommencé à avoir des envies, à planifier un peu mon voyage malgré l'angoisse que cela me procure. Je déteste a la fois partir sans rien planifier, et planifier, je sais c'est paradoxal.

Puis est venu le jour où nos chemins se sont séparés, c'était il y a environ une semaine. J'ai pris une semaine d'auberge pour ne pas être seule au milieu de rien, mais même si je suis entourée de plein de gens, je suis seule. Il faut aussi savoir que je suis de nature timide et je ne vais pas naturellement vers les gens. Je suis toujours en train de me forcer quand j'entre en relation. Et en plus c'est toujours les mêmes questions qu'on se pose au début : tu viens d'où ? Tu fais quoi ici ? Tu restes combien de temps dans cette ville ? Tu vas où après ? Au fait c'est quoi ton prénom ? Ce n'est pas ce que je recherche dans une relation, même s'il faut bien en passer par là. Généralement, je préfère avoir quelques relations profondes, et je me retrouve dans une vie où je croise des gens que je ne reverrai plus jamais, et où je commence plein de relations qui n'aboutissent jamais à rien.

Depuis ce moment où j'ai quitté mes amis et que je suis seule je me sens extrêmement mal. J'ai les plus grosses crises d'angoisse de ma vie, je n'arrive plus à manger, je n'ai pas envie de me lever le matin, je pleure tout le temps. Quand j'arrive à me forcer et à sortir, je me rends compte que tout va bien et que je suis dans un endroit magnifique et ça va un peu mieux... Jusqu'à la prochaine crise de larmes qui surgit sans prévenir. Les symptômes de la dépression en somme. Je me sens exactement comme il y a 4 ans, avec peut-être l'envie de mourir en moins (c'est toujours ça de gagné !).

Il se passe un milliard de choses dans ma tête et je n'arrive pas toujours à les démêler. Voilà ce que j'ai fini par comprendre :
- tout d'abord je suis extrêmement angoissée par l'inconnu, et je m'apprête à me jeter à fond dedans puisque je voudrais faire le tour de l'île du sud pendant quelques mois avant de me poser à nouveau. Je pourrais aussi rester où je suis, trouver un job, me faire des relations, mais j'ai aussi envie de voir le reste du pays. Je sais que c'est paradoxal...
- j'ai du mal à me faire à l'idée que mon voyage ne sera pas "parfait". Je ne sais pas si mes explications seront très claires. J'ai peur de rater des choses, tout en sachant parfaitement que je ne peux pas voir absolument tout ce qu'il y a à voir, ni faire tour ce qu'il y a à faire en NZ. Une fois de plus c'est paradoxal... C'est aussi exacerbé par tous les gens que je rencontre et qui me parlent de leurs aventures alors que j'ai basiquement l'impression de n'avoir encore rien fait depuis que je suis là.
- j'ai le sentiment que je n'ai pas le droit de me plaindre. J'ai la chance d'être dans ce pays magnifique, et j'ai tellement fait la fière en disant que oui, ça va aller, oui je sais ce que je fais, combiné à toutes les remarques de type "tu as énormément de chance profite !", "comme je t'envie", etc... Que je n'ose pas dire que je vais mal. J'ai l'impression de ne pas être légitime. Une fois de plus je sais que c'est ridicule et que tout le monde a des coups de mou... De plus, mes proches sont loin et ne peuvent pas faire grand chose pour moi. Et ici il n'y a que des inconnus et comment faire des rencontres si on passe son temps à pleurer ? Et à qui je peux me permettre d'imposer cela ?

Voilà, alors rationnellement, je me répète plein de choses. Je sais que mon voyage m'est propre et qu'il n'a pas à être comme ceux des autres, qui d'ailleurs ne nous donnent que le positif. Je sais que j'ai le droit d'aller mal. Je sais que je ne suis obligée à rien, que si je me sens mal, je peux changer mes plans. Je sais que je suis très sensible et très émotive et que cela ne signifie pas que je suis une mauvaise personne ou une faible (moi je le sais, mais le problème c'est que je reste persuadée que les autres ne le savent pas, et donc ne doivent pas me voir pleurer...). J'essaie de me rassurer en me disant des choses comme ça, en me rappelant que je suis très courageuse d'avoir osé partir seule. Cela aussi on a tendance à l'oublier quand les seules personnes que l'on rencontre sont toutes des personnes qui sont parties seules loin de chez elles (même si la plupart sont partis à 2 quand même), mais tous ne le font pas. J'essaie de m'encourager et de me dire des choses positives. Mais j'ai toujours ces moments de détresse intense...

Voila, ça m'a fait du bien de le dire. Je voulais savoir si d'autres sont dans le même cas que moi ou ont vécu quelque chose de similaire et comment y remédier ? Comment résister au séisme mental que provoquent tous ces changements liés au voyage ?

Je je suis pas encore complètement résignée, dans mes moments "positifs", j'arrive à établir des plans. J'ai plusieurs contacts de potentiels compagnons de voyage (merci Facebook) et donc je ne partirai pas en road trip toute seule. Si vraiment il se trouve que ce mode de vie ne me convient pas, alors je m'installerai quelque part, et je visiterai les alentours petit à petit. Je n'ai pas envie de renoncer, et d'ailleurs je ne sais pas quoi faire de plus, parce que je sais que si je rentrais en France je ne saurais pas quoi faire non plus, avec en plus la culpabilité d'avoir échoué dans mon projet de voyage (d'ailleurs, je sais que je ne dois pas le prendre comme un échec, j'y travaille !).

Voilà c'était le petit message de désespoir d'une petite zèbre perdue au bout du monde. D'ailleurs si certains d'entre vous sont en Nouvelle Zélande, je serais vraiment très heureuse de rencontrer du monde Smile


Csilla

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Message par siamois93 Mer 2 Jan 2019 - 11:34

Tu as l'air jeune et en bonne santé. T'as pas honte ??! Very Happy
Peut-être que le but de ton voyage c'est justement de trouver des méthodes pour gérer ou apaiser tes up and downs.
C'est clair que pour la nature, à part le côté marin, et la langue, bref tu aurais pu aller en Suisse .
Donc en fait ton idée c'était de te perdre pour te retrouver ? Ça a l'air d'être un succès.
Tu pourrais trouver un petit voilier et t'embarquer pour le retour via le Cap Horn et la Martinique (la remontée le long du Brésil est très difficile, il y a plein de courants contraires)
Ou rentrer en montgolfière ?
Ou en revenant par la Chine et la Sibérie histoire de découvrir encore d'autres choses/attitudes.
Attention à ne pas trop te préoccupper de ton image sinon Narcisse va te croquer.
Tu postes des vidéos quelque part ?

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Message par MoojiKadja Jeu 3 Jan 2019 - 20:01

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Message par Cyrielle Jeu 3 Jan 2019 - 20:24

Csilla a écrit:Je voulais savoir si d'autres sont dans le même cas que moi ou ont vécu quelque chose de similaire /.../
oui

Csilla a écrit:/.../et comment y remédier ? Comment résister au séisme mental que provoquent tous ces changements liés au voyage ?
Est-ce vraiment le but d'y remédier et d'y resister ?
Plutôt, n'est-ce pas l'essence même du voyage que de s'y abandonner ? Wink.

Léon Tosltoï, in La Guerre et la Paix, 1867, a écrit:
Autrefois, il ne savait voir en rien le grand, l’inconcevable, l’infini ; il pressentait seulement que cela devait exister quelque part, et il le cherchait. Dans tout ce qui était proche et compréhensible, il ne voyait que l’aspect borné, mesquin, quotidien, absurde. Il s’armait d’une longue-vue mentale et regardait au loin, là où le quotidien, le mesquin voilé par la brume, lui apparaissait grand, infini uniquement parce qu’il était indistinct. (…) Maintenant, il avait appris à voir la grandeur, l’éternité, l’infini en tout. Aussi était-il naturel que pour le voir, pour jouir de sa contemplation, il eût jeté sa longue-vue avec laquelle il avait regardé jusqu’alors par-dessus la tête des hommes, et qu’il contemplât joyeusement autour de lui la vie perpétuellement changeante, toujours grande, incompréhensible et infinie. Et plus il regardait de près, plus il était calme et heureux.
Have a nice trip, girl !
Cyrielle
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