Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
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Badak
soto²
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Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Pour tous ceux qui, comme moi, se passionnent et s'interrogent à propos des Sciences et Technologies de la Cognition (STC), j'aimerai lancer un fil de discussion. Et préalablement, présenter un merveilleux petit ouvrage, dense mais abordable, et vous inciter, pour ceux qui ne le connaitrais pas, à vous le procurer : "Invitation aux sciences cognitives" de Francisco J. Varela (Point Sciences, en poche, anciennement publié sous le titre "Connaître, Les sciences cognitives, tendances et perspectives"). J'ai eu la chance, il y a une trentaine d'années et par hasard (il n'y avait pas le net), de le découvrir alors que j’amorçais ma réflexion sur le sujet, et il m'a été une vraie boussole pour m'orienter dans cette complexité paradigmatique (méta-théorique). Aujourd'hui encore, j'y retourne fréquemment pour y rechercher une référence ou une formulation qui sont, c'est la marque du visionnaire, de plus en plus d'actualité. Et il est grand temps que l'on démystifie un peu cette néo-mythologie, ne serais-ce que pour mieux en réver. Bref, je vous garantis un bon investissement et un surplus de lucidité si vous en faite votre livre de chevet
Il ne s'agit pas pour moi de vous en faire une synthèse, le sujet est trop complexe et je n'ai pas ce talent, mais je vais essayer de vous en mettre l'eau à la bouche.
L'objectif de cet ouvrage est de nous aider à nous construire une vue générale, une "cartographie" épistémologique des sciences et technologies de la cognition, et ainsi pouvoir se repérer plus facilement dans la jungle des publications afférentes, des annonces marketing sur les algorithmes et les robots dits "intelligents" et l'intelligence/la vie/la cognition artificielle (ma préférence va à ce troisième terme, beaucoup plus neutre et échappant aux connotations idéologiques du mot "intelligence", qui d'ailleur n'a pas le même sens en anglais et en français... ahrrrrg). Au delà de l'orientation, cartographier est un acte éminemment politique (au sens noble, cf. Foucault). Il s'agit donc de ne plus se faire duper par la doxa ambiante, et de résister, c'est à dire de créer. Mais avant, il faut bien poser des bases. L'enjeu est de taille car si nous ne le pensons pas de façon rationnelle et critique, "les autres" nous penserons à notre place, de fait via les "smart-technology", avec le risque de nous enfermer dans une image de l'homme et de la pensée réductrice et mécanique dont les conséquences pourrait être, au long terme, un grégarisme mortifère. [Vous noterez que je met de nombreux termes entre guillemets, car il s'agit pour moi, et je prêt à en découdre, de pure rhétorique, mais pour la lisibilité de la suite, je vais les limiter]
Francisco Varela, éminent chercheur d'origine chilienne ayant été accueilli à l'école polytechnique suite aux purges post-Allende, est un penseur hétérodoxe et exceptionnel. Il ne s'agit pas ici de théories loufoques ou délirantes, mais d'une vision tout à fait sérieuse et scientifique, excentrique comme Einstein a pu l'être, quelqu'un qui ne pense pas que dans le cadre, et qui a été capable de produire une nouvelle perspective originale et intégrative, connectée à l'expérimentation. Bref, on parle bien de science.
Le livre se développe en quatres phases distinctes, résumant et resituant la perspective historique de la naissance des sciences cognitives. Une phylogénèse des idées résumant l'ontogénèse, en quelque sorte. Les sciences cognitives sont un domaine pluridisciplinaire, généralement présenté comme étant à la croisée de l'épistémologie, des neurosciences, de la psychologie cognitive, de l'intelligence artificielle et de la linguistique. Donc au programme, entre autre : perception, langage, inférence et action pour la reconnaissance d'images, la compréhension du langage, la synthèse de programmes simulant le vivant ou la pensée, la robotique.
* Phase 1 : "Les jeunes années" (1943-53), naissance et fécondité du creuset cybernétique (Macy Conferences)
* Phase 2 : "Les symboles : l'hypothèse cognitiviste" (vous pouvez déjà constater que le qualificatif de "cognitiviste" peut préter à confusion si l'on n'est pas au fait de cette ambigüité). Le paradigme cognitiviste, c'est la doxa mécaniste. Les mots clef sont ici "traitement de l'information", "logique/inférence", "représentation" ou encore "résolution de problème"; çà ne vous rappel rien ?! Je sens que çà chauffe...
* Phase 3 : "L'émergence : une alternative à la manipulation de symboles". C'est les fameux réseaux de "neurones formels" ou "neuro-mimétiques", ou mouvement dit "(néo)connexionniste" et leurs équivalents formels mathématiques (ex: les algorithmes Bayésiens, probabilistes, dont se sert actuellement Goggle pour son "Deep Learning"). Ici encore, le terme d'"apprentissage" est rhétorique, commode entre spécialiste et très sexy pour la vulgarisation (Quoi, des machines qui "apprennent", mon dieu, je suis un obsolescent programmé...) mais induisant une perception biaisée de la nature de ces artefacts. Le bien connu "test de Turing" n'est, à mon avis, rien d'autre qu'un test d'illusionnisme.
* Phase 4 : "L'enaction : une alternative à la représentation". La critique des deux précédentes approches repose essentiellement sur l’absence d'explication du sens commun et la mise en périphérie du rôle de l'action et du corps vivant dans la cognition (aka monsieur Toulemonde, avec un corps, contrairement au scientifique cartésien intellectualisé de base...). Là, nous rentrons vraiment dans le point de vue varélien, lui même issu d'une tradition minoritaires de la cybernétique : la seconde cybernétique ou la cybernétique du cybernéticien... C'est la glorieuse époque du Biology Computer Lab dirigé par le grand Heinz Von Foerster, surnommé le Socrate de la cybernétique. Ce n'est donc pas étonnant que ses principales ramifications historiques se soient développée plus facilement dans le domaine des sciences humaines qui ont généralement des épistémologies plus compréhensives. Pourtant, c'est bien dans la confrontation avec les sciences "dures" que Varela, biologiste de formation, a cherché à ancrer son projet, attaquant à sa racine le réalisme physicaliste implicite.
Aujourd'hui, la forme la plus institutionnellement aboutit de ce travail a été la création d'une nouvelle approche couplant approche classique et cartésienne en "3ième personne" ("l'oeil de dieu", probablement... ), avec des approches disciplinée en "1ère personne" par l'entremise de la phénoménologie et de l'instrumentalisation de pointe en imagerie cérébrale (cf. Matthieu Ricard avec son casque bardé d'électrodes sur la tête). C'est la toute jeune neuro-phénoménologie.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'avènement des sciences et technologies de la cognition, c'est la rencontre entre des millénaires de compréhension spontané et culturelle de l'esprit des hommes par eux même, avec la vision scientifique se concrétisant via l'invention technologique. Probablement l'une des aventures de la connaissance de soi les plus passionnantes de ces dernières années.
Je m'arrête là, conscient d'avoir été encore une fois beaucoup trop long. En espérant que le sujet et la référence vous soit utiles et féconds.
N'hésitez pas à poster vos réflexions, remarques, corrections, compléments, ainsi que vos questions sur le sujet, de bon aloi, sans complexes, on est entre nous et on a tous et toute des choses à apprendre et à partager. J'essaierai de participer, si le fil se développe. Ok Google ?!
Il ne s'agit pas pour moi de vous en faire une synthèse, le sujet est trop complexe et je n'ai pas ce talent, mais je vais essayer de vous en mettre l'eau à la bouche.
L'objectif de cet ouvrage est de nous aider à nous construire une vue générale, une "cartographie" épistémologique des sciences et technologies de la cognition, et ainsi pouvoir se repérer plus facilement dans la jungle des publications afférentes, des annonces marketing sur les algorithmes et les robots dits "intelligents" et l'intelligence/la vie/la cognition artificielle (ma préférence va à ce troisième terme, beaucoup plus neutre et échappant aux connotations idéologiques du mot "intelligence", qui d'ailleur n'a pas le même sens en anglais et en français... ahrrrrg). Au delà de l'orientation, cartographier est un acte éminemment politique (au sens noble, cf. Foucault). Il s'agit donc de ne plus se faire duper par la doxa ambiante, et de résister, c'est à dire de créer. Mais avant, il faut bien poser des bases. L'enjeu est de taille car si nous ne le pensons pas de façon rationnelle et critique, "les autres" nous penserons à notre place, de fait via les "smart-technology", avec le risque de nous enfermer dans une image de l'homme et de la pensée réductrice et mécanique dont les conséquences pourrait être, au long terme, un grégarisme mortifère. [Vous noterez que je met de nombreux termes entre guillemets, car il s'agit pour moi, et je prêt à en découdre, de pure rhétorique, mais pour la lisibilité de la suite, je vais les limiter]
Francisco Varela, éminent chercheur d'origine chilienne ayant été accueilli à l'école polytechnique suite aux purges post-Allende, est un penseur hétérodoxe et exceptionnel. Il ne s'agit pas ici de théories loufoques ou délirantes, mais d'une vision tout à fait sérieuse et scientifique, excentrique comme Einstein a pu l'être, quelqu'un qui ne pense pas que dans le cadre, et qui a été capable de produire une nouvelle perspective originale et intégrative, connectée à l'expérimentation. Bref, on parle bien de science.
Le livre se développe en quatres phases distinctes, résumant et resituant la perspective historique de la naissance des sciences cognitives. Une phylogénèse des idées résumant l'ontogénèse, en quelque sorte. Les sciences cognitives sont un domaine pluridisciplinaire, généralement présenté comme étant à la croisée de l'épistémologie, des neurosciences, de la psychologie cognitive, de l'intelligence artificielle et de la linguistique. Donc au programme, entre autre : perception, langage, inférence et action pour la reconnaissance d'images, la compréhension du langage, la synthèse de programmes simulant le vivant ou la pensée, la robotique.
* Phase 1 : "Les jeunes années" (1943-53), naissance et fécondité du creuset cybernétique (Macy Conferences)
* Phase 2 : "Les symboles : l'hypothèse cognitiviste" (vous pouvez déjà constater que le qualificatif de "cognitiviste" peut préter à confusion si l'on n'est pas au fait de cette ambigüité). Le paradigme cognitiviste, c'est la doxa mécaniste. Les mots clef sont ici "traitement de l'information", "logique/inférence", "représentation" ou encore "résolution de problème"; çà ne vous rappel rien ?! Je sens que çà chauffe...
* Phase 3 : "L'émergence : une alternative à la manipulation de symboles". C'est les fameux réseaux de "neurones formels" ou "neuro-mimétiques", ou mouvement dit "(néo)connexionniste" et leurs équivalents formels mathématiques (ex: les algorithmes Bayésiens, probabilistes, dont se sert actuellement Goggle pour son "Deep Learning"). Ici encore, le terme d'"apprentissage" est rhétorique, commode entre spécialiste et très sexy pour la vulgarisation (Quoi, des machines qui "apprennent", mon dieu, je suis un obsolescent programmé...) mais induisant une perception biaisée de la nature de ces artefacts. Le bien connu "test de Turing" n'est, à mon avis, rien d'autre qu'un test d'illusionnisme.
* Phase 4 : "L'enaction : une alternative à la représentation". La critique des deux précédentes approches repose essentiellement sur l’absence d'explication du sens commun et la mise en périphérie du rôle de l'action et du corps vivant dans la cognition (aka monsieur Toulemonde, avec un corps, contrairement au scientifique cartésien intellectualisé de base...). Là, nous rentrons vraiment dans le point de vue varélien, lui même issu d'une tradition minoritaires de la cybernétique : la seconde cybernétique ou la cybernétique du cybernéticien... C'est la glorieuse époque du Biology Computer Lab dirigé par le grand Heinz Von Foerster, surnommé le Socrate de la cybernétique. Ce n'est donc pas étonnant que ses principales ramifications historiques se soient développée plus facilement dans le domaine des sciences humaines qui ont généralement des épistémologies plus compréhensives. Pourtant, c'est bien dans la confrontation avec les sciences "dures" que Varela, biologiste de formation, a cherché à ancrer son projet, attaquant à sa racine le réalisme physicaliste implicite.
Aujourd'hui, la forme la plus institutionnellement aboutit de ce travail a été la création d'une nouvelle approche couplant approche classique et cartésienne en "3ième personne" ("l'oeil de dieu", probablement... ), avec des approches disciplinée en "1ère personne" par l'entremise de la phénoménologie et de l'instrumentalisation de pointe en imagerie cérébrale (cf. Matthieu Ricard avec son casque bardé d'électrodes sur la tête). C'est la toute jeune neuro-phénoménologie.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'avènement des sciences et technologies de la cognition, c'est la rencontre entre des millénaires de compréhension spontané et culturelle de l'esprit des hommes par eux même, avec la vision scientifique se concrétisant via l'invention technologique. Probablement l'une des aventures de la connaissance de soi les plus passionnantes de ces dernières années.
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Je m'arrête là, conscient d'avoir été encore une fois beaucoup trop long. En espérant que le sujet et la référence vous soit utiles et féconds.
N'hésitez pas à poster vos réflexions, remarques, corrections, compléments, ainsi que vos questions sur le sujet, de bon aloi, sans complexes, on est entre nous et on a tous et toute des choses à apprendre et à partager. J'essaierai de participer, si le fil se développe. Ok Google ?!
Dernière édition par soto le Mar 24 Jan 2017 - 17:49, édité 6 fois
soto²- Messages : 2760
Date d'inscription : 07/12/2016
Localisation : Au delಠ(31)
Annexe
Tableau Récapitulatif : les principaux paradigmes en sciences cognitives (d'après Varela, 1989)
Le cognitivisme (ou fonctionnalisme computo-représentationnel) | Le connectionnisme | L'enaction | |
Qu'est-ce que la cognition ? | Le traitement de l'information : la manipulation de symboles à partir de règles. | L'émergence d'états globaux dans un réseau de composants simples. | l'action productive : l'historique du couplage structurel qui énacte (fait-émerger) un monde. |
Comment cela fonctionne-t-il ? | Par n'importe quel dispositif pouvant représenter et manipuler des éléments physiques discontinus : des symboles. Le système n'interagit qu'avec la forme des symboles (leur attributs physiques) et non leur sens. | Des règles locales gèrent les opérations individuelles et des règles de changement gèrent les liens entre les éléments. | Par l'entremise d'un réseau d'éléments inter-connectés, capable de subir des changements structuraux au cours d'un historique non interrompu. |
Comment savoir qu'un système cognitif fonctionne de manière appropriée ? | Quand les symboles représentent adéquatement quelque aspect du monde réel, et que le traitement de l'information aboutit à une solution efficace du problème soumis au système. | Quand les propriétés émergentes (et la structure résultante) sont identifiable à une faculté cognitive - une solution adéquate pour une tâche donnée. | Quand il s'adjoint à un monde de signification préexistant, en continuel développement (comme c'est le cas des petits de toutes les espèce), ou qu'il en forme un nouveau (comme cela arrive dans l'histoire de l'évolution). |
Dernière édition par soto² le Mer 1 Fév 2017 - 18:21, édité 2 fois
soto²- Messages : 2760
Date d'inscription : 07/12/2016
Localisation : Au delಠ(31)
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Merci beaucoup pour cette référence, je vais essayer de me le trouver J'ai souvent lu des références indirectes à Maturana et Varela mais (Honte à moi) jamais rien directement de ces auteurs.soto a écrit:.....Et préalablement, présenter un merveilleux petit ouvrage, dense mais abordable, et vous inciter, pour ceux qui ne le connaitrais pas, à vous le procurer : "Invitation aux sciences cognitives" de Francisco J. Varela (Point Sciences, en poche, anciennement publié sous le titre "Connaître, Les sciences cognitives, tendances et perspectives").
Il y a aussi toute cette philosophie de la cognition tournant autour de l'autopoiesis... je n'ai à vrai dire jamais bien compris ce en quoi ça pouvait différer de l'auto-organisation dans un sens plus général.
Comment ça il y aurait une différence entre le français et l'anglais quant aux multiples signification du mot intelligence ? Les sciences cognitives et la psychologie, comme toutes les sciences, s'écrivent surtout en anglais de nos jours, même lorsque les chercheurs pensent en français, en espagnol ou d'autres langues. Je pense que les concepts opérationnels des sciences ne doivent pas dépendre de la langue de rédaction.soto a écrit:........... l'intelligence/la vie/la cognition artificielle (ma préférence va à ce troisième terme, beaucoup plus neutre et échappant aux connotations idéologiques du mot "intelligence", qui d'ailleurs n'a pas le même sens en anglais et en français... ahrrrrg).
Autrement, il me semble que le concept de cognition est effectivement plus précis que celui d'intelligence. Je dirais que le mot intelligence garde la connotation de l'intelligence intellectuelle humaine, et devrait être conservé pour dénoter ce type de cognition spécifique. Lorsqu'on parle de l'intelligence des plantes vertes, il s'agit d'une autre forme de cognition (ce n'est pas une blague, on ne rigole pas avec l'intelligence végétale, et même des champignons savent résoudre des problèmes plus facilement que nos ordinateurs . )
Mais d'une manière plus importante encore que la distinction entre cognition et intelligence dans la dénomination de ces concepts, il y a celle de l'artificialité. Dans le mesure où la cognition naturelle et la cognition artificielle s'étudient avec les mêmes modèles, il partagent les mêmes concepts, et la distinction entre le naturel et l'artificiel devient futile. Je préfère de beaucoup l'expression de "cognition computationnelle".
Le coeur de la question est que les phénomènes naturels sont le siège de traitement continuel de l'information. On parle d'ailleurs, de plus en plus de calcul naturel pour l'utilisation naturelle ou artificielle de ces capacités de calcul.
Oui je sais il me semble que je connais assez bien cette "rhétorique". Mais dénoncer les sciences de la complexité et de la cognition sous prétexte qu'elles consistent en une doxa ambiante... (je ne prétends pas que ce soit ce que tu prétends toi-même ) serait en soi une réduction grotesque de la signification de cette question. D'abord la doxa, c'est le régne de l'opinion précédant la réflexion rationnelle.soto a écrit:.....Au delà de l'orientation, cartographier est un acte éminemment politique (au sens noble, cf. Foucault). Il s'agit donc de ne plus se faire duper par la doxa ambiante, et de résister, c'est à dire de créer. Mais avant, il faut bien poser des bases. L'enjeu est de taille car si nous ne le pensons pas de façon rationnelle et critique, "les autres" nous penserons à notre place, de fait via les "smart-technology", avec le risque de nous enfermer dans une image de l'homme et de la pensée réductrice et mécanique dont les conséquences pourrait être, au long terme, un grégarisme mortifère. [Vous noterez que je met de nombreux termes entre guillemets, car il s'agit pour moi, et je prêt à en découdre, de pure rhétorique, mais pour la lisibilité de la suite, je vais les limiter]
S'agissant de la conception traditionnelle de l'esprit humain, la doxa était justement ici opposée à une explication rationnelle des processus de la pensée. La doxa privilégiait en effet une dualité "cartésienne" se voulant rationnelle mais s'appuyant sur des notions métaphysiques héritées de la religion. Il est encore de bon ton de prétendre que seul l'humain est capable de certaines facultés, en niant ces facultés chez les autres être vivant et l'enjeu à ce niveau est métaphysique ( qu'est-ce que la nature humaine ?, Qu'est-ce que la Nature ? et qu'elle est la place de l'humain et de la machine artificielle dans la Nature.... ). Ce que je veux surtout dire est que l'accusation de se plier à une doxa est totalement réversible...À une rhétorique qui m'attaque je peux opposer une rhétorique totalement miroir .... et c'est en fait un jeu totalement stérile... Et ce n'est certes pas ainsi qu'on comprendra et expliquera le fonctionnement de la pensée.
Pour être bien honnête je souligne les mots importants ici dans la mesure où on parle de science et non plus que de de métaphysique ou d'herméneutique. Je suis très conscient d'utiliser ces mots pour indiquer que la science ne se donne pas les mêmes but que la philosophie. Forcément, il y a derrière la science une idéologie de l'efficacité technique, et je le nierai pas puisque cette efficacité est justement la garante de sa valeur épistémologiquee. Autrement, une théorie scientifique est considérée "vraie" dans la seule mesure où elle fonctionne et qu'elle réussie à faire des prédictions vérifiables. Sans cela, une théorie n'est pas scientifique et n'est qu'une philosophie comme les autres. Par contre la science est généralement aveugle au sens métaphysique de ces propres avancées, et une complémentarité entre disciplines est nécessaire.
Je ne comprends pas ton opposition aux sciences cognitives.... ça me semble paradoxal pour tout dire.soto a écrit:Francisco Varela,.......Le livre se développe en quatres phases distinctes, résumant et resituant la perspective historique de la naissance des sciences cognitives. Une phylogénèse des idées résumant l'ontogénèse, en quelque sorte. Les sciences cognitives sont un domaine pluridisciplinaire, généralement présenté comme étant à la croisée de l'épistémologie, des neurosciences, de la psychologie cognitive, de l'intelligence artificielle et de la linguistique. Donc au programme, entre autre : perception, langage, inférence et action pour la reconnaissance d'images, la compréhension du langage, la synthèse de programmes simulant le vivant ou la pensée, la robotique.
......
* Phase 2 : "Les symboles : l'hypothèse cognitiviste" (vous pouvez déjà constater que le qualificatif de "cognitiviste" peut préter à confusion si l'on n'est pas au fait de cette ambigüité). Le paradigme cognitiviste, c'est la doxa mécaniste. Les mots clef sont ici "traitement de l'information", "logique/inférence", "représentation" ou encore "résolution de problème"; çà ne vous rappel rien ?! Je sens que çà chauffe...
* Phase 3 : "L'émergence : une alternative à la manipulation de symboles". C'est les fameux réseaux de "neurones formels" ou "neuro-mimétiques", ou mouvement dit "(néo)connexionniste" et leurs équivalents formels mathématiques (ex: les algorithmes Bayésiens, probabilistes, dont se sert actuellement Goggle pour son "Deep Learning"). Ici encore, le terme d'"apprentissage" est rhétorique, commode entre spécialiste et très sexy pour la vulgarisation (Quoi, des machines qui "apprennent", mon dieu, je suis un obsolescent programmé...)
Il n'y a pas réellement d'opposition, mais plutôt complémentarité entre la perspective logique basée sur la manipulation de symboles et la vision connexionniste basée sur des réseaux de neurones. En particulier, un réseau de neurone est capable d'induire une grammaire, qui elle, traite une chaîne de symboles.
Je comprends que le sens commun qui t'anime te face frémir en pensant que ton cerveau traite l'information d'une manière qui pourrait s'avérer explicable. ( )
Le terme d'apprentissage ici n'a rien de rhétorique, il consiste en une généralisation d'un concept afin d'en comprendre la nature profonde, d'en faire ressortir sa véritable signification universelle. Ces mécanismes d'adaptation se retrouvent "partout". S'adapter à une nouvelle situation n'est pas l'apanage des humains.... c'est une des caractéristiques de tout le vivant. Mais c'est aussi la caractéristique principale de la cognition, ce pourquoi on dit que tout système vivant est un système cognitif. Un système vivant par contre est (entre autre) aussi capable de se reproduire, ce qui n'est pas essentiel pour un organisme en général ou plus généralement pour un système cognitif.
Ce qui caractérise un système cognitif est sa capacité à s'adapter à son environnement au moyen de son interaction par des capteurs qui sentent l'environnement et des actuateurs qui lui permettent de modifier son état.
On peut construire des robots qui se construisent une représentation interne de leurs connaissances de leur environnement ( sous la forme d'une carte codée dans les poids synaptiques d'un réseau de neurones ). Ils acquierent cette représentation en expérimentant avec leur environnement. Par exemple un robot visitera différents lieux et induira une généralisation de sa connaissance apriori obtenue par l'expérimentation. Cela correspond aussi aux théories sur l'apprentissage des humains ou des autres animaux. Des cartes mentales ont aussi été observées dans les cerveaux, ce qui suggère très fortement que les mécanismes d'induction utilisées par les robots sont en gros les mêmes que ceux utilisés dans nos cerveaux. Bien sûr, il s'agit d'un modèle mathématique. Je rappelle que le but d'un modèle n'est jamais de reproduire la réalité mais bien de capturer le phénomène étudié au niveau des détails pertinents, car ce ne sont pas tous les micro-détails physiologiques qui participent également à tous les phénomènes. La science cherche à montrer ce qui est similaire dans des systèmes apriori différents.
soto a écrit:* Phase 4 : "L'enaction : une alternative à la représentation". La critique des deux précédentes approches repose essentiellement sur l’absence d'explication du sens commun et la mise en périphérie du rôle de l'action et du corps vivant dans la cognition ... Là, nous rentrons vraiment dans le point de vue varélien, lui même issu d'une tradition minoritaires de la cybernétique : la seconde cybernétique ...... Ce n'est donc pas étonnant que ses principales ramifications historiques se soient développée plus facilement dans le domaine des sciences humaines qui ont généralement des épistémologies plus compréhensives. Pourtant, c'est bien dans la confrontation avec les sciences "dures" que Varela, biologiste de formation, a cherché à ancrer son projet, attaquant à sa racine le réalisme physicaliste implicite.
Aujourd'hui, la forme la plus institutionnellement aboutit de ce travail a été la création d'une nouvelle approche couplant approche classique et cartésienne en "3ième personne"...... avec des approches disciplinée en "1ère personne" par l'entremise de la phénoménologie et de l'instrumentalisation de pointe en imagerie cérébrale ...... C'est la toute jeune neuro-phénoménologie.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'avènement des sciences et technologies de la cognition, c'est la rencontre entre des millénaires de compréhension spontané et culturelle de l'esprit des hommes par eux même, avec la vision scientifique se concrétisant via l'invention technologique. Probablement l'une des aventures de la connaissance de soi les plus passionnantes de ces dernières années.
Bon là tu me perds vers la fin...
Il me semble que par enaction, on parle de la cognition "incarnée" (embodied cognition). Comme tu dis, il s'agit de reconnaître que la cognition n'a de sens que par l'interaction d'un système avec son environnement. La connaissance, et en particulier l'apprentissage de ces connaissances ne se font pas d'une manière désincarnée et abstraite, mais bien à travers la perception du monde et l'action d'un agent sur celui-ci.
On retrouve ici les épistémologies constructivistes et comme tu dis la seconde cybernétique qui consistait à tenter de modéliser la prise en compte du sujet dans son interaction avec l'environnement.
Est-il pour autant nécessaire d'abandonner des ambitions scientifiques d'explications des phénomènes en biologie ?
Les sciences cognitives une une visée explicatives, comme toutes les sciences, et ne doivent pas être confondues avec la phénoménologie au sens philosophique, qui forme la base des méthodes compréhensives des "sciences" humaines. Il est bien sûr important qu'il ait une communcation entre des démarches opposées (au sens de complémentaires) pour éviter trop de naiveté de part et d'autres....
Les démarches compréhensives (i.e. historico-herméneutique, Ricoeur etc ), même si elle ne sont pas scientifiques, n'en sont pas moins importantes.... Elles apportent la critique pouvant permettre un certain recul face à l'objet de recherche des sciences et leurs implications sociales... Je veux seulement redire que faire valoir une de ces méthodologies ne devrait pas impliquer de faire la guerre à l'autre.... Ensuite, ces deux méthodologies (sciences vs approches compréhensives ) ne sont pas divisées de manière essentielle suivant leur objet ainsi qu'on le disait autrefois. La nature ainsi que le monde social peuvent s'étudier suivant les deux méthodes, mais en vue d'objectifs différents. (Je pourrais développer sur ce point, mais ce semble je pense évident . Il y a de la biologie mathématique comme il y a de la sociocybernétique et de la sociologie mathématique, alors que les moyens d'étude traditionnels de la biologie étaient qualitatifs et historico-herméneutiques, d'une manière qui peut être comparer à l'approche compréhensive de la sociologie continentale. Je me réfère ici à un auteur dont j'ai oublié le nom... ce qui n'est guère pratique en effet... Je peux le chercher si tu veux. ).
Sur ce sujet, tu as sûrement vu le débat entre Foucault et Chomsky. Ce débat illustre que, contrairement à certains avis, d'un point de vue plus politique, le point de vue rationnaliste peut aussi se révéler plus "de gauche" que le point de vue "postmoderne relativiste". J'ajoute cela parce que le point de vue que tu sembles développer en citant Foucault me semble proche du discours de celui de gens en sociologie que je connais.
Ce n'est que si on reconnaît une valeur objective à la connaissance qu'on peut espérer avoir des moyens d'action sur le monde. En particulier, ici, la capacité de s'attaquer à la pauvreté et aux injustices et de promouvoir la liberté, etc etc. Chomsky, montre que de disqualifier la science au nom du relativisme comme le fait Foucault avec beaucoup d'éloquence ne fait que renforcer le cynisme et le sentiment d'incapacité d'agir.
Le sens politique de la cognition est là: dans le feedback consistant à refermer la boucle de la perception du monde en la complétant par notre capacité d'action adaptative sur le monde. Que ce soit notre action personnelle à l'échelle individuelle, ou notre action collective au niveau social.
Bref (je dis bref, parce que je suis incapable d'être bref... ), il y a énormément de points à discuter aux niveaux proprement scientifiques (entre l'informatique, les maths, la biologie, la psychologie, la linguistique, mais aussi (et manifestemment surtout) métaphysique, épistémologique et politique...
Badak- Messages : 1230
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Localisation : Montréal
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Bonjour Badak. Merci pour ton post très intéressant, et de jouer avec moi le jeu de la co-construction (et que je lis aussi en creux, implicitement, comme une esquisse de portraits et des lieus d'où nous parlons) !
Tu soulèves de nombreux points très pertinents, dont certains mériteraient (mériterons ?!) un débat plus ciblé.
À c't'heure , j'aimerai d'abord tenter de limiter, autant que faire ce peux, ce que je perçoit comme d'éventuelles sources de malentendus, histoire de préciser et de rendre plus explicite mon point de vue :
- Je me passionne et je respecte profondément les sciences cognitives (çà ne se voit pas ?!) et la pensée complexe (on pourra parler de Morin et de systèmes dynamiques) et j'ai une formation scientifique "dure". La "doxa" à laquelle je faisait allusion, de façon un peu narquoise/péjorative et surtout provocatrice, j'en conviens, était celle issue de la communication marketing, dont même aujourd'hui les scientifiques professionnels font parfois usage. C'est l'excès de compétition à la légitimité, ce que je peux comprendre par ailleurs, vu l’irrationalité et la tendance à l'instrumentalisation illégitime ambiante. J'aime la science ! (c'est dit dans la thématique du forum) mais je me réserve aussi le droit à une saine critique. Car si la science sait se déprendre de l'erreur, qu'en est-il de l'illusion anthropo-fonctionnaliste ?! (et désolé pour le jargonnage, mais c'est la seule façon pour moi dans ce contexte d'être un tant soit peu précis, et donc constructif, et tant pis / dommage pour ceux qui trouveront cela pédant).
Et j'apprécie ta sagacité concernant l'effet miroir. Peace Mais c'était aussi et surtout celle de la position orthodoxe scientifique ("Computationnaliste" cf. ci-dessus), que je respecte aussi et dont je comprends bien l'intérêt et l'utilité fonctionnaliste, mais qui se présente souvent au grand public comme la seule explication valide des phénomènes cognitifs.
- J'ai indiqué la dimension politique de ces question d'une part pour essayer de rendre plus attractif la thématique et montrer que ces questions ne sont pas uniquement l'affaire de "doctes spécialistes" (voir de spin doctor), même si elles sont difficiles et techniques, et d'autre part pour aussi exprimer mon positionnement en tant qu'être humain intégral, biologique et politique, citoyen du monde. Mais mon intention est principalement existentielle : pour moi, et çà en est peut-être l'originalité, la science et tout particulièrement les sciences cognitives ne sont pas une UNIQUEMENT une activité à vocation professionnelle et institutionnelle, mais AUSSI une voie initiatique laïque, un parcours de révélation à soi-même, et je parle bien de création "rationnelle" (et c'est un débat éventuel pour plus tard, si tu le veux bien). Merci pour la référence Foucault / Chomsky,je ne crois pas l'avoir vue, par contre j'ai lu le débat Piaget / Chomsky.
- au passage : les phases indiquée dans l'ouvrage ne correspondent pas à une opposition mais à une généalogie évolutive, dont le rapport paradigmatique synchronique est par ailleurs intéressant à analyser. Cela est partiellement fait dans le livre (il date de 1989 !).
- Personnellement, je n'opère pas par logique distinctive/binaire uniquement et je n'oublie pas que nous sommes en train de tenter d'exprimer chacun notre pensées par la médiation d'abord du langage, dans notre propre tête puis par écrit, un langage discipliné, cohérent et consistant, ce qui est une aubaine mais impose aussi des contraintes sur ce que nous pouvons exprimer, oupa Et en surcouche, il y a la médiation de la publication web, etc. C'est donc difficile.
Je m'explique : j'ai une méthode d'exploration rythmique de déconstruction/construction (pas destruction, hein). J'aime bien dans un premier temps bien distinguer (cf. Tiers exclus Aristotélicien, Descartes, etc) et définir, quitte à revenir plus tard sur la définition. Puis maintenir les pôlarités conceptuelles valables (indécidables) dans une suspension du jugement, plutôt que vouloir en réduire l'une à l'autre (c'est donc une approche non-réductionniste). Là, j'ai une mnémotechnique : "peser, c'est penser sans haine". Ensuite, cette suspension m’amène généralement à une prise de conscience progressive des relations et du contexte, de mes propres a priori sur lequels ce "dipôle conceptuel" à pris naissance (culturellement/psychiquement). Enfin, après avoir nourri (réflexions, culture) l'ensemble, je laisse mon corps digérer cette pitance, s'apaiser (car le processus d'apprentissage est déstabilisant, donc anxiogène) et j'accepte avec précaution de ne pas me réfugier dans une unique abstraction lénifiante. Bref, je tente de faire corps avec mes idées. Et à partir de là, je me rend disponible intérieurement dans un certain silence à une intuition compréhensive/créatrice, sémantique, qui lorsqu'elle se produit (ah ah, euréka ou alleluia, comme tu veux), me relance vers d'autres centres d'intérêts, généralement de façon spiralique. çà te parle ?
- pour d'autres points, je pense et j'espère que les choses s'éclairciront chemin faisant.
Sinon, des précisions "à la volée" :
- une autre référence de grande qualité sur la généalogie des SC (plus histoire des idée/philo critique), par Jean-Pierre Dupuy (Polytechnique, grâce à qui Varela à été accueilli en France) :Les savants croient-ils en leur théories ? Une lecture philosophique de l'histoire des sciences cognitives. Ed. Sciences en question, INRA Editions. "Aux origines des Sciences Cognitives", Jean-Pierre Dupuy, Ed. La Découverte poche, sciences humaines et sociales.
- la nuance sémantique du mot "intelligence" : en anglais, il y a aussi le sens de "renseignement", comme dans "service de renseignement" (Intelligence Service). Et ce n'est probablement pas sans signification, mais j'ai pas envie d'approfondir.
- Ok, je te propose un premier ciblage qui me semble intéressant de discuter à partir de ton texte :
Je te prépare une réponse sur ce point (i.e. naturel / artificiel).
Tu soulèves de nombreux points très pertinents, dont certains mériteraient (mériterons ?!) un débat plus ciblé.
À c't'heure , j'aimerai d'abord tenter de limiter, autant que faire ce peux, ce que je perçoit comme d'éventuelles sources de malentendus, histoire de préciser et de rendre plus explicite mon point de vue :
- Je me passionne et je respecte profondément les sciences cognitives (çà ne se voit pas ?!) et la pensée complexe (on pourra parler de Morin et de systèmes dynamiques) et j'ai une formation scientifique "dure". La "doxa" à laquelle je faisait allusion, de façon un peu narquoise/péjorative et surtout provocatrice, j'en conviens, était celle issue de la communication marketing, dont même aujourd'hui les scientifiques professionnels font parfois usage. C'est l'excès de compétition à la légitimité, ce que je peux comprendre par ailleurs, vu l’irrationalité et la tendance à l'instrumentalisation illégitime ambiante. J'aime la science ! (c'est dit dans la thématique du forum) mais je me réserve aussi le droit à une saine critique. Car si la science sait se déprendre de l'erreur, qu'en est-il de l'illusion anthropo-fonctionnaliste ?! (et désolé pour le jargonnage, mais c'est la seule façon pour moi dans ce contexte d'être un tant soit peu précis, et donc constructif, et tant pis / dommage pour ceux qui trouveront cela pédant).
Et j'apprécie ta sagacité concernant l'effet miroir. Peace Mais c'était aussi et surtout celle de la position orthodoxe scientifique ("Computationnaliste" cf. ci-dessus), que je respecte aussi et dont je comprends bien l'intérêt et l'utilité fonctionnaliste, mais qui se présente souvent au grand public comme la seule explication valide des phénomènes cognitifs.
- J'ai indiqué la dimension politique de ces question d'une part pour essayer de rendre plus attractif la thématique et montrer que ces questions ne sont pas uniquement l'affaire de "doctes spécialistes" (voir de spin doctor), même si elles sont difficiles et techniques, et d'autre part pour aussi exprimer mon positionnement en tant qu'être humain intégral, biologique et politique, citoyen du monde. Mais mon intention est principalement existentielle : pour moi, et çà en est peut-être l'originalité, la science et tout particulièrement les sciences cognitives ne sont pas une UNIQUEMENT une activité à vocation professionnelle et institutionnelle, mais AUSSI une voie initiatique laïque, un parcours de révélation à soi-même, et je parle bien de création "rationnelle" (et c'est un débat éventuel pour plus tard, si tu le veux bien). Merci pour la référence Foucault / Chomsky,
- au passage : les phases indiquée dans l'ouvrage ne correspondent pas à une opposition mais à une généalogie évolutive, dont le rapport paradigmatique synchronique est par ailleurs intéressant à analyser. Cela est partiellement fait dans le livre (il date de 1989 !).
- Personnellement, je n'opère pas par logique distinctive/binaire uniquement et je n'oublie pas que nous sommes en train de tenter d'exprimer chacun notre pensées par la médiation d'abord du langage, dans notre propre tête puis par écrit, un langage discipliné, cohérent et consistant, ce qui est une aubaine mais impose aussi des contraintes sur ce que nous pouvons exprimer, oupa Et en surcouche, il y a la médiation de la publication web, etc. C'est donc difficile.
Je m'explique : j'ai une méthode d'exploration rythmique de déconstruction/construction (pas destruction, hein). J'aime bien dans un premier temps bien distinguer (cf. Tiers exclus Aristotélicien, Descartes, etc) et définir, quitte à revenir plus tard sur la définition. Puis maintenir les pôlarités conceptuelles valables (indécidables) dans une suspension du jugement, plutôt que vouloir en réduire l'une à l'autre (c'est donc une approche non-réductionniste). Là, j'ai une mnémotechnique : "peser, c'est penser sans haine". Ensuite, cette suspension m’amène généralement à une prise de conscience progressive des relations et du contexte, de mes propres a priori sur lequels ce "dipôle conceptuel" à pris naissance (culturellement/psychiquement). Enfin, après avoir nourri (réflexions, culture) l'ensemble, je laisse mon corps digérer cette pitance, s'apaiser (car le processus d'apprentissage est déstabilisant, donc anxiogène) et j'accepte avec précaution de ne pas me réfugier dans une unique abstraction lénifiante. Bref, je tente de faire corps avec mes idées. Et à partir de là, je me rend disponible intérieurement dans un certain silence à une intuition compréhensive/créatrice, sémantique, qui lorsqu'elle se produit (ah ah, euréka ou alleluia, comme tu veux), me relance vers d'autres centres d'intérêts, généralement de façon spiralique. çà te parle ?
- pour d'autres points, je pense et j'espère que les choses s'éclairciront chemin faisant.
Sinon, des précisions "à la volée" :
- une autre référence de grande qualité sur la généalogie des SC (plus histoire des idée/philo critique), par Jean-Pierre Dupuy (Polytechnique, grâce à qui Varela à été accueilli en France) :
- la nuance sémantique du mot "intelligence" : en anglais, il y a aussi le sens de "renseignement", comme dans "service de renseignement" (Intelligence Service). Et ce n'est probablement pas sans signification, mais j'ai pas envie d'approfondir.
- Ok, je te propose un premier ciblage qui me semble intéressant de discuter à partir de ton texte :
Badak a écrit:Mais d'une manière plus importante encore que la distinction entre cognition et intelligence dans la dénomination de ces concepts, il y a celle de l'artificialité. Dans le mesure où la cognition naturelle et la cognition artificielle s'étudient avec les mêmes modèles, il partagent les mêmes concepts, et la distinction entre le naturel et l'artificiel devient futile. Je préfère de beaucoup l'expression de "cognition computationnelle".
Le coeur de la question est que les phénomènes naturels sont le siège de traitement continuel de l'information. On parle d'ailleurs, de plus en plus de calcul naturel pour l'utilisation naturelle ou artificielle de ces capacités de calcul.
Je te prépare une réponse sur ce point (i.e. naturel / artificiel).
Dernière édition par soto le Lun 30 Jan 2017 - 17:10, édité 1 fois
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Salut Soto, en fait, j'apprécie beaucoup que tu joues sur les deux tableaux: celui de la science ainsi que celui de l'étude critique sociologique et philosophique de la science. Ça ne simplifie pas la discussion, mais ça rend le tout encore plus interessant...
En te lisant j'ai l'impression de lire un sociologue, et ton "identité caméléon" dans ce débat, me renvoie en fait à ma propre double identité: je t'avoue que j'ai longtemps moi-même préférer "jouer" à discourir comme un étudiant de sociologie ou de philo lorsque dans des groupes de gens de sciences humaines..... Alors je crois comme toi à la nécessité d'une critique sociale, en particulier face au fétichisme de la technologie à l'oeuvre derrière les manières de "vendre" aux consommateurs la recherche scientifique.... Là où le chercheur cherche à comprendre la nature en poursuivant une quête métaphysique (comprendre et expliquer l'esprit et la vie, par exemple), il a besoin économiquement de "valoriser" sa recherche en faisant miroiter des joujous technologiques passablement, souvent passablement inutiles... (comme le reconnaissance vocale dans un téléphone mobile ).
S'agissant de l'illusion anthropo-fonctionnaliste, je ne suis pas certain ici de ce à quoi tu renvois. Le fonctionnalisme en anthopologie, j'ai une idée de la question, mais justement ce fonctionnalisme est dépassé depuis tellement longtemps que ce ne me semble pas tellement pertinent d'y référer. On ne se situe pas au même niveau de complexité si on parle de mécanismes biologiques. (Je fais un peu exprès j'avoue pour mentionner les mécanismes, mais de quelles autres explications devraient on parler ? Ça m'étonnerait que tu puisses vraiment me mentionner une explication scientifique concurrente... Si tu veux me parler de phénoménologie ici, c'est bien beau, mais il ne s'agira pas d'explication scientifique. La compréhension que tu aura sera peut-être plus profonde, mais incapable de faire des prédictions vérifiables. )
Parler de computationnalisme est aussi ambigu. Parle t-on ici d'une conception métaphysique où tout ce qui est naturel est le fait de calculs ou alors où la conscience est le fait de calculs: on ne parle pas encore ici d'une théorie scientifique.. Veut-on dire simplement que l'on conceptualise les phénomènes cognitifs comme le fait de calculs ? Disons qu'encore là c'est tellement vague que ce n'est pas falsifiable, il ne s'agit pas d'une théorie scientifique, mais seulement d'un paradigme de recherche permettant de donner un sens intuitif au phénomène en le généralisant. Ce paradigme peut permettre la construction de modèles et de théories, mais ce sont ces dernières qu'il faudra mettre à l'épreuve.
Remarquons que la science cherche à suivre le rasoir d'occam. S'il existe une explication n'exigeant pas de supposition métaphysique supplémentaire (comme l'existence de Dieu ou d'une âme ), alors elle suffit et elle est scientifique. Une explication rationnelle mais postulant le dualisme cartésien (par exemple) ne sera pas scientifique.
Nous avons une théorie très intuitive qui explique les mémoires associatives, la créativité, etc en termes de réseaux de neurones. Il ne s'agit pas encore d'évoquer la conscience. Un système peut apprendre de ses erreurs sans pour autant être conscient. L'apprentissage est omniprésent dans la nature, et les explications en termes d'interactions fonctionnent. Comment pourrait-on les contester sur le terrain scientifique et non pas métaphysique ou religieux ?
On pourrait aussi utiliser des modèles computationnels sans pour autant adhérer à une forme ou une autre de computationnalisme. Personnellement, j'aime bien le computationnalisme... J'y vois l'expression d'une cohérence universelle immanente au Cosmos. Il me semble réducteur de le voir comme réducteur.
En biologie, on parle effectivement de la relation structure-fonction, et cette analyse fait un parallèle avec la relation entre syntaxe et sémantique en linguistique. On peut même parler de "linsguistique" des protéines ou de "linguistique" des neurones. La circulation de l'information sémiotique dans un système cognitif se fait sur une structure (généralement un réseau ) et l'interprétation faisant resortir la signification d'une interaction est justement dans la fonction produite par cette interaction. On peut considérer cette interprétation du signe comme un calcul puisqu'il s'agit d'un traitement de l'information. Strictement parlant il ne s'agit toutefois pas de l'information telle qu'on en parle en théorie des signaux électriques. (ce n'est pas l'information de Shannon, mais plutôt une information sémiotique. L'info de Shannon est aveugle au sens et n'est pas si utile en biologie). Regarde aussi du côté de la biosémiotique: les êtres vivants construisent leur représentation du monde (appelée Umwelt, le monde en soi ) à travers l'interaction constante entre leur perception de leur environnement et leur action dans celui-ci.
En généralisant la notion de biosémiotique à tous les systèmes cognitifs (et pas qu'aux êtres vivants) , on en arrive à la notion de cybersémiotique.... Certains parlent même de physicosémiotique pour généraliser ce schéma sémiotique à d'autres systèmes complexes qui ne figurent pas parmi les systèmes cognitifs: par exemple la dynamique des fluides ou des plasma. Là on en arrive à suggérer métaphysiquement un pancomputationnalisme et par là un panpsychisme.... Imagine les rivières comme des systèmes dotés d'un sens de l'interprétation sémiotique C'est presque de l'animisme... mais fondé sur ce qui se prétend un physicalisme (un matérialisme ).. J'adore ce renversement conceptuel propre à bousiller les certitudes de certains
Tout ça pour dire que je ne vois pas ce que tu reproches au computationalisme !
Je ne connais pas le débat Chomsky/ Piaget, mais ça doit être interessant. Il y a aussi le débat entre Foucault et Habermas.
:D:P:P:P Oui on dirait vraiment que tu parles comme un sociologue ou un anthropologue. Ou comme quelqu'un qui trippe sur la phénoménologie de Husserl... La suspension du jugement, hmmm. Pour ma part, je cherche à activer la dialectique entre les deux pôles dont tu parles de manière à mettre en évidence les faiblesses de parts et d'autres. S'il les tensions ne peuvent pas être éliminer car elles sont constitutives de l'antagonisme, alors je cherche à subsumer ce niveau à travers la construction du niveau conceptuel englobant la dynamique de la dialectique.
En particulier, souvent, les contradictions n'en sont que si on les regarde à travers des définitions figées éculées. Il faut à mon avis examiner la dynamique antagonique en cherchant à redéfinir constamment les concepts. En fait, tout cela n'est pas très clair encore pour moi..
D'ailleurs, si tu dis comme moi, je ne vais pas tarder à dire un peu le contraire, question de "tester" ce que je pense contre ce que je pense aussi.. par le biais de ton discours. C'est très inconfortable... On m'accuse constamment de m'amuser de faire l'avocat du diable, mais ça me semble le seul moyen de chercher...
Donc en bref, ma maladie s'appelle aussi la "spiralique" dialectique... et je saute tout à tour dans toute une série de sujets d'étude, au risque de ne pas parvenir à être efficace dans quoi que ce soit...
Donc en général, si je veux travailler en scientifique, je dois me mettre en état d'esprit de scientifique et mettre la casquette appropriée et cantonner mon sens critique dans les balises d'une discussion scientifiques... Il y a une naiveté bienheureuse nécessaire au travail utile des scientifiques ....
Quand j'étais à l'école d'ingénieur, j'étais devenu anti-techniciste et je carburais à Heidegger, à Marcuse, et à la critique des discours hégémoniques, .... Ça a surtout réussi à me convaincre de ne pas être ingénieur et d'avoir le diplôme pour rien.. Je voulais surtout être le grain de sable dans l'engrenage.
Comme scientifique, on se construit par contre tout un chacun un ensemble d'images "naives" qu'on utilise pour travailler, pour donner du sens intuitif aux théorie et modèles, sans quoi l'explication qu'on construit ne serait pas aussi une forme de compréhension. Ce sont ces images qui servent à l'enseignement et à la vulgarisation.... et bien sûr que ces images ne rendent pas très bien compte de la théorie. Le support formel et sa représentation intuitive ne correspondent évidemment pas à la réalité. Mais on rêve qu'on s'en approche un peu...
Dans la mesure où en relation avec les sciences cognitives, on parle de phénomènes, on se situe d'emblée dans le monde de la réalité phénoménologique et non pas dans un monde spirituel intangible ... La manière d'appréhender les systèmes est la même que ces systèmes soient vivants, cognitifs, ou seulement physiques... Il s'agit de construire des modèles reproduisant les caractéristiques observées considérées pertinentes.
( D'ailleurs, les disciplines qui se consacrent le plus à la biologie théorique, pour donner cet exemple que je connais bien, sont d'abord des sciences de l'ingénieur. Personnellement, je dis biologie théorique pour faire savant, ou bioingénierie computationnelle pour donner l'impression que c'est davantage appliqué... )
Tu me diras qu'il s'agit justement là du paradigme mécaniste... Mais alors on reviendrait à la question de ce qu'est un mécanisme.... par chez nous, on utilise généralement le mot "mécanisme" comme synonyme d'explication....mais le sens en est débattable. À mon sens, ce qui est surtout conservé de la mécanique dans les modèles mathématiques, c'est la primauté de la géométrie. Mais le type de géométrie est généralement plus complexe que dans la mécanique hamiltonienne (je mets plus de détails car tu me parles de sciences dures.. et la seule que je connaisses c'est la physique. ). La géométrie permet justement une étude qualitative du comportement des systèmes dynamiques. La mémorisation revient entre autre à la stabilisation d'un attracteur dans un espace abstrait correspondant à l'activité des neurones ou de certains de leurs composants.
Et pour bien se mélanger davantage, on peut réinterpréter toute dynamique comme un acte computationnel. On parle par exemple de signalisation biologique, de codage neuronal, d'états de mémoire etc
Les plus philosophes dans cette spécialité diront pourtant qu'il s'agit d'une approche systémique ayant pour but de dépasser le paradigme réductionniste analytique de la biochimie et que notre conception dynamique mérite le nom d'holisme. Mais il n'y a rien de radicalement différent dans ces démarches que ce qu'on fait dans les autres sciences physiques. Il y a seulement davantage d'incertitude et de complexité à gérer.
En te lisant j'ai l'impression de lire un sociologue, et ton "identité caméléon" dans ce débat, me renvoie en fait à ma propre double identité: je t'avoue que j'ai longtemps moi-même préférer "jouer" à discourir comme un étudiant de sociologie ou de philo lorsque dans des groupes de gens de sciences humaines..... Alors je crois comme toi à la nécessité d'une critique sociale, en particulier face au fétichisme de la technologie à l'oeuvre derrière les manières de "vendre" aux consommateurs la recherche scientifique.... Là où le chercheur cherche à comprendre la nature en poursuivant une quête métaphysique (comprendre et expliquer l'esprit et la vie, par exemple), il a besoin économiquement de "valoriser" sa recherche en faisant miroiter des joujous technologiques passablement, souvent passablement inutiles... (comme le reconnaissance vocale dans un téléphone mobile ).
Cool pour la première partie du paragraphe .soto a écrit:... Tu soulèves de nombreux points très pertinents, dont certains mériteraient (mériterons ?!) un débat plus ciblé.
....j'aimerai d'abord tenter de limiter, autant que faire ce peux, ce que je perçoit comme d'éventuelles sources de malentendus, histoire de préciser et de rendre plus explicite mon point de vue :
....- Je me passionne et je respecte profondément les sciences cognitives (çà ne se voit pas ?!) et la pensée complexe (on pourra parler de Morin et de systèmes dynamiques) et j'ai une formation scientifique "dure". La "doxa" à laquelle je faisait allusion, de façon un peu narquoise/péjorative et surtout provocatrice, j'en conviens, était celle issue de la communication marketing, dont même aujourd'hui les scientifiques professionnels font parfois usage. C'est l'excès de compétition à la légitimité, ce que je peux comprendre par ailleurs, vu l’irrationalité et la tendance à l'instrumentalisation illégitime ambiante. J'aime la science ! (c'est dit dans la thématique du forum) mais je me réserve aussi le droit à une saine critique. Car si la science sait se déprendre de l'erreur, qu'en est-il de l'illusion anthropo-fonctionnaliste ?!.
Et j'apprécie ta sagacité concernant l'effet miroir. Peace Mais c'était aussi et surtout celle de la position orthodoxe scientifique ("Computationnaliste" cf. ci-dessus), que je respecte aussi et dont je comprends bien l'intérêt et l'utilité fonctionnaliste, mais qui se présente souvent au grand public comme la seule explication valide des phénomènes cognitifs.
S'agissant de l'illusion anthropo-fonctionnaliste, je ne suis pas certain ici de ce à quoi tu renvois. Le fonctionnalisme en anthopologie, j'ai une idée de la question, mais justement ce fonctionnalisme est dépassé depuis tellement longtemps que ce ne me semble pas tellement pertinent d'y référer. On ne se situe pas au même niveau de complexité si on parle de mécanismes biologiques. (Je fais un peu exprès j'avoue pour mentionner les mécanismes, mais de quelles autres explications devraient on parler ? Ça m'étonnerait que tu puisses vraiment me mentionner une explication scientifique concurrente... Si tu veux me parler de phénoménologie ici, c'est bien beau, mais il ne s'agira pas d'explication scientifique. La compréhension que tu aura sera peut-être plus profonde, mais incapable de faire des prédictions vérifiables. )
Parler de computationnalisme est aussi ambigu. Parle t-on ici d'une conception métaphysique où tout ce qui est naturel est le fait de calculs ou alors où la conscience est le fait de calculs: on ne parle pas encore ici d'une théorie scientifique.. Veut-on dire simplement que l'on conceptualise les phénomènes cognitifs comme le fait de calculs ? Disons qu'encore là c'est tellement vague que ce n'est pas falsifiable, il ne s'agit pas d'une théorie scientifique, mais seulement d'un paradigme de recherche permettant de donner un sens intuitif au phénomène en le généralisant. Ce paradigme peut permettre la construction de modèles et de théories, mais ce sont ces dernières qu'il faudra mettre à l'épreuve.
Remarquons que la science cherche à suivre le rasoir d'occam. S'il existe une explication n'exigeant pas de supposition métaphysique supplémentaire (comme l'existence de Dieu ou d'une âme ), alors elle suffit et elle est scientifique. Une explication rationnelle mais postulant le dualisme cartésien (par exemple) ne sera pas scientifique.
Nous avons une théorie très intuitive qui explique les mémoires associatives, la créativité, etc en termes de réseaux de neurones. Il ne s'agit pas encore d'évoquer la conscience. Un système peut apprendre de ses erreurs sans pour autant être conscient. L'apprentissage est omniprésent dans la nature, et les explications en termes d'interactions fonctionnent. Comment pourrait-on les contester sur le terrain scientifique et non pas métaphysique ou religieux ?
On pourrait aussi utiliser des modèles computationnels sans pour autant adhérer à une forme ou une autre de computationnalisme. Personnellement, j'aime bien le computationnalisme... J'y vois l'expression d'une cohérence universelle immanente au Cosmos. Il me semble réducteur de le voir comme réducteur.
En biologie, on parle effectivement de la relation structure-fonction, et cette analyse fait un parallèle avec la relation entre syntaxe et sémantique en linguistique. On peut même parler de "linsguistique" des protéines ou de "linguistique" des neurones. La circulation de l'information sémiotique dans un système cognitif se fait sur une structure (généralement un réseau ) et l'interprétation faisant resortir la signification d'une interaction est justement dans la fonction produite par cette interaction. On peut considérer cette interprétation du signe comme un calcul puisqu'il s'agit d'un traitement de l'information. Strictement parlant il ne s'agit toutefois pas de l'information telle qu'on en parle en théorie des signaux électriques. (ce n'est pas l'information de Shannon, mais plutôt une information sémiotique. L'info de Shannon est aveugle au sens et n'est pas si utile en biologie). Regarde aussi du côté de la biosémiotique: les êtres vivants construisent leur représentation du monde (appelée Umwelt, le monde en soi ) à travers l'interaction constante entre leur perception de leur environnement et leur action dans celui-ci.
En généralisant la notion de biosémiotique à tous les systèmes cognitifs (et pas qu'aux êtres vivants) , on en arrive à la notion de cybersémiotique.... Certains parlent même de physicosémiotique pour généraliser ce schéma sémiotique à d'autres systèmes complexes qui ne figurent pas parmi les systèmes cognitifs: par exemple la dynamique des fluides ou des plasma. Là on en arrive à suggérer métaphysiquement un pancomputationnalisme et par là un panpsychisme.... Imagine les rivières comme des systèmes dotés d'un sens de l'interprétation sémiotique C'est presque de l'animisme... mais fondé sur ce qui se prétend un physicalisme (un matérialisme ).. J'adore ce renversement conceptuel propre à bousiller les certitudes de certains
Tout ça pour dire que je ne vois pas ce que tu reproches au computationalisme !
Oui quand je parle de métaphysique, je voulais aussi inclure la question de l'existence humaine....soto a écrit: ....
- J'ai indiqué la dimension politique de ces question d'une part pour essayer de rendre plus attractif la thématique et montrer que ces questions ne sont pas uniquement l'affaire de "doctes spécialistes" (voir de spin doctor), même si elles sont difficiles et techniques, et d'autre part pour aussi exprimer mon positionnement en tant qu'être humain intégral, biologique et politique, citoyen du monde. Mais mon intention est principalement existentielle : ....Merci pour la référence Foucault / Chomsky,je ne crois pas l'avoir vue, par contre j'ai lu le débat Piaget / Chomsky.
Je ne connais pas le débat Chomsky/ Piaget, mais ça doit être interessant. Il y a aussi le débat entre Foucault et Habermas.
soto a écrit: ....
- Personnellement, je n'opère pas par logique distinctive/binaire uniquement et je n'oublie pas que nous sommes en train de tenter d'exprimer chacun notre pensées par la médiation d'abord du langage, dans notre propre tête puis par écrit, un langage discipliné, cohérent et consistant, ce qui est une aubaine mais impose aussi des contraintes sur ce que nous pouvons exprimer, oupa Et en surcouche, il y a la médiation de la publication web, etc. C'est donc difficile.
Je m'explique : j'ai une méthode d'exploration rythmique de déconstruction/construction (pas destruction, hein). J'aime bien dans un premier temps bien distinguer (cf. Tiers exclus Aristotélicien, Descartes, etc) et définir, quitte à revenir plus tard sur la définition. Puis maintenir les pôlarités conceptuelles valables (indécidables) dans une suspension du jugement, plutôt que vouloir en réduire l'une à l'autre (c'est donc une approche non-réductionniste). Là, j'ai une mnémotechnique : "peser, c'est penser sans haine". Ensuite, cette suspension m’amène généralement à une prise de conscience progressive des relations et du contexte, de mes propres a priori sur lequels ce "dipôle conceptuel" à pris naissance (culturellement/psychiquement). Enfin, après avoir nourri (réflexions, culture) l'ensemble, je laisse mon corps digérer cette pitance, s'apaiser (car le processus d'apprentissage est déstabilisant, donc anxiogène) et j'accepte avec précaution de ne pas me réfugier dans une unique abstraction lénifiante. Bref, je tente de faire corps avec mes idées. Et à partir de là, je me rend disponible intérieurement dans un certain silence à une intuition compréhensive/créatrice, sémantique, qui lorsqu'elle se produit (ah ah, euréka ou alleluia, comme tu veux), me relance vers d'autres centres d'intérêts, généralement de façon spiralique. çà te parle ?
:D:P:P:P Oui on dirait vraiment que tu parles comme un sociologue ou un anthropologue. Ou comme quelqu'un qui trippe sur la phénoménologie de Husserl... La suspension du jugement, hmmm. Pour ma part, je cherche à activer la dialectique entre les deux pôles dont tu parles de manière à mettre en évidence les faiblesses de parts et d'autres. S'il les tensions ne peuvent pas être éliminer car elles sont constitutives de l'antagonisme, alors je cherche à subsumer ce niveau à travers la construction du niveau conceptuel englobant la dynamique de la dialectique.
En particulier, souvent, les contradictions n'en sont que si on les regarde à travers des définitions figées éculées. Il faut à mon avis examiner la dynamique antagonique en cherchant à redéfinir constamment les concepts. En fait, tout cela n'est pas très clair encore pour moi..
D'ailleurs, si tu dis comme moi, je ne vais pas tarder à dire un peu le contraire, question de "tester" ce que je pense contre ce que je pense aussi.. par le biais de ton discours. C'est très inconfortable... On m'accuse constamment de m'amuser de faire l'avocat du diable, mais ça me semble le seul moyen de chercher...
Donc en bref, ma maladie s'appelle aussi la "spiralique" dialectique... et je saute tout à tour dans toute une série de sujets d'étude, au risque de ne pas parvenir à être efficace dans quoi que ce soit...
Donc en général, si je veux travailler en scientifique, je dois me mettre en état d'esprit de scientifique et mettre la casquette appropriée et cantonner mon sens critique dans les balises d'une discussion scientifiques... Il y a une naiveté bienheureuse nécessaire au travail utile des scientifiques ....
Quand j'étais à l'école d'ingénieur, j'étais devenu anti-techniciste et je carburais à Heidegger, à Marcuse, et à la critique des discours hégémoniques, .... Ça a surtout réussi à me convaincre de ne pas être ingénieur et d'avoir le diplôme pour rien.. Je voulais surtout être le grain de sable dans l'engrenage.
J'espère bien que personne ne croit à ses théories... Il ne s'agit pas de croyance, il s'agit de chercher à expliquer des phénomènes. Une explication est nécessairement temporaire et se situe à un certain niveau. Ce niveau est nécessairement toujours appelé à être creusé davantage. Je pourrais discourir là dessus, mais je pense saisir que l'idée est plutôt d'essayer d'expliquer aux gens et aux politiciens ce qu'est la science.. Un des problèmes est le discours social au sujet de la science qui est présentée comme une idolâtrie des "experts" que l'on fustige aussitôt qu'ils se trompent.... Cette distorsion encourage aussi un cynisme anti-scientifique, comme si ne pouvant atteindre le savoir absolu, on en éteint contraint au relativisme le plus absurde.soto a écrit: Les savants croient-ils en leur théories ? Une lecture philosophique de l'histoire des sciences cognitives. Ed. Sciences en question, INRA Editions.
Comme scientifique, on se construit par contre tout un chacun un ensemble d'images "naives" qu'on utilise pour travailler, pour donner du sens intuitif aux théorie et modèles, sans quoi l'explication qu'on construit ne serait pas aussi une forme de compréhension. Ce sont ces images qui servent à l'enseignement et à la vulgarisation.... et bien sûr que ces images ne rendent pas très bien compte de la théorie. Le support formel et sa représentation intuitive ne correspondent évidemment pas à la réalité. Mais on rêve qu'on s'en approche un peu...
Ok pour ce sens-là, j'avoue.....bah de loin, on voit le lien assez grossier avec l'idée générale de traitement de l'information, mais Bof Bof.soto a écrit:
- la nuance sémantique du mot "intelligence" : en anglais, il y a aussi le sens de "renseignement", comme dans "service de renseignement" (Intelligence Service). Et ce n'est probablement pas sans signification, mais j'ai pas envie d'approfondir.
C'est un point, mais personnellement il me semble futile de mon point de vue. Il se peut très bien que nous n'ayons pas les mêmes points de focalisation hahahaha. Explique moi tout-de- même ta réflexion sur le sujet. Je crains cependant que ce ne soit surtout qu'une question de terminologie.... avec le risque de s'enliser dans la polysémie du mot "nature".... ainsi que de mots comme "mécanisme" ...soto a écrit:- Ok, je te propose un premier ciblage qui me semble intéressant de discuter à partir de ton texte :
......Je te prépare une réponse sur ce point (i.e. naturel / artificiel).
Dans la mesure où en relation avec les sciences cognitives, on parle de phénomènes, on se situe d'emblée dans le monde de la réalité phénoménologique et non pas dans un monde spirituel intangible ... La manière d'appréhender les systèmes est la même que ces systèmes soient vivants, cognitifs, ou seulement physiques... Il s'agit de construire des modèles reproduisant les caractéristiques observées considérées pertinentes.
( D'ailleurs, les disciplines qui se consacrent le plus à la biologie théorique, pour donner cet exemple que je connais bien, sont d'abord des sciences de l'ingénieur. Personnellement, je dis biologie théorique pour faire savant, ou bioingénierie computationnelle pour donner l'impression que c'est davantage appliqué... )
Tu me diras qu'il s'agit justement là du paradigme mécaniste... Mais alors on reviendrait à la question de ce qu'est un mécanisme.... par chez nous, on utilise généralement le mot "mécanisme" comme synonyme d'explication....mais le sens en est débattable. À mon sens, ce qui est surtout conservé de la mécanique dans les modèles mathématiques, c'est la primauté de la géométrie. Mais le type de géométrie est généralement plus complexe que dans la mécanique hamiltonienne (je mets plus de détails car tu me parles de sciences dures.. et la seule que je connaisses c'est la physique. ). La géométrie permet justement une étude qualitative du comportement des systèmes dynamiques. La mémorisation revient entre autre à la stabilisation d'un attracteur dans un espace abstrait correspondant à l'activité des neurones ou de certains de leurs composants.
Et pour bien se mélanger davantage, on peut réinterpréter toute dynamique comme un acte computationnel. On parle par exemple de signalisation biologique, de codage neuronal, d'états de mémoire etc
Les plus philosophes dans cette spécialité diront pourtant qu'il s'agit d'une approche systémique ayant pour but de dépasser le paradigme réductionniste analytique de la biochimie et que notre conception dynamique mérite le nom d'holisme. Mais il n'y a rien de radicalement différent dans ces démarches que ce qu'on fait dans les autres sciences physiques. Il y a seulement davantage d'incertitude et de complexité à gérer.
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
C'est un plaisir de vous lire. Merci Soto d'avoir créé le fil.
Je n'ai pas grand chose à dire sur le sujet, mais il m'intéresse, et parmi les nombreux points que vous avez soulevés, certains m'intéressent particulièrement en ce moment. Donc je plante ma tente ici.
Il y a des tensions générales entre différents idées générales, qui, aussi fortes qu'elles puissent être au niveau politique par exemple, se dénouent souvent dans des cas particuliers en une complémentarité (par ex: prévalence du langage pour expliquer la cognition / approche mécanistique de la cognition), une supplémentarité (computationnalisme / et réflexions autour de l'idée que la conscience ne se réduit pas aux phénomènes pour l'instant expliqués par la science, voire n'est pas qu'un phénomène purement subjectif, mais alors lequel?, etc...), ou une résolution (caractère inné des structures permettant le langage / genèse évolutive des structures permettant le langage) qui lève l'apparente contradiction en mettant en évidence la nécessité d'une étude plus précise, appelant éventuellement à l'émergence d'autres tensions.
Une doxa est toujours imprécise et floue, ce n'est qu'un ensemble plus ou moins cohérent d'idées générales. A mon avis il n'y a pas à trop se focaliser dessus, puisqu'on y est déjà naturellement sensible, et puisqu'en apprendre plus sur les sujets connexes ne fait que renforcer la visibilité et l'ampleur des tensions. C'est donc plus dans l'élucidation des tensions que dans la suspension du jugement que réside à mon avis la possibilité d'y voir plus clair. Bien sûr, cela prends du temps!
@Soto: As-tu ce des exemples de recherche actuelle dans le domaine concerné par la quatrième phase? Je crois avoir une idée de ce dont il s'agit, mais Badak semble penser à autre chose.
Je n'ai pas grand chose à dire sur le sujet, mais il m'intéresse, et parmi les nombreux points que vous avez soulevés, certains m'intéressent particulièrement en ce moment. Donc je plante ma tente ici.
Il y a des tensions générales entre différents idées générales, qui, aussi fortes qu'elles puissent être au niveau politique par exemple, se dénouent souvent dans des cas particuliers en une complémentarité (par ex: prévalence du langage pour expliquer la cognition / approche mécanistique de la cognition), une supplémentarité (computationnalisme / et réflexions autour de l'idée que la conscience ne se réduit pas aux phénomènes pour l'instant expliqués par la science, voire n'est pas qu'un phénomène purement subjectif, mais alors lequel?, etc...), ou une résolution (caractère inné des structures permettant le langage / genèse évolutive des structures permettant le langage) qui lève l'apparente contradiction en mettant en évidence la nécessité d'une étude plus précise, appelant éventuellement à l'émergence d'autres tensions.
Une doxa est toujours imprécise et floue, ce n'est qu'un ensemble plus ou moins cohérent d'idées générales. A mon avis il n'y a pas à trop se focaliser dessus, puisqu'on y est déjà naturellement sensible, et puisqu'en apprendre plus sur les sujets connexes ne fait que renforcer la visibilité et l'ampleur des tensions. C'est donc plus dans l'élucidation des tensions que dans la suspension du jugement que réside à mon avis la possibilité d'y voir plus clair. Bien sûr, cela prends du temps!
@Soto: As-tu ce des exemples de recherche actuelle dans le domaine concerné par la quatrième phase? Je crois avoir une idée de ce dont il s'agit, mais Badak semble penser à autre chose.
paela- Messages : 2689
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Welcome paela, plus on est de fous... et moins il y a de riz !... bah non, la preuve
Ceci dit, le programme de recherche autour de l'enaction n'a pas eu une réception institutionnelle très favorable, ce qui peut se comprendre vu le noyau dur "fonctionnaliste" qui le compose et la brèche qu'il tente de créer dans la coupure cartésienne corps/esprit ou pour le dire autrement, dans le point de vue scientifique surplombant, objectiviste, "en 3ième personne".
Concernant la suspension du jugement, j'en parlais en effet plus dans le sens de sa propre compréhension, voir de l'émergence d'idée créatives, une façon de cultiver ses intuitions. Et comme je l'indiquai, il s'agit de la phase d'un processus, donc temporaire, et qui conduit à un dépassement dialectique qui n'est pas une moyenne grise, mais plutôt une subtile asymétrie, un "équilibre légèrement déséquilibré" comme je me le dit à moi-même, voir homéostatique. @ Badak, à ce propos, oui, bien sur le niveau d'abstraction supérieur, mais aussi et en même temps une transformation intérieure corporelle compréhensive. En réflechissant notre propre réflexion, nous nous transformons nous même. La connaissance est onto-logique. D'ailleur, j'ai même donné un terme à ce double mouvement simultané : l'ambijectivité. "the blind spot of cognition science: the inability to access experience, which is the core process of becoming aware" (Varela).
paela a écrit:@Soto: As-tu ce des exemples de recherche actuelle dans le domaine concerné par la quatrième phase?
soto a écrit:Aujourd'hui, la forme la plus institutionnellement aboutit de ce travail a été la création d'une nouvelle approche couplant approche classique et cartésienne en "3ième personne" ("l'oeil de dieu", probablement... Wink), avec des approches disciplinée en "1ère personne" par l'entremise de la phénoménologie et de l'instrumentalisation de pointe en imagerie cérébrale (cf. Matthieu Ricard avec son casque bardé d'électrodes sur la tête). C'est la toute jeune neuro-phénoménologie.
Ceci dit, le programme de recherche autour de l'enaction n'a pas eu une réception institutionnelle très favorable, ce qui peut se comprendre vu le noyau dur "fonctionnaliste" qui le compose et la brèche qu'il tente de créer dans la coupure cartésienne corps/esprit ou pour le dire autrement, dans le point de vue scientifique surplombant, objectiviste, "en 3ième personne".
Concernant la suspension du jugement, j'en parlais en effet plus dans le sens de sa propre compréhension, voir de l'émergence d'idée créatives, une façon de cultiver ses intuitions. Et comme je l'indiquai, il s'agit de la phase d'un processus, donc temporaire, et qui conduit à un dépassement dialectique qui n'est pas une moyenne grise, mais plutôt une subtile asymétrie, un "équilibre légèrement déséquilibré" comme je me le dit à moi-même, voir homéostatique. @ Badak, à ce propos, oui, bien sur le niveau d'abstraction supérieur, mais aussi et en même temps une transformation intérieure corporelle compréhensive. En réflechissant notre propre réflexion, nous nous transformons nous même. La connaissance est onto-logique. D'ailleur, j'ai même donné un terme à ce double mouvement simultané : l'ambijectivité. "the blind spot of cognition science: the inability to access experience, which is the core process of becoming aware" (Varela).
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Eueueh si par enaction on parle effectivement de cognition incarnée (i.e. de embodied cognition)... c'est contrairement à ce que tu dis, totalement ce qui est le mieux admis aujourd'hui. Par exemple. il y a énormément d'études au sujet de l'évolution de systèmes robotiques plongés dans leur environnement. Ce que cela montre est effectivement que l'interaction fait partie du traitement de l'information.soto a écrit:......Ceci dit, le programme de recherche autour de l'enaction n'a pas eu une réception institutionnelle très favorable, ce qui peut se comprendre vu le noyau dur "fonctionnaliste" qui le compose et la brèche qu'il tente de créer dans la coupure cartésienne corps/esprit ou pour le dire autrement, dans le point de vue scientifique surplombant, objectiviste, "en 3ième personne".
Et cela ne s'oppose en rien au computationnalisme, bien sûr. Le flot d'information entrant issu de la perception est seulement dépendant des actions de l'agent (que ce soit un robot, un animal ou un humain), ce qui ferme la boucle de feedback. Ce n'est plus le cerveau seul qui exécute un calcul, car les capteurs et les actuateurs participent activement à l'interaction... ce n'est reste pas moins un traitement de l'information.
Tu n'as pas vraiment expliqué ce que tu entendais par fonctionnalisme dans le contexte, donc avant de répondre dans le vide j'aimerais savoir ce dont tu parles... "Habituellement" (i.e. selon ce que j'en avais lu) le fonctionnalisme s'apparentait au structuralisme et à la théorie des systèmes, mais dans les disciplines sociales. En quoi, le concept d'enaction s'opposerait il à une conception systémique de la cognition ?
Varela semble lui-même baser ses réflexions sur une perspective cybernétique et systémique, non ?
Bref, j'aimerais bien comprendre en quoi tu opposerais le concept d'enaction à celui de cognition incarnée telle que j'en parle. Clairement on ne parle pas de la même chose.
Tu avances que la théorie de l'enaction serait une alternative à la représentation, ainsi qu'une alternative aux explications basés sur des modèles formés de systèmes dynamiques. Est-ce bien cela que tu dis ?
Là où ça devient plus confus, c'est que l'exemple que tu cites: la neurophénoménologie ne s'interesse qu'au problème de la conscience.... Ce problème n'a pas encore de solution scientifique. Il n'existe pas de théorie scientifique de la conscience. Il peut exister des méthodologies scientifiques se basant sur l'objectivation de données phénoménologiques subjectives... Mais cela ne forme pas encore une théorie, ni un modèle.
La représentation forme le paradigme dominant des théories sur la mémoire et l'apprentissage. Mais ces phénomènes (mémoire et apprentissage) ne dépendent aucunement de la conscience...
On peut très bien disposer de théories scientifiques de l'apprentissage sans pour autant en avoir une sur la conscience... Donc je ne focalisais pas sur ta question de neurophénoménologie car ce n'est pas là que tu me "choques"... (rien de négatif à ce que tu me choque, c'est l'essence du débat. )
Avant de prétendre pouvoir expliquer la conscience, il faut commencer par examiner la validité des théories qu'on a sur la mémoire et l'apprentissage, et ce me semblait l'essentiel de ce à quoi tu référais, en prétendant l'existence d' explications alternatives non-systémiques. C'est donc à cela que j'essayais de répondre.
Au sujet de l'absence de contradiction entre cognition incarnée et computationnalisme, regarde un peu ce qu'en dit l'encyclopédie de philo de Stanford que j'étais trop content de trouver... : Computational Mind_Embodied Cognition.
- Spoiler:
Je vois que tu semblerais te référer à ce qui est discuté dans le premier paragraphe, tandis que ma réponse correspond bien à ce que le dernier paragraphe résume de ce que d'autres philosophes répondent à cela. Voilà j'aime bien quand une encyclopédie dit comme moi ( pfouahaha ).plato.stanford.edu a écrit:Embodied cognition is a research program that draws inspiration from the continental philosopher Maurice Merleau-Ponty, the perceptual psychologist J.J. Gibson, and other assorted influences. It is a fairly heterogeneous movement, but the basic strategy is to emphasize links between cognition, bodily action, and the surrounding environment. See Varela, Thompson, and Rosch (1991) for an influential early statement. In many cases, proponents deploy tools of dynamical systems theory. Proponents typically present their approach as a radical alternative to computationalism (Chemero 2009; Kelso 1995; Thelen and Smith 1994). CTM (Computational Theory of Mind), they complain, treats mental activity as static symbol manipulation detached from the embedding environment. It neglects myriad complex ways that the environment causally or constitutively shapes mental activity. We should replace CTM with a new picture that emphasizes continuous links between mind, body, and environment. Agent-environment dynamics, not internal mental computation, holds the key to understanding cognition. Often, a broadly eliminativist attitude towards intentionality propels this critique.
Computationalists respond that CTM allows due recognition of cognition’s embodiment. Computational models can take into account how mind, body, and environment continuously interact. After all, computational models can incorporate sensory inputs and motor outputs. There is no obvious reason why an emphasis upon agent-environment dynamics precludes a dual emphasis upon internal mental computation (Clark 2014: 140–165; Rupert 2009). Computationalists maintain that CTM can incorporate any legitimate insights offered by the embodied cognition movement. They also insist that CTM remains our best overall framework for explaining numerous core psychological phenomena.
soto a écrit:........ @ Badak, à ce propos, oui, bien sur le niveau d'abstraction supérieur, mais aussi et en même temps une transformation intérieure corporelle compréhensive. En réflechissant notre propre réflexion, nous nous transformons nous même. La connaissance est onto-logique. D'ailleur, j'ai même donné un terme à ce double mouvement simultané : l'ambijectivité. "the blind spot of cognition science: the inability to access experience, which is the core process of becoming aware" (Varela).
C'est une réflexion stimulante.. la connaissance ne serait ici ontologique que dans la mesure où elle supporte la représentation du monde que l'agent se construit... C'est en effet en ce sens que le mot ontologie est utilisé en informatique (et en robotique).
Ce n'est donc pas la connaissance en tant que telle qui importe ici, car la notion de vérité n'importe pas. Seule la relation interne à l'agent importe. Cette relation entre connaissance et ontologie n'est pas spécifique à la connaissance. Toute expérience nous transforme.
Concernant la neuro-phénoménologie, je vais lire là-dessus avant d'en parler, parce que ça me fait un peu surchauffer (ce que j'aime bien en fait).. Et cela aportera sûrement quelques nuances supplémentaires dans mon discours
Avant cela, il me semble que les travaux de Stanislas Dehaene semblent assez proche des questions dont on parle ici. Il explique bien comment on peut maintenant expérimentalement étudier la conscience en soumettant des sujets à des tests de perceptions tout en enregistrant leurs signaux cérébraux. Dehaene dit bien que l'expérience subjective vécue par les sujets n'intervient dans ces études que comme données brutes permettant à une science objective de se pencher sur les aspects les plus simples de la conscience subjective en les corrélant à des signatures neurophysiologiques. Jamais la phénoménologie n'interviendrait pour Dehaene en tant que méthode de connaissance, et c'est dans ce sens que ces études restent scientifiques. Déjà utiliser des données obtenues subjectivement est assez osé, et finalement nécessaire.
Je rappelle que je ne suis pas contre la phénoménologie en tant que tel, mais seulement que ce se ne forme pas des méthodes de connaissances scientifiques.
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Finalement je reviens après avoir lu un peu sur ce qu'est la neurophénoménologie
Tout d'abord, il faut faire remarquer que la neurophysiologie est effectivement une démarche scientifique et non pas simplement une application de la phénoménologie philosophique aux phénomènes neuropsychologiques. Donc il faut faire attention car le terme suggère autre chose que ce qu'il signifie.
On constate qu'il s'agit d'une méthodologie similaire sinon identique à celle utilisée par Stanislas Dehaene. Les expériences subjectives ( à la 1ere personne) sont compilées et corrélées avec des signatures neurophysiologiques. C'est dire que cette methodologie objective finalement des données d'origine subjective.. Ce n'est plus une méthodologie purement phénoménologique dans laquelle le mode de compréhension serait uniquement à la 1ere personne...
Plus précisément, je vois le site http://www.neurophenomenology.com/ .
C'est vraiment terriblement interessant.. je n'ose pas essayé de résumer...
Je vais seulement dire que finalement la neurophénoménologie ne s'oppose nullement à des explications computationnelles de type connexioniste...
Ils réclament même l'utilisation des systèmes dynamiques et des réseaux de neurones comme partie intégrante de leur programme de recherche...
Bref, Ce n'est en aucun cas une alternative aux modèles computationnels ou systémiques....c'est en juste une étape d'intégration encore plus poussée.
l'image s'intitule "Neurophenomenology"
Bref, un gros merci à Soto qui m'a fait découvrir cela.
Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est s'il serait éventuellement possible d'élaborer une méthodologie permettant de dire dans quelle mesure un être vivant non-humain est conscient.... par exemple nos neurones sont-ils conscients, et si oui que sommes nous pour eux ?
Tout d'abord, il faut faire remarquer que la neurophysiologie est effectivement une démarche scientifique et non pas simplement une application de la phénoménologie philosophique aux phénomènes neuropsychologiques. Donc il faut faire attention car le terme suggère autre chose que ce qu'il signifie.
- La neurophénoménologie n'est pas une phénoménologie philosophique:
https://plato.stanford.edu/entries/phenomenology/philo stanford.edu a écrit:In the experimental paradigm of cognitive neuroscience, we design empirical experiments that tend to confirm or refute aspects of experience (say, where a brain scan shows electrochemical activity in a specific region of the brain thought to subserve a type of vision or emotion or motor control). This style of “neurophenomenology” assumes that conscious experience is grounded in neural activity in embodied action in appropriate surroundings—mixing pure phenomenology with biological and physical science in a way that was not wholly congenial to traditional phenomenologists.
On constate qu'il s'agit d'une méthodologie similaire sinon identique à celle utilisée par Stanislas Dehaene. Les expériences subjectives ( à la 1ere personne) sont compilées et corrélées avec des signatures neurophysiologiques. C'est dire que cette methodologie objective finalement des données d'origine subjective.. Ce n'est plus une méthodologie purement phénoménologique dans laquelle le mode de compréhension serait uniquement à la 1ere personne...
Plus précisément, je vois le site http://www.neurophenomenology.com/ .
C'est vraiment terriblement interessant.. je n'ose pas essayé de résumer...
Je vais seulement dire que finalement la neurophénoménologie ne s'oppose nullement à des explications computationnelles de type connexioniste...
Ils réclament même l'utilisation des systèmes dynamiques et des réseaux de neurones comme partie intégrante de leur programme de recherche...
Bref, Ce n'est en aucun cas une alternative aux modèles computationnels ou systémiques....c'est en juste une étape d'intégration encore plus poussée.
l'image s'intitule "Neurophenomenology"
Bref, un gros merci à Soto qui m'a fait découvrir cela.
Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est s'il serait éventuellement possible d'élaborer une méthodologie permettant de dire dans quelle mesure un être vivant non-humain est conscient.... par exemple nos neurones sont-ils conscients, et si oui que sommes nous pour eux ?
Dernière édition par Badak le Mer 25 Jan 2017 - 7:00, édité 2 fois
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
PS : J'étais en train d'écrire çà, et je viens de voir que tu as encore posté...(donc lit le comme étant au dessus du tiens...
@ Badak : Holà monsieur le cornac !! cela va beaucoup trop vite pour moi et çà part dans tous les sens, impossible d'échanger constructivement dans ces conditions, non ?! Du coup les malentendus et les thématiques super-excitantes (ex: la biosémiotique) s'accumulent, et je trouve çà vraiment dommage et frustrant, vu la qualité de tes réflexions. Je te propose de ralentir un peu le rythme et de prendre en compte mon âge avancé Si tu le veux bien, et en bons modélisateurs, procédons itérativement et, pour l'instant, limitons l'hyper-parallélisme.
Moi j'en suis resté à Naturel/Artificiel -> d'accord avec toi : je n'ai pas non plus envie d'un éternel débat sur le sujet, bien qu'il soit loin d'être stérile à mon avis quand il est pensé intelligemment, c'est à dire sur une forme meta-dualiste et non-réductionniste.
@ Badak : Holà monsieur le cornac !! cela va beaucoup trop vite pour moi et çà part dans tous les sens, impossible d'échanger constructivement dans ces conditions, non ?! Du coup les malentendus et les thématiques super-excitantes (ex: la biosémiotique) s'accumulent, et je trouve çà vraiment dommage et frustrant, vu la qualité de tes réflexions. Je te propose de ralentir un peu le rythme et de prendre en compte mon âge avancé Si tu le veux bien, et en bons modélisateurs, procédons itérativement et, pour l'instant, limitons l'hyper-parallélisme.
Moi j'en suis resté à Naturel/Artificiel -> d'accord avec toi : je n'ai pas non plus envie d'un éternel débat sur le sujet, bien qu'il soit loin d'être stérile à mon avis quand il est pensé intelligemment, c'est à dire sur une forme meta-dualiste et non-réductionniste.
- Ex:
- "La vie et l'artifice : visages de l'émergence", Isabelle Stengers (t6, Cosmopolitiques), une réflexion épistémologique sur le thème de l'auto-organisation et de l'émergence. Stengers a jouée un rôle important de passeur en écrivant avec Ilia Prigogyne un livre célèbre ("La nouvelle alliance") concernant les structures dissipatives, un travail permettant de relier la thermodynamique à la théorie générale des systèmes, et pour lequel Prigogine a eu un prix nobel, . Mais je digresse. Back to sheeps.
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
What ??Badak a écrit:Finalement je reviens après avoir lu un peu sur ce qu'est la neurophysiologie.
Non, pas tout à fait, oui, en partie, ...Badak a écrit:Eueueh si par enaction on parle effectivement de cognition incarnée (i.e. de embodied cognition)...
On part en sucette !!...
Je ré-initialise : post 1
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Digressons alors...soto a écrit:PS : J'étais en train d'écrire çà, et je viens de voir que tu as encore posté...(donc lit le comme étant au dessus du tiens...
....
Moi j'en suis resté à Naturel/Artificiel -> d'accord avec toi : je n'ai pas non plus envie d'un éternel débat sur le sujet, bien qu'il soit loin d'être stérile à mon avis quand il est pensé intelligemment, c'est à dire sur une forme meta-dualiste et non-réductionniste.
- Ex:
"La vie et l'artifice : visages de l'émergence", Isabelle Stengers (t6, Cosmopolitiques), une réflexion épistémologique sur le thème de l'auto-organisation et de l'émergence. Stengers a jouée un rôle important de passeur en écrivant avec Ilia Prigogyne un livre célèbre ("La nouvelle alliance") concernant les structures dissipatives, un travail permettant de relier la thermodynamique à la théorie générale des systèmes, et pour lequel Prigogine a eu un prix nobel, . Mais je digresse. Back to sheeps.
t'inquiète je dois retourner travailler, .. prend tout ton temps pour me répondre...De toutes façons je radote pas mal moi même... C'est surtout qu'on doit tous les deux récapituler des années de débats sans pour autant en connaître souvent tous les aboutissements... Alors on découvre parfois que nos opinions peuvent finalement se dépasser elles-mêmes. (Je suis pas clair mais tant pis)
Pour ce qui est de l'emergence méta-dualiste et non réductionniste, on pense pareil... Maintenant, il y a beaucoup a questionner sur ce que signifie l'emergence... et il y en a une panoplie.. En fait il y a un risque que ce discours soit souvent vide de sens, vue l'ambiguité des concepts, et qu'on ne l'utilise que pour bien paraitre.
En biologie des systèmes par exemple, on parle de modèle non -réductionniste, mais en même la réduction est obligatoire en science. Il faut résumer les données, les organiser suivant des schémas etc de manière à les utiliser pour construire des modèles.... Le problème consiste à viser le bon niveau de réduction. Faire trop simple ne permet pas de capturer les phénomènes complexes, et trop compliqué, on noit le poisson en mettant trop de détails inutiles. Le discours anti-réductionniste pose surtout la nécessité prendre en compte la dynamique global d'un système qui est, du point de vue de son comportement, davantage que la somme de ses parties. La dynamique ne se réduit pas aux propriétés ultimes des éléments... Par contre, on se retrouve tout de même à réduire la dynamique à l'ensemble des interactions.
Au sujet du débat sur la place de la "fonction" en biologie et sa relation à la structure, remarque aussi que le réseau de neurone forme une structure tandis que la dynamique en exprime la fonction...
On comprendra sûrement qu'on a certainement utilisé plusieurs mots dans des sens différents, malgré nos tentatives de clarification..
Je connais plutôt bien les travaux de Prigogine en physique statisque hors-équilibre. La thermodynamique des systèmes vivants me passionne en effet. Mais je n'ai feuilleté "la nouvelle alliance" qu'en diagonal,....et j'en ai surtout lu beaucoup de mal. Je suis un peu las en fait de ce type de vulgarisation qui mélange sans le dire la philosophie personnelle de l'auteur avec les savoirs scientifiques... Certains physiciens comme Jean Bricmont ont d'ailleurs relevé toute une liste d'opinions personnelles de Prigogine qui dans ce livre passent pour de la science. (je ne retrouve pas la référence par contre dsl)
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
lapsus... je voulais écrire neurophénoménologie comme je l'indique par la suite. Évidemment si j'écris autre chose que ce que je pense, ça n'aide pas...soto a écrit:What ??Badak a écrit:Finalement je reviens après avoir lu un peu sur ce qu'est la neurophysiologie.
Bah non ne réinitialise pas... On n'a pas tout écrit pour rien.... Mais je comprends si tu veux réécrire le premier "post" pour clarifier ton propos.
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Je me suis moi aussi rensigné sur la neurophénoménologie et je confirme que c'est quelque chose que je connais un peu. J'y ai été introduit par Sam Harris qui travaille dans ce domaine et qui est aussi un auteur et une sorte de "commentateur" sur des sujets divers.
Ce que je comprends des motivations de gens comme Sam Harris et probablement Matthieu Ricoeur (ils ont en commun un intérêt pour la méditation et une conviction que son étude et sa pratique sont des outils pour "étudier la conscience"), c'est qu'ils pensent que la conscience est un phénomène peut-être purement subjectif qui ne se réduit pas au comportement ou au fonctionnement des êtres jugés conscients; du moins pas d'une manière qui a été cernée à ce jour.
Certains chercheurs qui tentent de trouver un moyen de modéliser la conscience, ont l'idée que c'est un phénomène comme un autre: produit par une structure comme la mémoire et la douleur semblent l'être, réductible à un comportement ou à un processus de traitement d'information.
Cette idée admet au moins trois justifications accessibles au profane:
-beaucoup de phénomènes qui furent attribués à des substances ont été réduits à structures matérielles qui ne diffèrent fondamentalement en rien d'autre qu'en leur ordre interne ----> pourquoi pas la conscience?
-la conscience semble liée au corps et semble en émaner; des altérations du cerveau altèrent la conscience (en tant qu'expérience subjective), plus ou moins dramatiquement (je ne pense pas à la mort, parce que qu'en sait-on?, mais au phénomène fascinant de "split brain" étudié par Roger Wolcott Sperry). De plus, certains êtres semblent être conscients: les êtres humains qui le disent, certains animaux qui se comportent comme si (ce qui revient au même pour les humains), d'autres non, ou s'ils le sont on a du mal à voir par quoi leur conscience serait délimitée: les cailloux. D'où le fait que la conscience nécessite de toute façon une certaine contrepartie matérielle pour émerger ou apparaître. ----> si elle s'y réduit, pourquoi n'émergerait-elle pas de la complexité du traitement d'information effectué par certains êtres?
-Que la conscience ait une substance est nécessaire au libre arbitre, mais celui-ci est remis en question tant d'un point de vue mécanique (déterminisme ou "déterminisme probabiliste") que psychologique (latence entre une supposée prise de décision et prise de conscience de la prise de décision) -----> la conscience doit-elle vraiment être irréductible?
Ces justifications ne sont pas convaincantes pour une personne qui fait une différence - sans pouvoir la pointer précisément du doigt - entre le phénomène subjectif de la conscience et la description du fonctionnement de structures biologiques ou informatiques. Une telle personne voit la conscience comme la condition, voire l'essence de l'expérience. Le philosophe Thomas Nagel, dans son essai What is it like to be a bat?, définit la conscience d'un être conscient comme "ce que c'est d'être cet être" (à distinguer de son essence). On parle du problème de la conscience (qu'est-ce que la conscience?), et de sa difficulté. Certains pensent que c'est un problème complexe mais pas intouchable, certains pensent qu'il est par nature terriblement difficile à approcher. Le problème, ou plutôt sa difficulté, a été posé par David Chalmers. Un bouquin que je n'ai pas lu rassemblant des articles sur le sujet a été écrit il y a une vingtaine d'années: Explaining Consciousness: The Hard Problem. (J'hésite encore à l'acheter parce que je ne suis pas sûr que ça vaille le coup.)
En gros, si on a un robot équipé de capteurs et actuateurs simulant la vue, voire un robot capable d'apprendre un langage est de le parler, il ne suffirait pas de le voir se comporter comme nous, se déplaçant dans l'espace et réagissant aux détails qu'il aperçoit, ou nous répétant qu'il est conscient au même titre que nous, pour qu'une telle personne soit convaincue que le robot fait l'expérience de la vision. Cette personne considère qu'il y a une marge importante de difficulté entre l'explication des phénomènes objectifs responsables de la vision, et le phénomène subjectif de la vision. Cet avis n'est d'ailleurs basé que sur l'expérience subjective de la conscience. Qu'est-ce qui convaincrait une telle personne? Les avis sont divers, mais comme toujours en science, lorsqu'un concept hérité du sens commun est mis en défaut, on a tendance à l'abandonner, ou lui donner moins de crédit, au profit d'un concept scientifique qui lui rend compte de phénomènes non intuitifs. Cela pourrait se passer pour la conscience, mais seulement si on est d'accord que le concept correspond au phénomène subjectif, d'où justement la neurophénoménologie.
On pourrait juger que le problème de la conscience, même s'il n'est pas difficile, n'est pas important. Mais il peut l'être énormément selon la conception que l'on a de la conscience. Mettons que l'on voie la conscience comme la condition de l'expérience qui échappe aux descriptions physicalistes, sorte de lumière qui éclaire l'instant depuis l'intérieur et s'efface devant toute autre observation. On peut alors s'inquiéter de ne pas savoir comment la générer, si dans le futur on s'habitue à côtoyer des intelligences artificielles qui passent le test de Turing haut la main mais à qui il est peut-être complètement inutile de chercher à faire plaisir par exemple, parce que le plaisir en question est éteint et la valeur qu'on lui donne est illusoire. Je ne tiens pas particulièrement à partir dans ce genre de spéculations après!
Sam Harris envisage deux possibilités:
-On finit par trouver une structure qui rende compte de l'expérience subjective de la conscience
-On n'en trouve pas, mais on trouve un moyen d'étudier et de décrire le phénomène subjectif de la conscience. La conscience demeure un phénomène purement subjectif, que l'on peut décrire sans pour autant qu'elle puisse devenir un objet scientifique à part entière.
A noter qu'il est possible que la première éventualité se réalise, mais que certaines personnes du côté du problème difficile de la conscience en disconviennent. C'est d'ailleurs un peu le cas aujourd'hui, mais c'est probablement parce que même si la question n'est pas nouvelle, son investigation sérieuse par la science l'est et n'a pas encore permis de rapprochement entre les deux vues permettant d'obtenir un consensus.
Il n'est pas non plus nécessaire de penser que la conscience ne se réduit pas à un processus de traitement d'information pour s'intéresser à la neurophénoménologie. Comme le dit Badak, neurophénoménologie et computationnalisme sont peut-être complémentaires et ne sont certainement pas en contradiction.
@Soto: Je vais essayer de lire "La Vie et l'Artifice: visages de l'émergence." et je te dirai ce que j'en pense.
Ce que je comprends des motivations de gens comme Sam Harris et probablement Matthieu Ricoeur (ils ont en commun un intérêt pour la méditation et une conviction que son étude et sa pratique sont des outils pour "étudier la conscience"), c'est qu'ils pensent que la conscience est un phénomène peut-être purement subjectif qui ne se réduit pas au comportement ou au fonctionnement des êtres jugés conscients; du moins pas d'une manière qui a été cernée à ce jour.
Certains chercheurs qui tentent de trouver un moyen de modéliser la conscience, ont l'idée que c'est un phénomène comme un autre: produit par une structure comme la mémoire et la douleur semblent l'être, réductible à un comportement ou à un processus de traitement d'information.
Cette idée admet au moins trois justifications accessibles au profane:
-beaucoup de phénomènes qui furent attribués à des substances ont été réduits à structures matérielles qui ne diffèrent fondamentalement en rien d'autre qu'en leur ordre interne ----> pourquoi pas la conscience?
-la conscience semble liée au corps et semble en émaner; des altérations du cerveau altèrent la conscience (en tant qu'expérience subjective), plus ou moins dramatiquement (je ne pense pas à la mort, parce que qu'en sait-on?, mais au phénomène fascinant de "split brain" étudié par Roger Wolcott Sperry). De plus, certains êtres semblent être conscients: les êtres humains qui le disent, certains animaux qui se comportent comme si (ce qui revient au même pour les humains), d'autres non, ou s'ils le sont on a du mal à voir par quoi leur conscience serait délimitée: les cailloux. D'où le fait que la conscience nécessite de toute façon une certaine contrepartie matérielle pour émerger ou apparaître. ----> si elle s'y réduit, pourquoi n'émergerait-elle pas de la complexité du traitement d'information effectué par certains êtres?
-Que la conscience ait une substance est nécessaire au libre arbitre, mais celui-ci est remis en question tant d'un point de vue mécanique (déterminisme ou "déterminisme probabiliste") que psychologique (latence entre une supposée prise de décision et prise de conscience de la prise de décision) -----> la conscience doit-elle vraiment être irréductible?
Ces justifications ne sont pas convaincantes pour une personne qui fait une différence - sans pouvoir la pointer précisément du doigt - entre le phénomène subjectif de la conscience et la description du fonctionnement de structures biologiques ou informatiques. Une telle personne voit la conscience comme la condition, voire l'essence de l'expérience. Le philosophe Thomas Nagel, dans son essai What is it like to be a bat?, définit la conscience d'un être conscient comme "ce que c'est d'être cet être" (à distinguer de son essence). On parle du problème de la conscience (qu'est-ce que la conscience?), et de sa difficulté. Certains pensent que c'est un problème complexe mais pas intouchable, certains pensent qu'il est par nature terriblement difficile à approcher. Le problème, ou plutôt sa difficulté, a été posé par David Chalmers. Un bouquin que je n'ai pas lu rassemblant des articles sur le sujet a été écrit il y a une vingtaine d'années: Explaining Consciousness: The Hard Problem. (J'hésite encore à l'acheter parce que je ne suis pas sûr que ça vaille le coup.)
En gros, si on a un robot équipé de capteurs et actuateurs simulant la vue, voire un robot capable d'apprendre un langage est de le parler, il ne suffirait pas de le voir se comporter comme nous, se déplaçant dans l'espace et réagissant aux détails qu'il aperçoit, ou nous répétant qu'il est conscient au même titre que nous, pour qu'une telle personne soit convaincue que le robot fait l'expérience de la vision. Cette personne considère qu'il y a une marge importante de difficulté entre l'explication des phénomènes objectifs responsables de la vision, et le phénomène subjectif de la vision. Cet avis n'est d'ailleurs basé que sur l'expérience subjective de la conscience. Qu'est-ce qui convaincrait une telle personne? Les avis sont divers, mais comme toujours en science, lorsqu'un concept hérité du sens commun est mis en défaut, on a tendance à l'abandonner, ou lui donner moins de crédit, au profit d'un concept scientifique qui lui rend compte de phénomènes non intuitifs. Cela pourrait se passer pour la conscience, mais seulement si on est d'accord que le concept correspond au phénomène subjectif, d'où justement la neurophénoménologie.
On pourrait juger que le problème de la conscience, même s'il n'est pas difficile, n'est pas important. Mais il peut l'être énormément selon la conception que l'on a de la conscience. Mettons que l'on voie la conscience comme la condition de l'expérience qui échappe aux descriptions physicalistes, sorte de lumière qui éclaire l'instant depuis l'intérieur et s'efface devant toute autre observation. On peut alors s'inquiéter de ne pas savoir comment la générer, si dans le futur on s'habitue à côtoyer des intelligences artificielles qui passent le test de Turing haut la main mais à qui il est peut-être complètement inutile de chercher à faire plaisir par exemple, parce que le plaisir en question est éteint et la valeur qu'on lui donne est illusoire. Je ne tiens pas particulièrement à partir dans ce genre de spéculations après!
Sam Harris envisage deux possibilités:
-On finit par trouver une structure qui rende compte de l'expérience subjective de la conscience
-On n'en trouve pas, mais on trouve un moyen d'étudier et de décrire le phénomène subjectif de la conscience. La conscience demeure un phénomène purement subjectif, que l'on peut décrire sans pour autant qu'elle puisse devenir un objet scientifique à part entière.
A noter qu'il est possible que la première éventualité se réalise, mais que certaines personnes du côté du problème difficile de la conscience en disconviennent. C'est d'ailleurs un peu le cas aujourd'hui, mais c'est probablement parce que même si la question n'est pas nouvelle, son investigation sérieuse par la science l'est et n'a pas encore permis de rapprochement entre les deux vues permettant d'obtenir un consensus.
Il n'est pas non plus nécessaire de penser que la conscience ne se réduit pas à un processus de traitement d'information pour s'intéresser à la neurophénoménologie. Comme le dit Badak, neurophénoménologie et computationnalisme sont peut-être complémentaires et ne sont certainement pas en contradiction.
@Soto: Je vais essayer de lire "La Vie et l'Artifice: visages de l'émergence." et je te dirai ce que j'en pense.
paela- Messages : 2689
Date d'inscription : 30/05/2011
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Si je peux me permettre : tout ce que vous dites est vraiment très intéressant et pertinent et constitue une excellente introduction à la diversité théorique du sujet, et à nos présentations respectives, que nous avons à peine effleuré.
Mais ce qui m'intéresse moi en premier lieu, avant de parler de la neurophénoménologie ou d'autres sujets, c'est le comparatif épistémologique entre les 3 paradigmes computationnalisme / connexionnisme / enaction et leurs inter-relations complexes. Et j'ai pour cela une bonne raison : chaque paradigme correspond à un mode d'interprétation (herméneutique) et d'expression des problématiques et fonctionne comme une grille attentionnelle. Je rappel que le titre du fil est "Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives" et que ces 3 paradigmes constituent, à mon avis, d'excellents repères pour "lire" les positionnements souvent implicites des acteurs et aussi (et c'est ce qui m'intéresse personnellement le plus, mais c'est pour l'instant une autre histoire) notre propre fonctionnement.
Ce qui serait génial, mais çà n'engage que moi et c'est bien sur purement suggestif, serait que nous ayons tous lus ce petit livre.
Il est suffisamment dense pour que nous puissions rebondir sur quasiment tous les aspects des sciences cognitives. Il est en poche, donc pas cher. Et il nous permettrais de discuter de point précis avec une référence commune, en évitant la noyade. Mieux, des futurs lecteurs du fil pourraient bien plus facilement profiter de nos échanges, et peut-être s'y greffer, grâce à cette communauté contextuelle.
Qu'en dites-vous ?
Mais ce qui m'intéresse moi en premier lieu, avant de parler de la neurophénoménologie ou d'autres sujets, c'est le comparatif épistémologique entre les 3 paradigmes computationnalisme / connexionnisme / enaction et leurs inter-relations complexes. Et j'ai pour cela une bonne raison : chaque paradigme correspond à un mode d'interprétation (herméneutique) et d'expression des problématiques et fonctionne comme une grille attentionnelle. Je rappel que le titre du fil est "Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives" et que ces 3 paradigmes constituent, à mon avis, d'excellents repères pour "lire" les positionnements souvent implicites des acteurs et aussi (et c'est ce qui m'intéresse personnellement le plus, mais c'est pour l'instant une autre histoire) notre propre fonctionnement.
Ce qui serait génial, mais çà n'engage que moi et c'est bien sur purement suggestif, serait que nous ayons tous lus ce petit livre.
Il est suffisamment dense pour que nous puissions rebondir sur quasiment tous les aspects des sciences cognitives. Il est en poche, donc pas cher. Et il nous permettrais de discuter de point précis avec une référence commune, en évitant la noyade. Mieux, des futurs lecteurs du fil pourraient bien plus facilement profiter de nos échanges, et peut-être s'y greffer, grâce à cette communauté contextuelle.
Qu'en dites-vous ?
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
J'apprécie beaucoup que tu essaies de faire en sorte qu'on organise un peu notre manière de discuter (on meta-discute d'abord des modalités de la discussion hahaha)soto a écrit:Si je peux me permettre : tout ce que vous dites est vraiment très intéressant et pertinent et constitue une excellente introduction à la diversité théorique du sujet, et à nos présentations respectives, que nous avons à peine effleuré.
Mais ce qui m'intéresse moi en premier lieu, avant de parler de la neurophénoménologie ou d'autres sujets, c'est le comparatif épistémologique entre les 3 paradigmes computationnalisme / connexionnisme / enaction et leurs inter-relations complexes. Et j'ai pour cela une bonne raison : chaque paradigme correspond à un mode d'interprétation (herméneutique) et d'expression des problématiques et fonctionne comme une grille attentionnelle. Je rappel que le titre du fil est "Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives" et que ces 3 paradigmes constituent, à mon avis, d'excellents repères pour "lire" les positionnements souvent implicites des acteurs et aussi (et c'est ce qui m'intéresse personnellement le plus, mais c'est pour l'instant une autre histoire) notre propre fonctionnement.
Ce qui serait génial, mais çà n'engage que moi et c'est bien sur purement suggestif, serait que nous ayons tous lus ce petit livre.
Il est suffisamment dense pour que nous puissions rebondir sur quasiment tous les aspects des sciences cognitives. Il est en poche, donc pas cher. Et il nous permettrais de discuter de point précis avec une référence commune, en évitant la noyade. Mieux, des futurs lecteurs du fil pourraient bien plus facilement profiter de nos échanges, et peut-être s'y greffer, grâce à cette communauté contextuelle.
Qu'en dites-vous ?
Donc, je suis d'accord avec toi qu'il faut commencer par se repérer par rapport aux relations entre les différentes approches proposées et leurs significations. Mais il faut aussi se rendre compte que le sens de ces mots (computationalisme, connexionisme, enaction) est polysémique. Je n'ai peu de doûte que si on prend les termes exactement dans le sens où le Varela de 1989 les prenait, ainsi que le contexte de pensée de l'époque, qu'on en arrive à être totalement d'accord avec lui.
Par contre, ce dont on parle de nos jours en termes de computationnalisme et de connexionisme, j'ai vraiment l'impression que c'est plus large et général que le point de vue spécifique du Varela d'autrefois.
La recherche (et toutes ces réflexions) ont avancés depuis, et en se basant sur des auteurs anciens comme Varela, des auteurs plus récents peuvent montrer que les différentes notions qu'on pouvait tenir comme opposées selon un point de vue très spécifique sont finalement imbriquées de manières plus complexes..
Donc on n'est plus seulement dans l'étude de la cognition ici, on est dans la recherche de comment on peut chercher à s'orienter d'une manière plus globale dans la conceptualisation de cette cognition.
C'est ce point de vue global surplombant les idées spécifiques qui m'interesse davantage. On peut commencer par lire l'article de l'encyclopédie de philo de stanford sur la "computational theory of mind" pour planter le décors plus général, et en particulier la dernière section qui traite très brièvement du rapport avec l'idée d'enaction et de cognition incarnée (en citant notamment Varela):
https://plato.stanford.edu/entries/computational-mind
J'ai aussi compris en lisant l'article que le sens de fonctionnalisme et celui de représentation ne correspondait pas au sens dans lesquels je les prenais.
(je peux m'être "attaqué" à des épouvantails en enfonçant des portes ouvertes ).
Je suis aussi d'accord qu'on doive essayer de comprendre aussi les points de vue spécifiques, afin de les intégrer dans le général, donc finalement plutôt que le livre dont tu parles, je lis un article plus récent (2004) résumant la pensée de Varela sur le sujet, et liant les concepts d'autopoiesis, d'enaction et de neurophénoménologie... en 18 p. :
Il y a aussi que je ne suis plutôt en train de lire Stanislas Dehaene en ce moment ( Consciousness in the brain ), et que je ne vais pas lire le livre de Varela ce mois-ci, et je pense que l'article résumant et mettant sa pensée en perspective est suffisante pour l'instant. Dis moi si tu penses qu'il faut le complèter et par quoi
Life and mind: From autopoiesis to neurophenomenology. A tribute to Francisco Varela (Et ne vous inquietez pas si des phrases en russe apparaissent pour vous connecter à l'article )
Dernière édition par Badak le Mer 25 Jan 2017 - 21:57, édité 3 fois
Badak- Messages : 1230
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Localisation : Montréal
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@Soto: Je suis aussi partant pour mieux structurer, quitte à ce que ça ralentisse un peu les échanges, et pour lire le livre. On pourrait même monter un petit groupe de lecture.
paela- Messages : 2689
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Localisation : Bordeaux
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Merci pour ce fil dense et interessant ! Hélas, ce soir mon neurone fait grève mais promis dès que je l'ai viré et remplacé , je lis tout cela avec bonheur et vous reviens avec quelques petites questions...
Invité- Invité
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
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Dernière édition par Roger le Dim 17 Déc 2017 - 1:50, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Ce serait bien une belle preuve que l'intelligence artificielle fonctionne... (ou pas ? ) . Là où en effet il y a des idées très postmodernes, c'est lorsque on prétend que l'être conscient construit sa propre réalité... et ne fait pas que ce la représenter ... Si on prend ces mots au premier degré, on risque de sombrer dans une ontologie purement constructiviste où la réalité objective externe n'existerait plus.... ce qui mênerait directement au sollipsisme, au relativisme pur, etcRoger a écrit:Ce fil semble avoir été écrit par un générateur postmoderniste.
Je pense plutôt qu'il faut comprendre ces mots en rapport uniquement avec la réalité phénoménologique de l'être, sans que cela ne nie l'objectivité ontologique du monde externe. Ce monde externe ne peut être connu qu'en construisant du même coup notre réalité intime (interne). C'est juste que parlant de cognition et de notre monde intérieur en particulier, la réalité externe et son épistémologie n'est pas la question (ce n'est pas vraiment de la physique...), et les auteurs prennent des "raccourcis" dans les mots qu'ils utilisent, en supposant que nous ne sachions le contexte...
( Personnellement je suis vraiment opposé au courant postmoderne...donc voilà ! ).
Badak- Messages : 1230
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Localisation : Montréal
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
çà me réjouit de lire vos réponses, car j'avoue que j'avais un peu la crainte que ce fil parte en live.
Bienvenue aux "nouveaux" : on va manifestement ralentir un peu le rythme, après cette phase de jubilation initiale, et essayer de poser un peu plus les choses pour que tout le monde puisse en profiter et participer, dans l'idéal.
@Roger > Pour faire suite à ta remarque laconique et appuyer la fin de la réponse de Badak, en risquant d'être à coté (tu ne nous donnes pas beaucoup de grain à moudre) : je peux comprendre, de nombreux penseurs des années 60-70 (à peu près) ont été influencés par le mouvement séminal de la cybernétique (Macy conferences) et ont ensuite tenté d'en importer certaines notions (et je dit bien "notion", pas "concept"), parfois maladroitement à mon avis, dans les sciences humaines. C'est ainsi que les idées voyages et pollinisent la culture. Le problème, c'est que ces concepts ont été forgés dans un contexte disciplinaire précis, et que certains de ces auteurs l'ont fait un peu rapidement, de façon trop analogique, sans trop maîtriser la subtilité sémantique de leur origine.
Un exemple résonnant : le concept d'"autopoièse" de Varela. Sont usage opérationnel, comme outil de pensée, est normalement réservé, comme son créateur l'a clairement précisé, au champ disciplinaire de la biologie. Pourtant, certains se sont arrogés le droit de l'utiliser dans d'autres contextes, notamment sociaux.
Personnellement, c'est une question d'éthique, je réprouve ce genre de pratiques à moins qu'elles ne s'expliquent de façon détaillées sur la légitimité d'un tel transfert et si possible avec l'auteur même qui est souvent le seul à en maîtriser la profondeur. Or, peut être pour des raisons d'impact de communication ou de peur de perte de légitimité, ce n'est que rarement le cas.
De plus, les idées nouvelles puissantes (mais je devrais dire les humains remarquables qui génèrent ces idées), comme celles issues de cette période de fin de guerre (Ex : Turing > Informatique > Internet, Macy conferences > mouvements cybernétique > Intelligence artificielle et robotique, etc), sont souvent à leur origine très subtiles et complexe et les nécessités historiques tendent à les simplifier, à les désamorcer, à n'en sélectionner qu'une interprétation compatible avec l'époque. Voilà ce que çà m'évoque...
@paela > Cool, on est pas pressés. Tentons, à notre mesure, de faire du qualitatif. A quoi tu penses par "groupe de lecture" ? C'est ce queje nous tentons sur ce fil et je ne veux pas scinder ce fil en 2. Mais peut-être que c'est ce que tu entendais... ?!
Sure ! Autant être cohérent. Et j'avoue que c'est en partie grâce à toi !
"If everybody would agree that their current reality is a reality, and that what we essentially share is our capacity for constructing a reality, then perhaps we could agree on a meta-agreement for computing a reality that would mean survival and dignity for everybody on the planet..." Varela.
Je poste déjà çà, et je prépare une réponse à Badak concernant le point précis du choix du référentiel, que je posterai après avoir pris le temps de regarder ses propositions de sources...
Bienvenue aux "nouveaux" : on va manifestement ralentir un peu le rythme, après cette phase de jubilation initiale, et essayer de poser un peu plus les choses pour que tout le monde puisse en profiter et participer, dans l'idéal.
@Roger > Pour faire suite à ta remarque laconique et appuyer la fin de la réponse de Badak, en risquant d'être à coté (tu ne nous donnes pas beaucoup de grain à moudre) : je peux comprendre, de nombreux penseurs des années 60-70 (à peu près) ont été influencés par le mouvement séminal de la cybernétique (Macy conferences) et ont ensuite tenté d'en importer certaines notions (et je dit bien "notion", pas "concept"), parfois maladroitement à mon avis, dans les sciences humaines. C'est ainsi que les idées voyages et pollinisent la culture. Le problème, c'est que ces concepts ont été forgés dans un contexte disciplinaire précis, et que certains de ces auteurs l'ont fait un peu rapidement, de façon trop analogique, sans trop maîtriser la subtilité sémantique de leur origine.
Un exemple résonnant : le concept d'"autopoièse" de Varela. Sont usage opérationnel, comme outil de pensée, est normalement réservé, comme son créateur l'a clairement précisé, au champ disciplinaire de la biologie. Pourtant, certains se sont arrogés le droit de l'utiliser dans d'autres contextes, notamment sociaux.
Personnellement, c'est une question d'éthique, je réprouve ce genre de pratiques à moins qu'elles ne s'expliquent de façon détaillées sur la légitimité d'un tel transfert et si possible avec l'auteur même qui est souvent le seul à en maîtriser la profondeur. Or, peut être pour des raisons d'impact de communication ou de peur de perte de légitimité, ce n'est que rarement le cas.
De plus, les idées nouvelles puissantes (mais je devrais dire les humains remarquables qui génèrent ces idées), comme celles issues de cette période de fin de guerre (Ex : Turing > Informatique > Internet, Macy conferences > mouvements cybernétique > Intelligence artificielle et robotique, etc), sont souvent à leur origine très subtiles et complexe et les nécessités historiques tendent à les simplifier, à les désamorcer, à n'en sélectionner qu'une interprétation compatible avec l'époque. Voilà ce que çà m'évoque...
@paela > Cool, on est pas pressés. Tentons, à notre mesure, de faire du qualitatif. A quoi tu penses par "groupe de lecture" ? C'est ce que
Badak a écrit:on meta-discute d'abord des modalités de la discussion
Sure ! Autant être cohérent. Et j'avoue que c'est en partie grâce à toi !
"If everybody would agree that their current reality is a reality, and that what we essentially share is our capacity for constructing a reality, then perhaps we could agree on a meta-agreement for computing a reality that would mean survival and dignity for everybody on the planet..." Varela.
Je poste déjà çà, et je prépare une réponse à Badak concernant le point précis du choix du référentiel, que je posterai après avoir pris le temps de regarder ses propositions de sources...
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
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Dernière édition par Roger le Dim 17 Déc 2017 - 1:50, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Salut, ceci n'est qu'une parenthèse pour relever un autre possible désaccord interessant dans ce que tu ajoutes ici...soto a écrit:...... Le problème, c'est que ces concepts ont été forgés dans un contexte disciplinaire précis, et que certains de ces auteurs l'ont fait un peu rapidement, de façon trop analogique, sans trop maîtriser la subtilité sémantique de leur origine.
Un exemple résonnant : le concept d'"autopoièse" de Varela. Sont usage opérationnel, comme outil de pensée, est normalement réservé, comme son créateur l'a clairement précisé, au champ disciplinaire de la biologie. Pourtant, certains se sont arrogés le droit de l'utiliser dans d'autres contextes, notamment sociaux.
Personnellement, c'est une question d'éthique, je réprouve ce genre de pratiques à moins qu'elles ne s'expliquent de façon détaillées sur la légitimité d'un tel transfert et si possible avec l'auteur même qui est souvent le seul à en maîtriser la profondeur. Or, peut être pour des raisons d'impact de communication ou de peur de perte de légitimité, ce n'est que rarement le cas.
....
Tou d'abord, oui on va prendre notre temps pour essayer de comprendre aussi le point de vue de Varela pour pouvoir essayer d'être en mesure d'évaluer la critique qu' "on" peut faire de la généralisation des concepts d'enaction et d'autopoiesis.
Mon possible désaccord avec ton point de vue est que je ne sais pas si l'auteur qui introduit un concept devrait éthiquement garder le contrôle sur l'évolution de ce concept. Il se peut que l'oeuvre d'un auteur devenu classique (comme Varela) doive être réinterprété à l'aulne des découvertes plus récente, et qu'ainsi les concepts doivent aussi pouvoir se modifier, afin de prospérer. Je vois les concepts comme des structures qui s'auto-modifient en interagissant avec l'usage qu'on en fait.. Le concept d'autopoièse pourrait donc en particulier s'averer lui-même autopoiétique... je lance comme ça:P )
Bref, plus un terme philosophique a une Histoire, plus il se charge de "sens". C'est le cas pour tous les mots tels que Amour, justice, vérité, liberté.... Qui sont d'autant plus ambigus qu'ils sont importants. À mon avis, il ne sert à rien de revendiquer le "vrai" sens d'un mot. Il vaut mieux pour se comprendre préciser à chaque fois au sens de quel auteur on emploie le terme.
Tu questionnes aussi la légitimité du transfert d'un domaine à un autre permettant de justifier l'élargissement du sens d'un terme. En particulier l'utilisation de concepts biologiques pour l'étude du social. Je rappelerais pour commencer que le critère de cette légitimité tient à l'"isomorphisme" entre les systèmes des deux domaines en questions. Il faut ajouter que les systèmes dont on parle ici ne sont jamais comme tels dans la réalité, mais correspondent plutôt à des modèles choisis pour rendre compte de phénomènes spécifiques.
Ce n'est donc pas reductionniste de choisir un modèle ne rendant pas compte de la totalité de l'existence sociale, puisque justement les systèmes sociaux et les systèmes biologiques partagent dans certains cas un certains nombres de points communs. .. Même si le modèle organiciste ne fonctionne pas (sans jeu de mot) pour tous les phénomènes sociaux, il existe au moins des phénomènes sociaux qu'on puissent étudier à travers ce modèle. Le cas le plus simple est peut-être celui du développement d'une ville. Ce débat est aussi très interessant, mais on peut le faire seulement ensuite ou ailleurs si tu veux.. ( Ce sujet est tabou pour les sociologues que je connais: ils pêtent un câble si j'évoque cette question... alors que moi ça me titille beaucoup. )
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Roger a écrit:Je vous laisse vous amuser avec votre nouveau générateur de bruit coloré.
Non non, tu peux rester, tu peux d'ailleurs nous offrir une référence de ce Glumur(t)z ... Sérieusement je n'ai rien trouvé sur internet, même en anglais et en essayant 3 orthographes.. Je suppose que c'est encore une blague
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
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Dernière édition par Roger le Dim 17 Déc 2017 - 1:52, édité 1 fois
Invité- Invité
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
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Dernière édition par Zebulon3.0 le Lun 30 Jan 2017 - 10:05, édité 1 fois
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
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Dernière édition par Zebulon3.0 le Lun 30 Jan 2017 - 10:05, édité 1 fois
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Badak a écrit:Mon possible désaccord avec ton point de vue ...
De mon coté, je ne perçois pas de désaccords sur les points que tu évoques, juste des façons différentes de les exprimer
Je n'ai pas exprimé cette généralisation, même si en effet elle y était suggérée. Il s'agissait d'un exemple illustratif précis.Badak a écrit:Tu questionnes (...) En particulier l'utilisation de concepts biologiques pour l'étude du social.
Badak a écrit:Je rappelerais pour commencer que le critère de cette légitimité tient à l'"isomorphisme" entre les systèmes des deux domaines en questions. Il faut ajouter que les systèmes dont on parle ici ne sont jamais comme tels dans la réalité, mais correspondent plutôt à des modèles choisis pour rendre compte de phénomènes spécifiques.
- Oui, le sujet induit est bien la modélisation:
- ... et je te propose de laisser en suspens la dialectique modèle informatiques vs mathématiques pour l'heure
... qui joue à mon sens un rôle de "tiers médiateur" entre les domaines théoriques (hypothético-déductifs) et pratiques, expérimentaux. Son statut éthique est ambigüe, tout à la fois heuristique et normatif.
Et donc non, il ne s'agit pas pour moi d'un "isomorphisme" (traduction moins technique : "forme équivalente") a priori. Le transfert ne vas pas de soi pour une raison majeure et négligée par un scientifique professionnel : contrairement aux apparences, je prétend qu'il n'y a pas de relation "bijective" ( "à double sens de correspondance point par point") et triviale, évidente, entre explication et compréhension. C'est un des sens de la coupure cartésienne, et elle nous oblige. Ce qui complexifie d'autant le passage entre le point de vue individuel et le point de vue inter-subjectif, et a fortiori sur les modélisations sociales qui auront inévitablement un impact sur la normativité politique. En compréhension heuristique, oui, en explication normative, non, pour situer le dipôle éthique, et bien sur, c'est plus complexe que çà... "L'enaction est aussi une cognition sub-linguistique" me suggère, là, tout de suite, mon corps absent de ce débat simulé et médié par l'écriture et les nouvelles technologies. Ce qui complexifie un peu la situation pour un apprenti de l'enaction comme moi
Au sujet du choix de l'ouvrage, et on en parle plus, c'est voté à l'unanimité (non ?!) :
Très rapidement et pour l'appuyer : oui, tout est rediscutable..., je ne connais pas d'autre panoramique aussi brillant, et en français s'il vous plais, il s'y exprime aussi une sensibilité et une culture biologique et éthique de grande qualité et un point de vue "meta" salutaire (le biohacking est dans les garages), relativement neutre tout en exprimant clairement sa différence...
- Révelations sur mes intentions:
- En fait j'ai un "agenda" et des intentions secrètes à travers ce fil : c'est bien connu, nous tous, et moi le premier, sommes victimes de tâches aveugles, nous sommes aveugles à notre propre aveuglement, on ne peux pas y échapper. Et c'est pourquoi il est si important de dialoguer comme nous le faisons pour nous aider respectivement à voir ce que nous ne voyons pas, voilà je pense ce qui m'anime ici. Et pour le fightclub, on verra plus tard.
Dernière édition par soto le Lun 30 Jan 2017 - 6:35, édité 1 fois
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Hola,
Ayant lu le bouquin de Varela et l'article "The Computationnal Theory of Mind" de l'encyclopédie philosophique de Stanford, je reviens pour faire quelques commentaires.
Je trouve que Varela met suffisamment en exergue les oppositions conceptuelles entre les différentes approches qu'il classifie. J'aimerais ne pas en rajouter et me focaliser sur les différences pratiques. Etant donné que je suis loin d'être en mesure de décrire plus clairement, plus synthétiquement ou avec plus de détail le contenu de l'article de l'encyclopédie, je vais me contenter de quelques remarques sur le bouquin Varela à la lumière de ce que j'ai lu chez Stanford.
-La seule différence majeure que je trouve entre cognitivisme / connexionisme d'un côté et énaction de l'autre est que tandis que les premiers se demandent "Comment se fait-il que le système A possède la faculté cognitive B?", la troisième demande "Quelle faculté cognitive le système A possède-t-il?". Cette description fait que l'énaction semble moins ancrée dans la science que le cognitivisme et le connexionnisme. Il n'y a qu'à voir la troisième colonne du tableau de Soto dans son deuxième message: c'est beaucoup plus vague. Mais c'est aussi une question de maturité des approches.
-Plutôt que des paradigmes, le cognitivisme et le connexionnisme sont des approches différentes de la cognition qui coexistent actuellement. Pour chacune d'entre elle, il y a un jeu d'affinité avec d'autres disciplines qui est spécifique, des facultés cognitives centrales dont la modélisation est directe tandis que d'autres doivent être simulées de manière plus complexe.
Le cognitivisme place la manipulation de symbole au centre de sa modélisation; pour le connexionnisme, c'est l'apprentissage qui est central.
Le cognitivisme et le connexionnisme préconisent des architectures cognitives différentes (par exemple ordinateurs et réseaux de neurones), qui peuvent néanmoins intervenir à des niveaux interchangeables. Les réseaux de neurones peuvent simuler une machine de Turing, et un ordinateur peut simuler un réseau de neurones. Les divergences entre les deux sont par conséquent liées à l'efficacité, et à la comparaison avec les facultés cognitives connues: sont-elles fondamentalement cognitivistes ou connexionnistes, autre réponse?
-La critique de la représentation basée sur la critique de l'existence d'un monde prédéfini est bof bof, et elle se mute à certains endroits en une argumentation confuse proche de la critique de l'existence d'un monde indépendant du sujet. Le cognitivisme n'a pas besoin de supposer que le monde est prédéfini (attention à la nuance entre "prédéfini" et "préexistant"!), ou qu'une table complète de symboles pour le décrire existe. Pas besoin de supposer que la représentation du monde est fidèle. Parce qu'il refuse de définir l'exogène (le monde énacté selon Varela) comme une entité virtuelle, le monde perçu (on pourrait presque dire "représenté", il n'y a cependant pas nécessairement de symboles ici), Varela semble en faire une entité réelle qui interagit avec le système.
"La perspective de l'énaction demanderait ici que ce genre de système cognitif soit transposé dans une situation ou l'endogène et l'exogène se définissent mutuellement au fil d'un historique prolongé, ne nécessitant qu'un couplage viable, et ignorant toute forme d'adéquation optimale."
Je trouve cette idée maladroite. Qu'en pensez-vous?
Je suis plutôt d'accord avec Badak concernant la méthode d'investigation. La lecture de l'article de l'encyclopédie fait vite comprendre que le domaine des sciences cognitives est en constant ballonnement conceptuel. Les grandes lignes ne dessinent pas grand-chose.
Par ailleurs, Soto, si tu veux que les gens puissent lire ce fil qui risque d'être "dense", il faudrait que tu fasses des efforts d'intelligibilité; je ne comprends pas ton dernier post.
Ayant lu le bouquin de Varela et l'article "The Computationnal Theory of Mind" de l'encyclopédie philosophique de Stanford, je reviens pour faire quelques commentaires.
Je trouve que Varela met suffisamment en exergue les oppositions conceptuelles entre les différentes approches qu'il classifie. J'aimerais ne pas en rajouter et me focaliser sur les différences pratiques. Etant donné que je suis loin d'être en mesure de décrire plus clairement, plus synthétiquement ou avec plus de détail le contenu de l'article de l'encyclopédie, je vais me contenter de quelques remarques sur le bouquin Varela à la lumière de ce que j'ai lu chez Stanford.
-La seule différence majeure que je trouve entre cognitivisme / connexionisme d'un côté et énaction de l'autre est que tandis que les premiers se demandent "Comment se fait-il que le système A possède la faculté cognitive B?", la troisième demande "Quelle faculté cognitive le système A possède-t-il?". Cette description fait que l'énaction semble moins ancrée dans la science que le cognitivisme et le connexionnisme. Il n'y a qu'à voir la troisième colonne du tableau de Soto dans son deuxième message: c'est beaucoup plus vague. Mais c'est aussi une question de maturité des approches.
-Plutôt que des paradigmes, le cognitivisme et le connexionnisme sont des approches différentes de la cognition qui coexistent actuellement. Pour chacune d'entre elle, il y a un jeu d'affinité avec d'autres disciplines qui est spécifique, des facultés cognitives centrales dont la modélisation est directe tandis que d'autres doivent être simulées de manière plus complexe.
Le cognitivisme place la manipulation de symbole au centre de sa modélisation; pour le connexionnisme, c'est l'apprentissage qui est central.
Le cognitivisme et le connexionnisme préconisent des architectures cognitives différentes (par exemple ordinateurs et réseaux de neurones), qui peuvent néanmoins intervenir à des niveaux interchangeables. Les réseaux de neurones peuvent simuler une machine de Turing, et un ordinateur peut simuler un réseau de neurones. Les divergences entre les deux sont par conséquent liées à l'efficacité, et à la comparaison avec les facultés cognitives connues: sont-elles fondamentalement cognitivistes ou connexionnistes, autre réponse?
-La critique de la représentation basée sur la critique de l'existence d'un monde prédéfini est bof bof, et elle se mute à certains endroits en une argumentation confuse proche de la critique de l'existence d'un monde indépendant du sujet. Le cognitivisme n'a pas besoin de supposer que le monde est prédéfini (attention à la nuance entre "prédéfini" et "préexistant"!), ou qu'une table complète de symboles pour le décrire existe. Pas besoin de supposer que la représentation du monde est fidèle. Parce qu'il refuse de définir l'exogène (le monde énacté selon Varela) comme une entité virtuelle, le monde perçu (on pourrait presque dire "représenté", il n'y a cependant pas nécessairement de symboles ici), Varela semble en faire une entité réelle qui interagit avec le système.
"La perspective de l'énaction demanderait ici que ce genre de système cognitif soit transposé dans une situation ou l'endogène et l'exogène se définissent mutuellement au fil d'un historique prolongé, ne nécessitant qu'un couplage viable, et ignorant toute forme d'adéquation optimale."
Je trouve cette idée maladroite. Qu'en pensez-vous?
Je suis plutôt d'accord avec Badak concernant la méthode d'investigation. La lecture de l'article de l'encyclopédie fait vite comprendre que le domaine des sciences cognitives est en constant ballonnement conceptuel. Les grandes lignes ne dessinent pas grand-chose.
Par ailleurs, Soto, si tu veux que les gens puissent lire ce fil qui risque d'être "dense", il faudrait que tu fasses des efforts d'intelligibilité; je ne comprends pas ton dernier post.
paela- Messages : 2689
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@ paela : Désolé si tu perçois un manque d'intelligibilité mais je fais tout ce que je peux, ce n'est pas une posture, et c'est un peu réciproque. Mais nous sommes là en partie pour çà, non ?! Si la communication était absolument transparente, cela signifierait que nous aurions effacés artificiellement nos singularités et qu'il n'y aurait pas de médiation. C'est d’ailleurs ce dont je parle dans mon précédent message... C'est aussi pour çà que j’insistai sur le livre de Varela, parce qu'on peux y trouver une qualité d'expression et, il me semble, une clarté dont je suis personnellement surement incapable.
L'enaction n'est pas un paradigme trivial, ce n'est pas une vision des choses qui peux se comprendre rapidement... je ne sais pas comment dire les choses, sans me dire en même temps que je prête le flanc à une critique superficielle (pour moi) d'irrationalité, de post-modernisme, etc, et que ce serait dommage, car il y a bien plus que çà à mon humble avis. Et c'est pour çà que la perspective historique est aussi importante, car elle permet d'améliorer le point de vue génétique (dynamique), si l'on se souvient que c'est une histoire de ce qui peux être dit dans le contexte de l'époque, et non une histoire "objective" des choses en elles mêmes. L'enaction tente d'aborder du point de vue des sciences cognitives l'émergence du sens incarné, ce que les approches orthodoxes, elles, négligent en vue de l'efficacité et de l'opérationnalité matérielle (technologique) mais aussi linguistique/rhétorique (dominance culturelle... et intellectuelle).
Donc, aides moi à t'aider : pourrais-tu m'indiquer plus précisément ce qui n'est pas clair, que je puisse tenter d'améliorer les choses ?
Je n'ai pas encore lu l'article de Standford, je m'y emploi, et j’approfondis ton post...
L'enaction n'est pas un paradigme trivial, ce n'est pas une vision des choses qui peux se comprendre rapidement... je ne sais pas comment dire les choses, sans me dire en même temps que je prête le flanc à une critique superficielle (pour moi) d'irrationalité, de post-modernisme, etc, et que ce serait dommage, car il y a bien plus que çà à mon humble avis. Et c'est pour çà que la perspective historique est aussi importante, car elle permet d'améliorer le point de vue génétique (dynamique), si l'on se souvient que c'est une histoire de ce qui peux être dit dans le contexte de l'époque, et non une histoire "objective" des choses en elles mêmes. L'enaction tente d'aborder du point de vue des sciences cognitives l'émergence du sens incarné, ce que les approches orthodoxes, elles, négligent en vue de l'efficacité et de l'opérationnalité matérielle (technologique) mais aussi linguistique/rhétorique (dominance culturelle... et intellectuelle).
Donc, aides moi à t'aider : pourrais-tu m'indiquer plus précisément ce qui n'est pas clair, que je puisse tenter d'améliorer les choses ?
Je n'ai pas encore lu l'article de Standford, je m'y emploi, et j’approfondis ton post...
Dernière édition par soto le Lun 30 Jan 2017 - 8:22, édité 2 fois (Raison : ... et intellectuelle.)
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@Soto: Pour ce qui est de l'intelligibilité, il s'agit du passage de ton post de “Et donc non.” au smiley qui dribble. Je ne sais pas pourquoi tu parles de relation bijective entre compréhension et explication, mais à la limite on comprend vaguement ce que tu veux dire; la suite en revanche n'est pas claire grammaticalement parlant. Mais bon je ne tiens pas particulièrement à être chiant, essayons juste de nous exprimer clairement.
Et je n'ai rien contre le postmodernisme. J'aime bien Foucault; le reste, je ne connais pas.
Je ne l'ai pas précisé, mais je trouve la posture de Varela très intéressante. Effectivement, le livre est clair et concis. Cela devient un peu obscur au niveau de la démarcation de l'énaction par rapport au cognitivisme, notamment à cause d'arguments qui font penser à un relativisme pur, mais c'est sûrement dû au fait que dans cette ébauche de l'énaction, Varela veut faire retentir la radicalité du virage qu'il propose. Ce n'est gênant qu'en première lecture. Je compte en lire plus sur sa vision – en particulier sur sa mise en pratique – afin de mieux cerner la démarche.
Que veux-tu dire par efficacité (ou opérationnalité?, ou les deux?) linguistique/rhétorique?
De mon côté je vais aussi aller faire un tour du côté de l'article “narrow content” de l'encyclopédie, parce que j'ai mal compris certaines explications dans le paragraphe concerné dans l'autre article.
J'aurai des questions à poser concernant Varela, et comment il faut comprendre l'énaction (en particulier le monde énacté); j'attends que plus de gens aient lu.
Et je n'ai rien contre le postmodernisme. J'aime bien Foucault; le reste, je ne connais pas.
Je ne l'ai pas précisé, mais je trouve la posture de Varela très intéressante. Effectivement, le livre est clair et concis. Cela devient un peu obscur au niveau de la démarcation de l'énaction par rapport au cognitivisme, notamment à cause d'arguments qui font penser à un relativisme pur, mais c'est sûrement dû au fait que dans cette ébauche de l'énaction, Varela veut faire retentir la radicalité du virage qu'il propose. Ce n'est gênant qu'en première lecture. Je compte en lire plus sur sa vision – en particulier sur sa mise en pratique – afin de mieux cerner la démarche.
L'enaction tente d'aborder du point de vue des sciences cognitives l'émergence du sens incarné, ce que les approches orthodoxes, elles, négligent en vue de l'efficacité et de l'opérationnalité matérielle (technologique) mais aussi linguistique/rhétorique (dominance culturelle... et intellectuelle).
Que veux-tu dire par efficacité (ou opérationnalité?, ou les deux?) linguistique/rhétorique?
De mon côté je vais aussi aller faire un tour du côté de l'article “narrow content” de l'encyclopédie, parce que j'ai mal compris certaines explications dans le paragraphe concerné dans l'autre article.
J'aurai des questions à poser concernant Varela, et comment il faut comprendre l'énaction (en particulier le monde énacté); j'attends que plus de gens aient lu.
paela- Messages : 2689
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
En passant, pour m'exprimer :
Pour appuyer sur la notion de perte du "sens incarné vivant" (humain ou animal) dans le geste d'avoir mécanisé le calcul, et donc objectivé une opération qui n'avait de sens que dans la subjectivité des opérateurs humains : la thèse de Church-Turing (on oublie souvent Church) évacue toute référence de ce qui participe au sens, puisque l'on est dans le domaine mathématique. Ce qui n'a pas empêché pourtant que l'on parle ensuite un peu rapidement de "machine universelle de Turing" mais qui est plus exactement un modèle opérationnel de formalisation de la calculabilité (computability).
Et c'est sur ces bases que se cristallisera le travail de Von Neumann (le père de l'ordinateur concret) et de son équipe. Turing, lui, s'étant suicidé (on lui reprochera sont homosexualité et on le mettra sous camisole castratrice chimique). Je précise que ces travaux de matérialisation des idées de Church et de Turing ont été effectués avec des financements importants de la Rand Corporation et du lobby militaro-industriel, dont Von Neumann était un membre actif, car il fallait mettre rapidement au point les bombes A et H (nous sommes en pleine seconde guerre mondiale), et pour cela il fallait une très grosse puissance de calcul. Or c'est précisément l'ordinateur qui sert aujourd'hui de modèle métaphorique pour expliquer l'esprit humain. Pour réaliser ce tour de force, Von Neumann va traduire et axiomatiser les processus calculatoirs en terme d''automates à états finis réplicateurs', symbolisables par des réseaux. Alleluia !! et applaudissements nourris dans le "petit théâtre cartésien"...
Mais ce faisant, Von Neumann avouera lui-même qu'une moitié du problème a été jeté par la fenêtre, celui de la référence au monde réel.
Et le réel est ainsi subsumé par le calculable, ce qui ouvre la voie à une nouvel ordre de réalité, à une autonomisation d'un monde abstrait associé à une expression binaire elle même abstraite : 0/1, elle même traduisant des flux électroniques physiques. Une métaphore de métaphores, c'est à dire une métaphore de second ordre. Ok, mais quels rapports à la vie vécue, à la chair de jouissance et de souffrance sommes nous en train d'élaborer ? Quelle éthique du vivant à l'heure du transhumanisme et des manipulations génétiques, de la perte généralisée du sens ?
Et en résonance par rapport au sens du mot "information", qui est un caméléon conceptuel (je crois que Varela parle de "phlogistique" moderne), la "théorie de l'information", c'est à dire plus exactement la théorie mathématique de la communication, n'est-elle pas finalement une théorie du signal ?! (la forme interrogative est rhétorique, pour moi), une théorie a-signifiante, contrairement à ce qu'elle laisse entendre. Je ne suis pas sûr qu'une majorité de personnes en soit bien conscientes. Et quand on parle d'"intelligence artificielle", je me demande si on ne parle pas surtout de celle de leurs zélateurs. Je n'ai rien contre les robots, bien au contraire, mais je combat l’idolâtrie et le faitichisme (Stengers) qui leur est trop souvent associés.
Tout cela n'est pas innocent et influence sur le long terme la façon dont nous nous envisageons et donc ce que nous entendons par "être humain" (puisque c'est justement le propre de l'homme) et comment de façon générale nous interagissons avec le vivant (écologie). Voilà donc, entre autres, d'autres questions qui sont aussi au cœur de ces enjeux et qui impactent l'avenir de l'ensemble de l'humanité, et sur lesquelles il me semble important de développer une lecture populaire critique commune.
Pour appuyer sur la notion de perte du "sens incarné vivant" (humain ou animal) dans le geste d'avoir mécanisé le calcul, et donc objectivé une opération qui n'avait de sens que dans la subjectivité des opérateurs humains : la thèse de Church-Turing (on oublie souvent Church) évacue toute référence de ce qui participe au sens, puisque l'on est dans le domaine mathématique. Ce qui n'a pas empêché pourtant que l'on parle ensuite un peu rapidement de "machine universelle de Turing" mais qui est plus exactement un modèle opérationnel de formalisation de la calculabilité (computability).
Et c'est sur ces bases que se cristallisera le travail de Von Neumann (le père de l'ordinateur concret) et de son équipe. Turing, lui, s'étant suicidé (on lui reprochera sont homosexualité et on le mettra sous camisole castratrice chimique). Je précise que ces travaux de matérialisation des idées de Church et de Turing ont été effectués avec des financements importants de la Rand Corporation et du lobby militaro-industriel, dont Von Neumann était un membre actif, car il fallait mettre rapidement au point les bombes A et H (nous sommes en pleine seconde guerre mondiale), et pour cela il fallait une très grosse puissance de calcul. Or c'est précisément l'ordinateur qui sert aujourd'hui de modèle métaphorique pour expliquer l'esprit humain. Pour réaliser ce tour de force, Von Neumann va traduire et axiomatiser les processus calculatoirs en terme d''automates à états finis réplicateurs', symbolisables par des réseaux. Alleluia !! et applaudissements nourris dans le "petit théâtre cartésien"...
Mais ce faisant, Von Neumann avouera lui-même qu'une moitié du problème a été jeté par la fenêtre, celui de la référence au monde réel.
Et le réel est ainsi subsumé par le calculable, ce qui ouvre la voie à une nouvel ordre de réalité, à une autonomisation d'un monde abstrait associé à une expression binaire elle même abstraite : 0/1, elle même traduisant des flux électroniques physiques. Une métaphore de métaphores, c'est à dire une métaphore de second ordre. Ok, mais quels rapports à la vie vécue, à la chair de jouissance et de souffrance sommes nous en train d'élaborer ? Quelle éthique du vivant à l'heure du transhumanisme et des manipulations génétiques, de la perte généralisée du sens ?
Et en résonance par rapport au sens du mot "information", qui est un caméléon conceptuel (je crois que Varela parle de "phlogistique" moderne), la "théorie de l'information", c'est à dire plus exactement la théorie mathématique de la communication, n'est-elle pas finalement une théorie du signal ?! (la forme interrogative est rhétorique, pour moi), une théorie a-signifiante, contrairement à ce qu'elle laisse entendre. Je ne suis pas sûr qu'une majorité de personnes en soit bien conscientes. Et quand on parle d'"intelligence artificielle", je me demande si on ne parle pas surtout de celle de leurs zélateurs. Je n'ai rien contre les robots, bien au contraire, mais je combat l’idolâtrie et le faitichisme (Stengers) qui leur est trop souvent associés.
Tout cela n'est pas innocent et influence sur le long terme la façon dont nous nous envisageons et donc ce que nous entendons par "être humain" (puisque c'est justement le propre de l'homme) et comment de façon générale nous interagissons avec le vivant (écologie). Voilà donc, entre autres, d'autres questions qui sont aussi au cœur de ces enjeux et qui impactent l'avenir de l'ensemble de l'humanité, et sur lesquelles il me semble important de développer une lecture populaire critique commune.
Dernière édition par soto² le Jeu 2 Fév 2017 - 13:12, édité 5 fois
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@ paela / passage :
Ce que j'ai voulu exprimer, c'est que la relation entre expliquer et comprendre n'est pas symétrique, contrairement à qui nous apparait habituellement dans le jeu d'une conversation. Pour expliciter : pour moi la compréhension met en jeu le corps dans son ensemble et de façon synchronique et itérative (je simplifie volontairement), c'est un acte synthétique subjectif. D'où La compréhension est une cognition sub-linguistique. Alors que le processus explicatif, est plus orienté intellection, diachronique, on "déroule" graduellement et méthodologiquement des assertions, qui ici s'appuient sur une culture commune de la rationalité. La visée est plus externe, on veut "inter-subjectiver". C'est une opération plus analytique qui s'adresse à la compréhension synthétique de l'interlocuteur. On se comprends ?! je ne dis pas que l'un se déroule exclusivement dans le corps et l'autre dans la tête (qui fait aussi parfois partie du corps, malgrès la coupure cartésienne ) Mais j'indique une polarisation. Or dans un contexte dit "scientifique dur", la rationalité méthodique impose (légitimement dans un contexte professionnel d'inter-subjectivité partagée) des contraintes d'expression qui sont, justement, cognitiviste (nécessité des représentations partagées, logique du raisonnement pour évaluer le transfert de vérité, etc). Il y a donc un couplage et une résonance qui s’effectue entre le style d'expression cognitiviste et le style "scientifique". Ce qui en renforce d'autant plus sa force de persuasion et d'attraction ("linguistique/rhétorique") comme "modèle unique" de pensée valide.
Est-ce que cette reformulation est plus compréhensible pour toi ?
Encore une fois, les différents style de modélisation/paradigmes ne sont pas en opposition stricte, et l'énaction est une "voie moyenne" (d'où certains rapports avec la philosophie bouddhiste) entre relativisme et absolutisme, entre représentationalisme et solipsisme. (pfffffiou, çà commence à me fatiguer les "ismes").
soto-citation a écrit:Et donc non, il ne s'agit pas pour moi d'un "isomorphisme" (traduction moins technique : "forme équivalente") a priori. Le transfert ne vas pas de soi pour une raison majeure et négligée par un scientifique professionnel : contrairement aux apparences, je prétend qu'il n'y a pas de relation "bijective" ( "à double sens de correspondance point par point") et triviale, évidente, entre explication et compréhension. C'est un des sens de la coupure cartésienne, et elle nous oblige. Ce qui complexifie d'autant le passage entre le point de vue individuel et le point de vue inter-subjectif, et a fortiori sur les modélisations sociales qui auront inévitablement un impact sur la normativité politique. En compréhension heuristique, oui, en explication normative, non, pour situer le dipôle éthique, et bien sur, c'est plus complexe que çà... "L'enaction est aussi une cognition sub-linguistique" me suggère, là, tout de suite, mon corps absent de ce débat simulé et médié par l'écriture et les nouvelles technologies. Ce qui complexifie un peu la situation pour un apprenti de l'enaction comme moi face à un (légitime) positionnement plutôt (ok, le connectionnisme est plus intermédiaire et plus ambigüe) cognitiviste, comme Stanislas Dehaene et apparemment comme toi. Calimero Boxe pirat Basketball
Ce que j'ai voulu exprimer, c'est que la relation entre expliquer et comprendre n'est pas symétrique, contrairement à qui nous apparait habituellement dans le jeu d'une conversation. Pour expliciter : pour moi la compréhension met en jeu le corps dans son ensemble et de façon synchronique et itérative (je simplifie volontairement), c'est un acte synthétique subjectif. D'où La compréhension est une cognition sub-linguistique. Alors que le processus explicatif, est plus orienté intellection, diachronique, on "déroule" graduellement et méthodologiquement des assertions, qui ici s'appuient sur une culture commune de la rationalité. La visée est plus externe, on veut "inter-subjectiver". C'est une opération plus analytique qui s'adresse à la compréhension synthétique de l'interlocuteur. On se comprends ?! je ne dis pas que l'un se déroule exclusivement dans le corps et l'autre dans la tête (qui fait aussi parfois partie du corps, malgrès la coupure cartésienne ) Mais j'indique une polarisation. Or dans un contexte dit "scientifique dur", la rationalité méthodique impose (légitimement dans un contexte professionnel d'inter-subjectivité partagée) des contraintes d'expression qui sont, justement, cognitiviste (nécessité des représentations partagées, logique du raisonnement pour évaluer le transfert de vérité, etc). Il y a donc un couplage et une résonance qui s’effectue entre le style d'expression cognitiviste et le style "scientifique". Ce qui en renforce d'autant plus sa force de persuasion et d'attraction ("linguistique/rhétorique") comme "modèle unique" de pensée valide.
Est-ce que cette reformulation est plus compréhensible pour toi ?
Encore une fois, les différents style de modélisation/paradigmes ne sont pas en opposition stricte, et l'énaction est une "voie moyenne" (d'où certains rapports avec la philosophie bouddhiste) entre relativisme et absolutisme, entre représentationalisme et solipsisme. (pfffffiou, çà commence à me fatiguer les "ismes").
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Pour le coté plus "applicatif" :
Par exemple la réflexion sur la "cognition affective et sensitive", voir par exemple le travail philosophique d'Evan Thompson (proche de Varela), et plus pratique, un lien certain avec les approches éducatives et thérapeutiques sur la "pédagogie perceptive et relationnelle" (voir par exemple ce message adressé à une nouvelle arrivante sur le forum avec une référence de thèse en ce sens).
Après, comme l'a souligné Badak, il y a tout le mouvement de la "Embodied Cognition" (cognition incorporée ? bof, cognition incarnée, non , à cause des robots... je ne sais pas comment traduire).
Mais je pense que le coté applicatif le plus important était peut-être, cela n'engage que moi, de transformer de l'intérieur la rationalité des scientifiques eux-même . C'est en cela que Varela est pour moi quelqu'un de remarquable.
Par exemple la réflexion sur la "cognition affective et sensitive", voir par exemple le travail philosophique d'Evan Thompson (proche de Varela), et plus pratique, un lien certain avec les approches éducatives et thérapeutiques sur la "pédagogie perceptive et relationnelle" (voir par exemple ce message adressé à une nouvelle arrivante sur le forum avec une référence de thèse en ce sens).
Après, comme l'a souligné Badak, il y a tout le mouvement de la "Embodied Cognition" (cognition incorporée ? bof, cognition incarnée, non , à cause des robots... je ne sais pas comment traduire).
Mais je pense que le coté applicatif le plus important était peut-être, cela n'engage que moi, de transformer de l'intérieur la rationalité des scientifiques eux-même . C'est en cela que Varela est pour moi quelqu'un de remarquable.
soto²- Messages : 2760
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@Soto: Merci pour ton explication, c'est plus compréhensible oui.
Quelques commentaires sur l'objectivité et la rationalité:
On peut toujours partir dans des discussions vagues sur le fait que la science, en objectivant le monde, passe à côté de sa dimension subjective pourtant essentielle, etc.
La science s'efforce d'avoir un discours objectif. Qu'il soit traite de calculs ou de phénomènes subjectifs, c'est ce qui est recherché.
La rationalité est une condition d'une communication compréhensible, qui permet notamment de construire sur les épaules des géants et des autres.
C'est une qualité d'une articulation de propositions, (un raisonnement, la mise en rapport de propositions) et non d'une proposition. Ce n'est pas la rationalité qui dicte les principes de l'approche cognitiviste*. Ses principes sont des prises de position explicites, certes justifiées (au sens “argumentées”) rationnellement* et empiriquement, confortées par la culture scientifique science, l'efficacité de la formalisation de la logique mathématique et de l'approche cognitiviste, la réticence à utiliser des données subjectives, et l'ignorance du fait qu'il y a peut-être une alternative.
Je soutiens qu'il n'y a pas besoin de transformer la rationalité de l'intérieur, mais je ne jouerai pas davantage son avocat car elle ne devrait pas tant en avoir besoin. Et puis il y a déjà eu je ne sais combien de débat stériles sur des oppositions entre rationalité ou choses vaguement connexes et spiritualité ou choses vaguement connexes.
Je ne dis pas que le débat sur le “réductionnisme scientifique” n'est pas bon à avoir, mais il n'est pas si controversé que ça. “N'importe qui“ rêverait de pouvoir étudier la conscience comme phénomène subjectif, la question est: comment? Certains chercheurs répondront que c'est en l'élucidant comme un phénomène objectivé qui révèlerait la vacuité de sa conception subjective; d'autres, envisageront que c'est impossible, ou seulement possible dans un contexte mystique, et d'autres, comme Varela, proposeront des approches.
Comment trancher la question autrement qu'en étudiant les diverses propositions (la première et la troisième, car l'autre est une position neutre)?
Puisque Varela en parle bien, tôt et dans des registres divers, je vais commencer par voir dans quel direction il est parti après cette invitation au sciences cognitives. Pour l'instant j'ai un point de départ avec Varela, et un point plus récent avec Sam Harris, mais pas de traces de la maturation d'une approche entre les deux. Je note tes liens pour plus tard Soto.
J'ai lu l'hommage à Varela par Thompson qui servira peut-être de pivot. Je n'ai pas réussi à trouver le papier dans lequel prétendûment Robert Rosen montre que certains systèmes sont plus forts que les machines de Turing; je suis curieux de voir à quoi ça ressemble. Quelqu'un a une source?
*voir pour lever l'apparente contradiction le fil de Badak sur les limites de la rationalité dans le salon de discussions rationnelles: la rationalité est une qualité du raisonnement et non des prémisses du raisonnement
Quelques commentaires sur l'objectivité et la rationalité:
On peut toujours partir dans des discussions vagues sur le fait que la science, en objectivant le monde, passe à côté de sa dimension subjective pourtant essentielle, etc.
La science s'efforce d'avoir un discours objectif. Qu'il soit traite de calculs ou de phénomènes subjectifs, c'est ce qui est recherché.
La rationalité est une condition d'une communication compréhensible, qui permet notamment de construire sur les épaules des géants et des autres.
C'est une qualité d'une articulation de propositions, (un raisonnement, la mise en rapport de propositions) et non d'une proposition. Ce n'est pas la rationalité qui dicte les principes de l'approche cognitiviste*. Ses principes sont des prises de position explicites, certes justifiées (au sens “argumentées”) rationnellement* et empiriquement, confortées par la culture scientifique science, l'efficacité de la formalisation de la logique mathématique et de l'approche cognitiviste, la réticence à utiliser des données subjectives, et l'ignorance du fait qu'il y a peut-être une alternative.
Je soutiens qu'il n'y a pas besoin de transformer la rationalité de l'intérieur, mais je ne jouerai pas davantage son avocat car elle ne devrait pas tant en avoir besoin. Et puis il y a déjà eu je ne sais combien de débat stériles sur des oppositions entre rationalité ou choses vaguement connexes et spiritualité ou choses vaguement connexes.
Je ne dis pas que le débat sur le “réductionnisme scientifique” n'est pas bon à avoir, mais il n'est pas si controversé que ça. “N'importe qui“ rêverait de pouvoir étudier la conscience comme phénomène subjectif, la question est: comment? Certains chercheurs répondront que c'est en l'élucidant comme un phénomène objectivé qui révèlerait la vacuité de sa conception subjective; d'autres, envisageront que c'est impossible, ou seulement possible dans un contexte mystique, et d'autres, comme Varela, proposeront des approches.
Comment trancher la question autrement qu'en étudiant les diverses propositions (la première et la troisième, car l'autre est une position neutre)?
Puisque Varela en parle bien, tôt et dans des registres divers, je vais commencer par voir dans quel direction il est parti après cette invitation au sciences cognitives. Pour l'instant j'ai un point de départ avec Varela, et un point plus récent avec Sam Harris, mais pas de traces de la maturation d'une approche entre les deux. Je note tes liens pour plus tard Soto.
J'ai lu l'hommage à Varela par Thompson qui servira peut-être de pivot. Je n'ai pas réussi à trouver le papier dans lequel prétendûment Robert Rosen montre que certains systèmes sont plus forts que les machines de Turing; je suis curieux de voir à quoi ça ressemble. Quelqu'un a une source?
*voir pour lever l'apparente contradiction le fil de Badak sur les limites de la rationalité dans le salon de discussions rationnelles: la rationalité est une qualité du raisonnement et non des prémisses du raisonnement
paela- Messages : 2689
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Localisation : Bordeaux
Errata
@ Badak :
Mince, je réalise que je me suis trompé de référence dans un de mes premiers messages, même si je pense que cela n'aura pas de conséquences. Je corrige donc et je modifie le post d'origine :
La bonne ref est : "Aux origines des Sciences Cognitives", Jean-Pierre Dupuy, Ed. La Découverte poche, sciences humaines et sociales.
soto a écrit:une autre référence de grande qualité sur la généalogie des SC (plus histoire des idée/philo critique), par Jean-Pierre Dupuy (Polytechnique, grâce à qui Varela à été accueilli en France) : Les savants croient-ils en leur théories ? Une lecture philosophique de l'histoire des sciences cognitives. Ed. Sciences en question, INRA Editions.
Mince, je réalise que je me suis trompé de référence dans un de mes premiers messages, même si je pense que cela n'aura pas de conséquences. Je corrige donc et je modifie le post d'origine :
La bonne ref est : "Aux origines des Sciences Cognitives", Jean-Pierre Dupuy, Ed. La Découverte poche, sciences humaines et sociales.
soto²- Messages : 2760
Date d'inscription : 07/12/2016
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@ paela : ta réponse, que je suis en train de lire, est intéressante parce qu'elle me permet de mieux comprendre nos différents. J'y répondrai plus tard mais j'ai des choses à dire (faut que je lâche cet écran chronophage... ).
Comme çà, je ne vois pas de rapport évident entre Varela et Sam Harris (fiche Wikipédia) ...
Juste une question : sans indiscrétion, bien sur, pourquoi la dimension applicative t'intéresse tant ? (tu en parle dès ton premier message).
Comme çà, je ne vois pas de rapport évident entre Varela et Sam Harris (fiche Wikipédia) ...
Juste une question : sans indiscrétion, bien sur, pourquoi la dimension applicative t'intéresse tant ? (tu en parle dès ton premier message).
soto²- Messages : 2760
Date d'inscription : 07/12/2016
Localisation : Au delಠ(31)
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Sam Harris s'intéresse à la neurophénoménologie (et a travaillé dans cette discipline) ainsi qu'à la possibilité d'obtenir des indications sur ce qu'est la conscience via notamment la méditation. je pense qu'il souscrit entièrement à la critique de l'oubli de l'aspect subjectif de la cognition / conscience par l'approche "orthodoxe", même si sa position semble plus agnostique que celle de Varela sur la possibilité de procéder différemment avec fruits. C'est en cela principalement que je le relie à Varela, je ne crois pas avoir lu d'allusion à Varela chez Sam Harris, mais j'ai peut-être zappé.
Pour faire simple, des idées générales, si elles ne sont pas mises en application, peuvent n'être rien que des souhaits ou des craintes infondés. Des notions peuvent être conçues et avoir une grande puissance explicative, sans pour autant être pertinentes ou utiles. Par l'application, la pertinence est mise à l'épreuve, les notions sont testées, on avance quoi. Pour ce qui nous occupe par exemple: il faut mettre le processus d'énaction au centre du regard des sciences cognitives - oui, mais comment? Lorsqu'on peut répondre à cette question, ça vaut le coup de le faire. Ici Varela et d'autres ont travaillé à le faire, donc allons-y.
Je n'ai rien contre la réflexion sur les fondements et les motivations hein, mais je préfère y revenir après.
Pour faire simple, des idées générales, si elles ne sont pas mises en application, peuvent n'être rien que des souhaits ou des craintes infondés. Des notions peuvent être conçues et avoir une grande puissance explicative, sans pour autant être pertinentes ou utiles. Par l'application, la pertinence est mise à l'épreuve, les notions sont testées, on avance quoi. Pour ce qui nous occupe par exemple: il faut mettre le processus d'énaction au centre du regard des sciences cognitives - oui, mais comment? Lorsqu'on peut répondre à cette question, ça vaut le coup de le faire. Ici Varela et d'autres ont travaillé à le faire, donc allons-y.
Je n'ai rien contre la réflexion sur les fondements et les motivations hein, mais je préfère y revenir après.
paela- Messages : 2689
Date d'inscription : 30/05/2011
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Localisation : Bordeaux
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@ Roger
- Spoiler:
- Roger a écrit:....
C'est effectivement un attrape-couillons, tout comme ce fil. Le post-modernisme est aussi un attrape-couillons. À la longue, les farceurs finissent pas croire à leurs blagues, c'est triste.
Parler du postmodernisme en général est aussi trompeur. Je suis très critique comme je te dis à l'égard du postmodernisme, en ce qui concerne ce qu'aucun scientifique ne peut admettre (e.g. le relativisme total, le subjectivisme total). Par contre, il y a aussi une critique essentielle que ces philosophes et sociologues apportent et que nous devons prendre en compte pour mieux affiner nos recherches. En science et technologie y compris.
Adhérer à un réalisme naif et absolu n'est guère mieux.
Alors pourquoi penses tu que réfléchir à la cognition et la nature de la vie est selon toi un attrape-couillon, à une époque ou justement la biologie, la robotique, l'informatique, et même la psychologie se rejoignent ? Les paradigmes scientifiques qui sous-tendent la recherche doivent aussi appuyer et critiquer leurs fondements... Il ne suffit pas de coller une étiquette pour réfuter une idée.
Badak- Messages : 1230
Date d'inscription : 02/12/2011
Localisation : Montréal
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
- Encore au sujet des aspects épistémologiques :
Désolé je ne te suis pas. Je parlais d'isomorphisme entre un modèle d'un phénomène spécifique d'un domaine de connaissance A (par exemple la biologie) et un modèle d'un autre phénomène spécifique rencontré dans un autre domaine de connaissance apriori distinct, et dont le sens commun ne perçoit pas les similitudes. La bijection est entre les deux modèles, et non pas entre la réalité telle qu'elle est de part et d'autres.soto a écrit:Badak a écrit:Je rappelerais pour commencer que le critère de cette légitimité tient à l'"isomorphisme" entre les systèmes des deux domaines en questions. Il faut ajouter que les systèmes dont on parle ici ne sont jamais comme tels dans la réalité, mais correspondent plutôt à des modèles choisis pour rendre compte de phénomènes spécifiques.
Et donc non, il ne s'agit pas pour moi d'un "isomorphisme" .... a priori. Le transfert ne vas pas de soi pour une raison majeure et négligée par un scientifique professionnel : contrairement aux apparences, je prétend qu'il n'y a pas de relation "bijective" ( "à double sens de correspondance point par point") et triviale, évidente, entre explication et compréhension.
Ce que je défends ici fait partie de l'épistémologie constructiviste ( qu'on pourrait même accuser d'être postmoderne hahaha ).
Tu sembles suggèrer que les scientifiques ne sont pas équipés pour construire des modèles théoriques ? (Tu les accuses de négliger ce qui selon toi devrait être la condition de l'analogie formelle entre deux catégories de systèmes, c'est bien ce que tu prétends ? )
Qu'il n'y ait pas de bijection entre explication et compréhension, ce me semble évident en effet, puisque l'explication n'est qu'un mode de compréhension. La science cherche des explications, et non pas la compréhension herméneutique telle que discutée en sociologie compréhensive ou en phénoménologie philosophique. Par contre, qu'il y ait ou non bijection ici n'a rien à voir avec la bijection apparaissant entre deux modèles formellement isomorphes mais ayant trait à des phénomènes naivement distincts.
Ça c'est le fondement de l'approche des systèmes. Dit autrement, ce sont les interactions entre les entités élémentaires qui comptent et non pas les propriétés de chacun de ces entités élémentaires. Une goutte d'eau, ou une charge électrique peuvent être analogues en ce sens, de la même manière qu'un robot et un chien peuvent le devenir dans certains cas.
ok, je crois vois ce que tu veux dire. La coupure cartésienne dont tu parles, c'est bien ce que Bachelard appelle la coupure épistémologique ?, i.e. l'idée que la science doit chercher l'objectivité.soto a écrit:
C'est un des sens de la coupure cartésienne, et elle nous oblige. Ce qui complexifie d'autant le passage entre le point de vue individuel et le point de vue inter-subjectif, et a fortiori sur les modélisations sociales qui auront inévitablement un impact sur la normativité politique. En compréhension heuristique, oui, en explication normative, non, pour situer le dipôle éthique, et bien sur, c'est plus complexe que çà... "L'enaction est aussi une cognition sub-linguistique" me suggère, là, tout de suite, mon corps absent de ce débat simulé et médié par l'écriture et les nouvelles technologies.
Sauf que dans la mesure où nous parlons de sciences cognitives, (ou de sciences sociales ) , il n'y a pas lieu de se battre contre ce qui définit la science. Mais bien sûr ce qui a de fascinant avec les phénomènes humains et cognitifs, c'est le point de vue phénoménologique qui se superpose aux approches scientifiques.
Il y a des aspects des phénomènes tant sociaux que cognitifs qui ne seront probablement jamais étudiables scientifiquement.
J'ai hate de mieux voir comment généraliser les méthodologies conjuguant la prise de données subjective avec le traitement objectivant de ces données. C'est bien ce que la neurophénoménologie ainsi que ce que Dehaene semblent faire.
Apriori, je suis un fervent connexioniste. Ma spécialité est l'application des systèmes dynamiques en biologie théorique, et je carbure aux réseaux de neurones.soto a écrit:Ce qui complexifie un peu la situation pour un apprenti de l'enaction comme moiface à un (légitime) positionnement plutôt (ok, le connectionnisme est plus intermédiaire et plus ambigüe) cognitiviste, comme Stanislas Dehaene et apparemment comme toi.
Je connais en fait assez peu les approches d'intelligence artificielles basées sur la manipulation des symboles à la manière de la logique et de l'informatique théorique. (c'est bien ce que vous appeler cognitivisme, dans un sens restreint il me semble hérité des années 1970). Ce que je "préssens" par contre, est la possibilité d'une "équivalence" entre les deux par l'entremise de l'emergence. Dit autrement, il s'agirait essentiellement de deux niveaux distincts de modélisation: un rendant compte de la dynamique microscopique sous-jacente, et l'autre traitant d'un modèle réduit macroscopiquesoto a écrit:@ Badak :
...je réalise que je me suis trompé de référence dans un de mes premiers messages, même si je pense que cela n'aura pas de conséquences. Je corrige donc et je modifie le post d'origine :
La bonne ref est : "Aux origines des Sciences Cognitives", Jean-Pierre Dupuy, Ed. La Découverte poche, sciences humaines et sociales.
Merci, j'ai mis ce livre dans la pile des livres que je voudrais acheter et lire.
Moi je ne vais pas encore acheter ce livre, je vais l'emprunter à la bibliothèque bientôt. Pour l'instant par contre, j'ai trouvé des résumés de cours portant sur ce livre. Il y a aussi des descriptions critiques des concepts de Varela dans les intros de plusieurs articles plus récents. Sans compter les dictionnaires et encyclopédies.soto a écrit:Au sujet du choix de l'ouvrage, et on en parle plus, c'est voté à l'unanimité (non ?!) :
J'espère quand même que tu iras voir d'autres sources que le livre de Varela pour les comparaisons de concepts. ( Il est aussi nécessaire de ne pas discuter que d'une conception unique pour avoir une vue d'ensemble du débat )
-----------
Note: au sujet de mes réponses/questions concernant les aspects épistémologiques , vous en avez déjà discutés plus haut pour l'essentiel(Avec Paela ). Donc je ne tient pas vraiment à ce qu'on s'englue dans un débat qui porterait davantage sur les aspects historico-herméneutiques des "sciences humaines" versus les aspects clairement scientifiques de ces disciplines.
Par contre, la même pluralité de méthodes se rencontre dans l'étude de la cognition, et je pense qu'ici c'est aussi important de clarifier les portées épistémiques de ces différentes démarches. Je veux dire par là, entre autre, que je comprends l'intérêt d'une théorie philosophique de l'enaction qui incorpore dans la cognition le point de vue du sujet vivant et connaissant. J'adore vraiment ce discours. Mais, il nous faut aussi distinguer celui-ci d'une théorie scientifique et chercher ce que concrètement cette conception signifie.
Je pense qu'on peut parler de l'"enactivisme" comme d'un paradigme de recherche pouvant inspirer les sciences cognitives, mais en soi l'idée de l'enaction ne semble pas être techniquement vérifiable. ( Comment penseriez vous que ce puisse faire l'objet d'expériences chez des non-humains ? ) On peut par contre postuler l'existence de ce monde subjective pour tout être vivant et système cognitif, et en comprendre intuitivement les grandes lignes en nous référant aux modes de perceptions. Par exemple, le monde interne de la chauve-souris est tel qu'il peut être perçu par les sonars tandis que celui du chien l'est surtout par l'olfaction (Nagel: what is it like to be a bat ?)
Je remarque aussi que ce monde interne subjectif n'est pas forcé d'être conscient, puisque on ne sait rien de la conscience de la chauve-souris, et que même chez l'humain, nous ne pouvons jamais être pleinement conscient de l'ensemble de nos perceptions ou des transformations qu'elles produisent en nous. D'ailleurs Varela applique ce paradigme de l'enaction (et de l'autopoiesis) également aux cellules vivantes, qui ne sont apriori pas conscientes (au sens habituel du terme ).
Si on prend au sérieux la portée phénoménologique de l'idée d'enaction pour tous les systèmes cognitifs "incarnés", alors cela impliquerait de prendre au sérieux l'existence d'un monde interne subjectif chez les robots "épigénétiques", ( i.e. les robots cognitifs qui se développent au contact d'un environnement sensoriel ). Sinon, sur quelle base n'appliquer le concept d'enaction qu'à certains des systèmes cognitifs et pas aux autres ? Ça nous prendrait dans chaque cas, une connaissance à la première personne d'un point de vue subjectif qui n'est pas le notre.
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
paela a écrit:.....
Puisque Varela en parle bien, tôt et dans des registres divers, je vais commencer par voir dans quel direction il est parti après cette invitation au sciences cognitives. Pour l'instant j'ai un point de départ avec Varela, et un point plus récent avec Sam Harris, mais pas de traces de la maturation d'une approche entre les deux. Je note tes liens pour plus tard Soto.
J'ai lu l'hommage à Varela par Thompson qui servira peut-être de pivot. Je n'ai pas réussi à trouver le papier dans lequel prétendûment Robert Rosen montre que certains systèmes sont plus forts que les machines de Turing; je suis curieux de voir à quoi ça ressemble. Quelqu'un a une source?
......
Juste une parenthèse au sujet des machines super-Turing, dont plusieurs rêvaient qu'elles puissent offrir un paradigme de "calcul" échappant au "computationnalisme" , il y a plusieurs possibilités, mais elles exploitent toutes, d'une manière ou une autre l'infini non-dénombrable du continu.
Ce peut être des réseaux de neurones à temps continu, (pour un point de vue récent, voir par exemple :
Cabessa 2014, The_super-Turing_computational_power_of_plastic_recurrent_neural_networks)
Ce peut aussi être un système de calcul membranaire impliquant une imbrication de sous-compartiments. En gros, dans ce paradigme de calcul, il s'agit de formaliser la manière de calculer des canaux ioniques présents dans les membranes cellulaires. Une cellule est formée d'une membrane qui lui donne une interface et dont les canaux agissent comme des ports faisant entrer et sortir des ions (ou d'autres symboles). D'autres opérations, comme la fusion et la séparation des membranes sont disponibles. Cette cellule contient à son tour des sous-compartiments membranaires possédant aussi des ports entrant/ sortant pour communiquer avec son milieu, et ainsi de suite.
Supposons une hierarchie de sous-compartiments imbriqués tel quel le temps de réaction à l'intérieur d'un compartiment soit d'autant plus accéléré qu'il est a un niveau élevé de la hierarchie. Le temps total de réaction chimique est donc un temps de calcul égal à la série convergente de toutes les durées de calcul, et ce temps total peut être borné par un temps fini. Je pense saisir que si on n'a qu'un nombre FINI de niveaux de récursion alors on ne peut pas dépasser la "barrière de Turing".... donc encore ici, ce n'est pas un paradigme de calcul réaliste.
Voir : Georghe 2012, Membrane system models for super-Turing paradigms
Une autre approche qui pourraient être pertinente à la cognition (du moins selon une perspective hypercomputationnaliste): le paradigme de calcul interactif.. En gros il s'agit de faire communiquer un ensemble de machines de Turing d'une manière que le tout puisse dépasser la puissance de calcul de chacun et ainsi devenir "super-récursif".
Ceci dit, je n'ai lu que le début de cet article, ainsi que l'énoncé de quelques théorèmes, mais tu le comprendras sûrement mieux que moi...
Bulgin2008_ Superrecursive Features of Interactive computation
D'autres machines ne concernent plus vraiment les systèmes vivants. Certains cherchent à exploiter la relativité générale classique en montrant qu'il existe en théorie des espaces-temps dans lesquels il serait possible de contourner en un temps fini des géodésiques de longueur infinie. Cela permettrait de commencer un calcul au point A, et de partir en un temps fini pour un point B tel que la lumière ait parcouru un temps infini pour aller de A à B.
Dans tous les cas, la réalisabilité physique des modèles théoriques capables de produire des hypercalculs ( super-Turing) est extrèmement controversée. Pour tout dire, les théoriciens de l'informatique comme Martin Davis nous disent d'arrêter de fantasmer et que c'est physiquement impossible, ne serait-ce qu'à cause de limitations dues au bruit stochastique ou même aux fluctuations quantiques que tous ces modèles de calcul oublient. L'infini ne s'atteint jamais en (bio)physique expérimentale.
Voici aussi une réponse plus récente cherchant à défendre l'éventuelle possibilité de la réalisation de l'hypercalcul face aux arguments de Davis:
GOVINDARAJULU 2012, The myth of "the myth of hypercomputation"
Je ne suis pas convaincu par la validité de leurs objections, mais c'est bien de voir qu'il y a un débat...
Un autre point important encore plus récent est que les systèmes dynamiques à temps continus (comme les réseaux de neurones ou les réseaux de protéines qui sont considérés comme des calculateurs analogiques ) ont été reconnus comme équivalent à des machines des Turing par Bournez (en 2014). C'est-à-dire que finalement, il pourrait être acquis que les systèmes continus sont aussi converts par la thèse de Church_Turing , ce qui signifierait que l'on doive oublier l'idée de réalisabilité physique de l'hypercomputationnalité basée sur des systèmes physiques servant de modèles à des equations différentielles.
Bournez 2014, Continuous time models are equivalent to Turing machines (Ici encore je ne comprends pas très bien tous les raisonnements, mais j'ai un vrai livre d'informatique théorique a étudier avant de relire cet article et les autres...
Mais je pense que tu en sais bien plus que moins sur l'informatique théorique
Une remarque: dans le paradigme de "calcul naturel" (natural computing), c'est bien l'expérience du système physique qui est pris comme outil de calcul pour évaluer de manière analogique des systèmes d'equations qui, selon le sens commun habituel, modéliseraient le système physique. En effet, pour illustrer l'idée, mentionnons que le mouvement naturel d'une rivière, par exemple, calcule beaucoup plus rapidement les équations de Navier-Stokes que n'importe quel super-ordinateur.
Je veux aussi faire observer que dans la majorité des articles que je cite ici, il y a des auteurs travaillant en sciences cognitives. Ce qui justifie la pertinence de ce point de vue puisque les auteurs plus "anciens" associent toujours le computationnalisme aux machines de Turing, ce qui fait qu'en suivant leur terminologie, le calcul super-Turing n'est plus "computationnel"... Pour d'autres auteurs, le computationnalisme a été généralisé de manière à inclure l'hypercomputationnalisme..
C'est exactement un des points auquel je réferrais lorsque je disais que ces foutus mots en "-isme" énoncés sans définition étaient polysémiques.
Bref, les débats sont assez récents, et on verra comment la compréhension des notions d'information et de calcul évolueront.
Badak- Messages : 1230
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Bon, je lis, moi.
Faut que je rentre dans le sujet,
je suis pas vraiment versé Sciences Cognitives, apparemment,
pourtant j'suis assez versé, comme garçon.
Faut que j'apprivoise le vocabulaire, puis les concepts.
J'ai lu par ex l'interv' de paella, et j'ai suivi (je lis dans tous les sens)
C'est terriblement intéressant, un fil comme ça, mais j'ai du mal
non à comprendre (je m'y reprends à 3 ou 4 fois mais je finis par piger)
mais ce qui me terrifie un peu, c'est l'extrême hiatus
entre le commun (qui ne comprendra rien) et le passionné (qui maîtrise son sujet)
Je veux dire : si je suis incapable de m'investir dans les théories quantiques ou les particules produites dans le cyclotron,
on s'en fout, je me contente de lire de la doc généraliste,
c'est de la science dure, les gars bossent, ils remettent en cause à chaque découverte les modèles existants, c'est passionnant,
mais on ne marche pas dans le mou : on parle de l'Univers, et de ce qu'on apprend à en connaître (et peut-être si l'Humanité parvient à survivre navigueront-ils sur des modèles tout à fait différents dans quelques siècles, je dis, c'est passionnant.)
Dans le domaine qu'on aborde (et je répète que ce n'est PAS DU TOUt mon domaine de prédilection, les miens étant plutôt l'histoire (antique) , l'Art (en général), les sciences dures (que je n'aborde que par journalismes interposés), la biomédecine, , bon je me disperse
il me semble que quelque chose de "subjectif" s'interpose.
Il est facile d'opposer à Levi Strauss sa démarche "structuraliste",mais
Il devient facile d'opposer à Foucault ses "erreurs" d'interprétation historiques (dans le domaine de la folie, en particulier)
Il est difficile d'opposer "comme ça" quelque chose à VOUS.
Umberto Ecco,(que les dieux l'accueillent en l'Olympe) utilisait votre programme de sémiologie, mais dans un domaine restreint.
Vous (ce n'est pas une critique, je ne permettrais pas !) semblez évoluer dans un monde fait de référentiels un peu inabordables (encore une fois je ne critique pas, on nous conseille de saines lectures abordables par tous et chacun)
mais vous me faites un peu peur.
Avez-vous lu du Heidegger ?
Je crains que vous ne naviguiez dans les mêmes eaux que lui, je veux dire : dans des concepts que VOUS maîtrisez, mais que j'ai du mal à intérioriser.
J'ai eu le même problème à la lecture d'Edgar Morin, un grand esprit s'il en est,
Levi Strauss avait, lui, ce don, ce génie, de rendre sa science d'une lecture facile.
Bon, je ne me permettrai pas de "critiquer" vos passions.
Je vous l'ai dit : je lis.
Merci.
Je relis le dernier paragraphe de badak.
Et je souris.
Si je lis, à haute voix, devant une assemblée de personnes ordinaires mais cultivées,
on va rigoler. Enfin : moi.
je ne sais pas si vous vous en rendez compte....
(Et, moi, j'accède à votre pensée ! Il ne s'agit donc pas de moi )
Je sais, nous sommes sur un forum de HQI, voire THQI.
Je ne nourris aucun complexe, je me sens capable de (sauf de suivre un mathématicien dans ses séries d'équations, là, j'ai fait un blocage à 16 ans dont ne me suis pas remis )
Ce qui me déplaît, quelque part, c'est qu'un discours devienne par le fait même de sa spécificité, isolé, peu accessible, abstrait.
J'ai lu le livre de Piketti sur "Le capital au XXIème siècle".
C'est ardu, long, un pavé, mais c'est accessible. Piketti ne se paie pas de mots.
Vous me rétorquerez : "si t'es pas branchouille, va voir ailleurs, tu trouveras ton bonheur".
Le problème est que je suis révolté.
Vous me rétorquerez : "fous-nous la paix, on dicute entre potes. Si les problèmes religieux style "que signifie la Trinité?" te branchent, vas-y voir.
Le problème est que je suis curieux, et que j'adore relever des défis.
Il se trouve que vous m'en posez un.
................Alors je danse......
Non : ....Alors je lis........
Le titre m'a interpellé : il est "pédagoqique".
Alors chuis v'nu voir.
J'ai de la lecture, merci.
Tu m'étonnes, que c'est chronophage, hé cong !!!!
So long. If.
Faut que je rentre dans le sujet,
je suis pas vraiment versé Sciences Cognitives, apparemment,
pourtant j'suis assez versé, comme garçon.
Faut que j'apprivoise le vocabulaire, puis les concepts.
J'ai lu par ex l'interv' de paella, et j'ai suivi (je lis dans tous les sens)
C'est terriblement intéressant, un fil comme ça, mais j'ai du mal
non à comprendre (je m'y reprends à 3 ou 4 fois mais je finis par piger)
mais ce qui me terrifie un peu, c'est l'extrême hiatus
entre le commun (qui ne comprendra rien) et le passionné (qui maîtrise son sujet)
Je veux dire : si je suis incapable de m'investir dans les théories quantiques ou les particules produites dans le cyclotron,
on s'en fout, je me contente de lire de la doc généraliste,
c'est de la science dure, les gars bossent, ils remettent en cause à chaque découverte les modèles existants, c'est passionnant,
mais on ne marche pas dans le mou : on parle de l'Univers, et de ce qu'on apprend à en connaître (et peut-être si l'Humanité parvient à survivre navigueront-ils sur des modèles tout à fait différents dans quelques siècles, je dis, c'est passionnant.)
Dans le domaine qu'on aborde (et je répète que ce n'est PAS DU TOUt mon domaine de prédilection, les miens étant plutôt l'histoire (antique) , l'Art (en général), les sciences dures (que je n'aborde que par journalismes interposés), la biomédecine, , bon je me disperse
il me semble que quelque chose de "subjectif" s'interpose.
Il est facile d'opposer à Levi Strauss sa démarche "structuraliste",mais
Il devient facile d'opposer à Foucault ses "erreurs" d'interprétation historiques (dans le domaine de la folie, en particulier)
Il est difficile d'opposer "comme ça" quelque chose à VOUS.
Umberto Ecco,(que les dieux l'accueillent en l'Olympe) utilisait votre programme de sémiologie, mais dans un domaine restreint.
Vous (ce n'est pas une critique, je ne permettrais pas !) semblez évoluer dans un monde fait de référentiels un peu inabordables (encore une fois je ne critique pas, on nous conseille de saines lectures abordables par tous et chacun)
mais vous me faites un peu peur.
Avez-vous lu du Heidegger ?
Je crains que vous ne naviguiez dans les mêmes eaux que lui, je veux dire : dans des concepts que VOUS maîtrisez, mais que j'ai du mal à intérioriser.
J'ai eu le même problème à la lecture d'Edgar Morin, un grand esprit s'il en est,
Levi Strauss avait, lui, ce don, ce génie, de rendre sa science d'une lecture facile.
Bon, je ne me permettrai pas de "critiquer" vos passions.
Je vous l'ai dit : je lis.
Merci.
Je relis le dernier paragraphe de badak.
Et je souris.
Si je lis, à haute voix, devant une assemblée de personnes ordinaires mais cultivées,
on va rigoler. Enfin : moi.
je ne sais pas si vous vous en rendez compte....
(Et, moi, j'accède à votre pensée ! Il ne s'agit donc pas de moi )
Je sais, nous sommes sur un forum de HQI, voire THQI.
Je ne nourris aucun complexe, je me sens capable de (sauf de suivre un mathématicien dans ses séries d'équations, là, j'ai fait un blocage à 16 ans dont ne me suis pas remis )
Ce qui me déplaît, quelque part, c'est qu'un discours devienne par le fait même de sa spécificité, isolé, peu accessible, abstrait.
J'ai lu le livre de Piketti sur "Le capital au XXIème siècle".
C'est ardu, long, un pavé, mais c'est accessible. Piketti ne se paie pas de mots.
Vous me rétorquerez : "si t'es pas branchouille, va voir ailleurs, tu trouveras ton bonheur".
Le problème est que je suis révolté.
Vous me rétorquerez : "fous-nous la paix, on dicute entre potes. Si les problèmes religieux style "que signifie la Trinité?" te branchent, vas-y voir.
Le problème est que je suis curieux, et que j'adore relever des défis.
Il se trouve que vous m'en posez un.
................Alors je danse......
Non : ....Alors je lis........
Le titre m'a interpellé : il est "pédagoqique".
Alors chuis v'nu voir.
J'ai de la lecture, merci.
Tu m'étonnes, que c'est chronophage, hé cong !!!!
So long. If.
ifness- Messages : 3028
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Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@ ifness : Re Mon projet initial quand j'ai lancé ce fil était bien de tenter de faire une présentation du sujet abordable et la moins pédante possible, ouverte aux débutants. Donc, tu fais bien de nous rappeler à l'ordre. Ceci étant dit, il est un peu normal au début, et vu que l'on étaient très peu nombreux, de jouer quelques passes d'armes amicales pour faire connaissance. De plus, nous avons chacun des backgrounds qui sont éclectiques, ce qui enrichie d'autant les conversations mais complexifie la communication...
Personne n'a jamais suggéré cela ici, bien au contraire. Très honnêtement, et malgré le peu d'autorité que j'ai sur ce fil, c'est bien la dernière chose que je voudrais entendre, et je suis persuadé de ne pas être le seul, regarde les interventions qu'il y a eu et tu comprendra.
Donc, merci de ton intervention, et j'espère que l'on va maintenant revenir un peu plus sur les fondamentaux, de manière à ce que les personnes qui ont envies de poser des questions ou des demandes d'éclaircissements ne se sentent pas intimidées de les faire. Encore une fois, je pense qu'ici personne ne prêtant être au dessus de la mêlée, il y a juste des différences d'expérience et de point de vue.
Pour ce qui est de nourrir la critique, encore faut-il préalablement que l'on sache de quoi on parle, et ce n'est pas chose aisée. Et puis en plus de la régulation critique, il y a aussi la régulation éthique. N'hésites donc pas à poser des questions sur des points précis qui ne te semblent pas clairs.
Sinon personnellement je n'ai pas lu dans le texte Heidegger, mais il y a certaines de ses idées qui m'intriguent concernant la compréhension de la nature de la technique (il y a aussi, plus récemment, la pensée de Simondon qui m'intéresse)... Tu vois comment çà démarre...
ps : chapeau, si tu as lu le Piketti, à mon avis plus rien ne peux plus t'arrêter !
ifness a écrit:Vous me rétorquerez : "si t'es pas branchouille, va voir ailleurs, tu trouveras ton bonheur".
Personne n'a jamais suggéré cela ici, bien au contraire. Très honnêtement, et malgré le peu d'autorité que j'ai sur ce fil, c'est bien la dernière chose que je voudrais entendre, et je suis persuadé de ne pas être le seul, regarde les interventions qu'il y a eu et tu comprendra.
Donc, merci de ton intervention, et j'espère que l'on va maintenant revenir un peu plus sur les fondamentaux, de manière à ce que les personnes qui ont envies de poser des questions ou des demandes d'éclaircissements ne se sentent pas intimidées de les faire. Encore une fois, je pense qu'ici personne ne prêtant être au dessus de la mêlée, il y a juste des différences d'expérience et de point de vue.
Pour ce qui est de nourrir la critique, encore faut-il préalablement que l'on sache de quoi on parle, et ce n'est pas chose aisée. Et puis en plus de la régulation critique, il y a aussi la régulation éthique. N'hésites donc pas à poser des questions sur des points précis qui ne te semblent pas clairs.
Sinon personnellement je n'ai pas lu dans le texte Heidegger, mais il y a certaines de ses idées qui m'intriguent concernant la compréhension de la nature de la technique (il y a aussi, plus récemment, la pensée de Simondon qui m'intéresse)... Tu vois comment çà démarre...
ps : chapeau, si tu as lu le Piketti, à mon avis plus rien ne peux plus t'arrêter !
soto²- Messages : 2760
Date d'inscription : 07/12/2016
Localisation : Au delಠ(31)
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Je sens que tu es très sympa, que tu désires réellement communiquer/faire comprendre/dialoguer
Badak et paella participent, c'est bien,
on va voir.
(Bon Piketti, laisse béton, i a vendu des mill....d'exemplaires
ce qui ne prouve rien)
-il est adoré sur les campus américains-
mais je te conseille un livre hilarant, le dernier Laurent Binet
"La septième fonction du langage"
il y est question de sémiotique entres autres,
et Binet ridiculise ouvertement (on se tord de rire) les discours fumeux de Barthes ,de Foucault, de Derrida, and so & so,
qui firent les belles heures des campus des années 80.
Ceci pour dire que oui, il est nécessaire d'être accessible.
(je notais dans mon précédent post une exception évidente : les équations mathématiques ou astrophysiques)
Bon, je vais lire, en fait si tu mesures tu te rends compte que votre fil fait un bouquin, ou quasi,
surtout si on entre dans un sujet a priori abstrus.
A bientôt. Je vais lire.
Ca m'intéresse,
vu que je ne connais pas bien (si certaines notions....) et que ça me paraît réellement pas fumeux, branché sur des réalités neuves que tout "honnête homme" se doit de bosser. (Mon héroïne est Emilie du Chatelet, qui, près de Voltaire, traduisit Newton.)
Voilà : je me situe perso dans la ligne de Diderot (un ami )
merci pour (en dépit de ton autorité) ton humilité.
If.
Badak et paella participent, c'est bien,
on va voir.
(Bon Piketti, laisse béton, i a vendu des mill....d'exemplaires
ce qui ne prouve rien)
-il est adoré sur les campus américains-
mais je te conseille un livre hilarant, le dernier Laurent Binet
"La septième fonction du langage"
il y est question de sémiotique entres autres,
et Binet ridiculise ouvertement (on se tord de rire) les discours fumeux de Barthes ,de Foucault, de Derrida, and so & so,
qui firent les belles heures des campus des années 80.
Ceci pour dire que oui, il est nécessaire d'être accessible.
(je notais dans mon précédent post une exception évidente : les équations mathématiques ou astrophysiques)
Bon, je vais lire, en fait si tu mesures tu te rends compte que votre fil fait un bouquin, ou quasi,
surtout si on entre dans un sujet a priori abstrus.
A bientôt. Je vais lire.
Ca m'intéresse,
vu que je ne connais pas bien (si certaines notions....) et que ça me paraît réellement pas fumeux, branché sur des réalités neuves que tout "honnête homme" se doit de bosser. (Mon héroïne est Emilie du Chatelet, qui, près de Voltaire, traduisit Newton.)
Voilà : je me situe perso dans la ligne de Diderot (un ami )
merci pour (en dépit de ton autorité) ton humilité.
If.
ifness- Messages : 3028
Date d'inscription : 04/07/2016
Age : 101
Localisation : Plus nulle part, désormais
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
@ ifness : tu te trompes, je ne suis pas sympa, j'essaye d'être convivial et de tenir l'engagement de mon titre de fil. Question de co-errance. Ok ?!
soto²- Messages : 2760
Date d'inscription : 07/12/2016
Localisation : Au delಠ(31)
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
soto² (mode camo on) a écrit:...Question de co-errance. Ok ?!
- Spoiler:
- La co-errance, c'est bien d'errer ensemble qu'il s'agit ! ? Finalement, on se construit un chemin ensemble au moyen de nos errements qui nous permettent d'espérer nous y retrouver bientôt.... Par delà les embuches posés par le langage, et les différences d'objectifs.
Je vais revenir avec plus pertinent un peu plus tard...
Badak- Messages : 1230
Date d'inscription : 02/12/2011
Localisation : Montréal
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
- @Badak, au sujet de la calculabilité:
- Merci pour tes remarques Badak. J'ai pris le temps de parcourir une partie des liens que tu proposes.
-Pour ce qui est des réseaux de neurones statiques avec poids réels, l'article Analog computation via neural networks de Hava T. Siegelmann et Eduardo D. Sontag montre qu'ils reconnaissent tous les langages binaires en un temps exponentiel. Cependant, la reconnaissance de langages non récursifs nécessite qu'un des poids soit un réel non calculable. Ce réel sert à coder une famille dénombrable quelconque de fonctions booléennes d'arités finies.
Je n'ai pas lu l'article que tu proposes parce que je voulais d'abord voir ce qu'il en était du cas statique, mais je crois que l'idée dans le cas dit plastique (non statique, les poids dépendent du temps, discret) avec poids rationnels est que la dépendance temporelle d'un des poids en fait une suite de non calculable de rationnels, d'où probablement le même genre d'astuce.
-Je n'ai pas regardé le truc des membranes. C'est vrai que le coup de l'infinité de "cellules" imbriquées ne fait pas très réalisable! Même en maths on évite les ensembles mal fondés!
-L'article de Mark Bulgin n'est pas extrêmement intéressant parce que les résultats sont assez intuitifs: on prend une machine de Turing et on la fait interagir avec une machine super-Turing ou dans un contexte qui permet de calculer des choses non Turing-calculables.
-Je n'ai pas lu les papiers concernant l'utilisation de la théorie de la relativité, mais j'ai vu qu'un article particulier qui semblait montrer qu'on résolvait le problème de l'arrêt en observant un trou noir était souvent cité.
-Je n'ai pas lu The myth of hypercomputation.
-The myth of "the myth of hypercomputation" ressemble un peu à un caprice, bien que l'idée principale - on ne peut pas savoir tant qu'on a pas compris pourquoi c'est impossible et vérifier que tous les modèles déjà conçus ne sont pas réalisables - est valide. Peut-être que tout part de l'interprétation faite du terme "mythe" (un mythe est nécessairement faux). On peut très bien parler aujourd'hui du mythe de la conquête galactique; ça n'empêche pas d'espérer.
-L'article de Bournez ne montre pas que les systèmes qu'il décrit (qui ne couvrent pas tous les systèmes de calcul analogique) sont équivalents aux machines de Turing. Il mentionnent ce résultat en affirmant que c'est une conséquence de Comutatiliby with polynomial differential equations. (Graça, Campagnolo, Buescu), qui prouve effectivement qu'ils sont au moins aussi forts, et de Effective computability of solutions of differential inclusions - the ten thousand monkeys approach. (Graça, Collins), qui ne prouve pas exactement la réciproque - et je n'ai pas trouvé de moyen de la déduire de leurs résultats mais ça doit être possible sans trop de difficultés sinon j'imagine que Bournez ne l'aurait pas affirmé comme ça. En tout cas, ce qu'il montre à partir de cette équivalence est que selon une certaine notion de complexité (dont l'introduction est un des apports principaux de l'article), on peut naturellement définir des classes de complexité de reconnaissances de langages par un système analogique (à la Bournez) qui coïncident avec les classes analogues (au sens courant) mais dans le cas des machines de Turing.
-Ta remarque sur le calcul naturel est importante pour ce qui nous intéresse dans ce fil je pense. En réfléchissant sur ces exemples, on voit quand même que cela ne serait pas si incroyable que ça qu'un système physique, par exemple un être humain, puisse effectuer "sans aide extérieure" des calculs de fonctions non récursives, soit parce qu'il a des réels non calculables et des rivières qui se baladent dans la tête soit parce qu'il est directement en contact avec un oracle, soit parce qu'il n'y a pas que la Turing-calculabilité dans la vie.
Pour résumer cette parenthèse, depuis Turing, les informaticiens, mathématiciens et autres utilisent une notion de calcul qui est formellement définie en maths: le calcul par une machine de Turing. Description (modifiée) de ce qu'est une machine de Turing par Wikipedia:
Une machine de Turing est une sorte de machine à écrire automatique qui comporte les éléments suivants :
-Un nombre fini de rubans horizontaux parallèles infinis vers la gauche divisés en cases consécutives, avec une première case à droite pour chacun, les premières cases étant alignées. Chaque case peut comporter le symbole 0 ou le symbole 1. On considère que les cases non encore écrites des ruban contiennent le symbole 0 ;
-Une tête de lecture/écriture qui peut lire et écrire les symboles sur les rubans (tous ceux qui sont verticalement alignés avec la tête de lecture), et se déplacer d'une case vers la gauche ou vers la droite des ruban perpendiculairement à eux;
-Un registre d'état qui mémorise l'état courant de la machine de Turing. Le nombre d'états possibles est fini, et il existe un état spécial appelé "état initial" qui est l'état de la machine avant son exécution, et un "état final" qui est l'état qui indique à la machine de s'arrêter.
-Une table d'actions qui indique à la machine, en fonction de l'état dans lequel elle est et des symbole qu'elle lit là où la tête de lecture se trouve, quel symbole écrire sur le ruban, comment déplacer la tête de lecture (ou bien pas du tout, ou bien d'une case vers la gauche, ou bien d'une case vers la droite), et quel est le nouvel état de la machine. Si aucune action n'existe pour une combinaison donnée d'un symbole lu et d'un état courant, la machine s'arrête. Cette table d'action est définie à l'avance, d'où le fait que la machine fonctionne toute seule.
On écrit autant de suites fines u1,u2,...,up de 0 et de 1 qu'il y a de rubans sur chaque ruban de la machine de Turing T, le dernier symbole de chacque suite figure sur la première case du ruban sur lequel elle est écrite. La machine se lance selon sa table d'action, et finit par s'arrêter si elle atteint l'état final. Le cas échéant, la suite de 0 et de 1 qui est écrite sur le ruban est considérée comme le résultat T(u1,...,up) du calcul de T en u1,...,up. Sachant que les suites finies de 0 et de 1 correspondent naturellement à des nombres entiers via la décomposition en base binaire (0 correspond à 1.2^0 = 1, 101 correspond à 1.2^2 + 0.2^1 + 1.2^0 = 5, 1000 correspond à 1.2^3 + 0.2^2 +0.2^1 + 0.2^0 = 8, etc...), on peut une fois ce codage effectué considérer que T calcule la fonction qui à la liste de nombres codés respectivement par u1,...,up associe le nombre codé par T(u1,...,up). Attention toutefois, la machine peut tourner en boucle, et donc la fonction associée n'est pas nécessairement définie en tout p-uplet d'entiers.
Les machines de Turing peuvent calculer plein des choses: elles peuvent faire des additions, des multiplications, des divisions euclidiennes, et j'en passe. Ce sont les modèles de calcul à partir desquels on a conçu l'ordinateur.
La thèse de Church-Turing consiste en l'idée que tout calcul réalisable (en un sens non formel: tout calcul qu'on peut réaliser) est réalisable par une machine de Turing. On peut dire qu'à ce jour, on n'a pas trouvé de moyen de dépasser "la barrière de Turing" et de proposer des machines qui calculent plus que les machines de Turing. Si on trouvait un moyen de le faire, cela réfuterait la thèse, et changerait notre façon de voir le calcul, les ordinateurs. Mais cela n'invaliderait pas à ce que je sache les courants cognitiviste et connexionniste. C'est plutôt une question interne à ces courants. Bref, je pense qu'on peut dire que la thèse de Church-Turing n'est pas fondamentale dans ce qui nous importe.
Bienvenue ifness!
Dernière édition par paela le Mer 1 Fév 2017 - 0:51, édité 1 fois
paela- Messages : 2689
Date d'inscription : 30/05/2011
Age : 31
Localisation : Bordeaux
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Merci paela.
Pour l'heure je me débats en cohérence et co-errance.
Ton spoiler me donne de la difficulté.
Merdre, il va me falloir réactiver certains neurones.
Mais ça me va, j'en ai besoin, je dors trop.
Pour l'heure je me débats en cohérence et co-errance.
Ton spoiler me donne de la difficulté.
Merdre, il va me falloir réactiver certains neurones.
Mais ça me va, j'en ai besoin, je dors trop.
ifness- Messages : 3028
Date d'inscription : 04/07/2016
Age : 101
Localisation : Plus nulle part, désormais
Re: Comment se repérer dans le domaine complexe des Sciences Cognitives
Badak a écrit:Je pense qu'on peut parler de l'"enactivisme" comme d'un paradigme de recherche pouvant inspirer les sciences cognitives, mais en soi l'idée de l'enaction ne semble pas être techniquement vérifiable. ( Comment penseriez vous que ce puisse faire l'objet d'expériences chez des non-humains ? )
A mon avis, c'est justement sur les humains que c'est est le plus intéressant, et pas n'importe lesquels : nous même !
Badak a écrit:On peut par contre postuler l'existence de ce monde subjective pour tout être vivant et système cognitif, et en comprendre intuitivement les grandes lignes en nous référant aux modes de perceptions. Par exemple, le monde interne de la chauve-souris est tel qu'il peut être perçu par les sonars tandis que celui du chien l'est surtout par l'olfaction (Nagel: what is it like to be a bat ?)
Non, je ne suis pas d'accord !! Ne commençons pas à flouter la distinction entre "être vivant" et "système cognitif", ou alors il faut déclarer son allégeance transhumaniste tout de suite et on ouvre un nouveau fil.
Par contre très bonne référence à Nagel pour ceux qui veulent comprendre la légitimité de l'idée du monde propre/phénoménal (Umwelt, Von Uexkul), sans passer d’emblée par l'absconde et élitiste phénoménologie husserlienne, et cheminer vers la praxis complémentaire du "point de vue en 1ère personne".
Badak a écrit:Je remarque aussi que ce monde interne subjectif n'est pas forcé d'être conscient, puisque on ne sait rien de la conscience de la chauve-souris, et que même chez l'humain, nous ne pouvons jamais être pleinement conscient de l'ensemble de nos perceptions ou des transformations qu'elles produisent en nous. D'ailleurs Varela applique ce paradigme de l'enaction (et de l'autopoiesis) également aux cellules vivantes, qui ne sont apriori pas conscientes (au sens habituel du terme ).
Oui, bien sur, et c'est pour aussi çà que nous avons besoin de nous appuyer sur une culture rationnelle valide et objectiviste, et d'échanger nos points de vue respectifs. Nous ne sommes pas grand chose sans les autres...
Tiens une superbe référence varélienne sur la biosémiotique (Sebeok, Brier, ...) :
The 'Surplus of Meaning'. Biosemiotic aspects in Francisco J. Varela's philosophy of cognition, Andreas Weber.
Voir aussi du même auteur : Life after Kant: Natural purposes and the autopoietic foundations of biological individuality - Weber, Varela, 2002.
Badak a écrit:Si on prend au sérieux la portée phénoménologique de l'idée d'enaction pour tous les systèmes cognitifs "incarnés", alors cela impliquerait de prendre au sérieux l'existence d'un monde interne subjectif chez les robots "épigénétiques", ( i.e. les robots cognitifs qui se développent au contact d'un environnement sensoriel ). Sinon, sur quelle base n'appliquer le concept d'enaction qu'à certains des systèmes cognitifs et pas aux autres ? Ça nous prendrait dans chaque cas, une connaissance à la première personne d'un point de vue subjectif qui n'est pas le notre.
Tu peux enlever les guillements à "incarné". Ma chair ce n'est pas une métaphore, elle, et mon rapport au corps n'est pas virtuel. Par contre, ce n'est peut-être pas le cas pour tout le monde. Si ?!
Et çà continue... par contre tu as bien fait de mettre des guillements à "épigénétique"... les robots "cognitifs qui se développent au contact d'un environnement sensoriel". Puisque tes machines sont déjà "cognitives", qu'elle se "développent" et qu'elles ont un "environnement sensoriel", je ne vois vraiment pas pourquoi nous nous embêtons (...) à discuter et à réfléchir !!
Appliquer, appliquer, vous n'avez donc que ce mot à la bouche ?! c'est cela le faitichisme. Si tu veux à tout pris appliquer le concept d'enaction, c'est à toi-même qu'il faut d'abord le faire. L'enaction c'est une praxis de souplesse herméneutique, c'est une vision ouverte et compréhensive (au double sens du mot).
Ce que les scientifiques sont incapables de théoriser, et tant mieux, c'est justement la créativité scientifique.
"il ne s’agit pas de contester les sciences, mais d’admettre qu’elles s’enracinent dans une expérience première de l’être.". Merleau-Ponty.
"Faire de la science, ce n’est pas vérifier une ontologie, c’est se priver d’ontologie préconçue." Rastier.
soto²- Messages : 2760
Date d'inscription : 07/12/2016
Localisation : Au delಠ(31)
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