Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
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Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Aujourd'hui, j'ai rencontré de nouvelles personnes, il fallait que je l'écrive, il fallait que je relate.
Je suis partie hésitante, rouge à lèvres plaqué à la va vite sur mon manque de confiance en moi, ce même rouge à lèvres qui habillera mon faux sourire dans une petite heure. Durant le trajet, je tente de ne plus penser, je m’emplis de musique, j'augmente le volume pour faire taire tout ce qui crie dans mon esprit, toutes ces voix contradictoires qui aimeraient toutes avoir raison. J'arrive enfin place de la Victoire, mes yeux cherchent les autres zèbres qui doivent m'accompagner à la découverte de ces autres. Je les aperçois, souris, respire, tend la main. Nous sommes ensemble. Eux non plus, ne sont pas comme moi, pas exactement, mais je n'ai pas peur, pas avec eux.
Je tente des bribes de conversation, je n'y arrive pas, ils se connaissent mieux, se sourient, se ressentent. Suis-je nerveuse ?Je suis venue seule, sans mon acolyte zèbre qui me fais me sentir invincible. Oui, je suis comme eux deux, moi aussi je connais quelqu'un, je lui souris, je la ressens. Arrivée à l'entrée du salon de thé, il y a cette fille qui se tourne de chaque côté de la rue. Elle semble plus perdue que moi, pourtant si elle savait le tumulte qui se joue au creux de ma tête. Je l'aborde, souris, je me félicite, je n'ai pas encore mis mon masque, je n'en ai pas encore envie.
Nous nous présentons, entrons, au fond du bar il y a cette petite estrade, des chaises, des coussins, il faut se déchausser, se mettre à nu, au moins une partie du corps, et il y a ces autres gens qui se connaissent, qui se sourient, qui se retrouvent alors que je découvre. Je sens bien que quelque chose se referme, se casse. "De mieux en mieux Karaba, maintenant tu as peur des gens, des rencontres."
Je m'assois, je ne me cache pas au fond, je ne replie pas mes jambes, je ne regarde pas mes pieds, je ne baisse ni les yeux, ni la nuque, je ne courbe pas mon dos, je souris, je ne suis pas introvertie, je ne veux pas disparaître, je ne veux pas m'effacer, je ne veux pas me refermer, je ne veux pas me cacher, je me tiens droite, je souris, j'enjoins mon rouge à lèvres de faire son effet, peut-être sa jolie couleur me rend-elle sympathique, je me fais violence pour ne pas céder à la facilité. Je ne touche pas à mon téléphone, je n'enfonce pas mes ongles dans ma peau, je ne me mords pas les lèvres, je ne fuis pas, je sens juste la chose qui se terre dans mon ventre, qui s'y loge, s'y étend, inéluctablement, prenant de plus en plus de place. Je la sens remonter dans ma gorge, j'entends la voix qui dit que cette fois, j'y arriverai toute seule.
J'ai du mal à parler, je scrute, je tourne la tête partout, tout est à voir, à entendre, je retiens tout, j'analyse tout, le sourire de la fille à ma gauche, ces tâches de rousseur, comment l'organisatrice est mal à l'aise, se tournant dans tous les sens pour voir tout le monde, cette autre fille la bas qui crée des apartés mais nous regarde en souriant, le garçon qui ne connaît personne et déglutit tous les trois mots, celui qui garde sa casquette, avachi dans le fauteuil, qui se donne un genre qui contraste avec ces paroles, et cet autre qui ne parle que de choses sérieuses, comme si les sujets creux l'effrayaient.
Je me présente, je n'y coupe pas, je n'ai pas le choix, je fais court, j'essaie de ne pas m'attarder, de ne pas trop en dire, j'ai toujours honte de ce que je suis, les gens ne sourient pas, ils sont perplexes, pourquoi en suis-je là, si tard, si loin du moule ? Je parle d'un éventuel cursus pour l'année prochaine, "je n'aime pas trop l'école" dis-je, je souris, personne n'aime l'école de toute façon elle était facile celle là, t'as déjà trouvé mieux Emma pour t'intégrer, avoue, en plus tu adores l'école.
Le couperet tombe, net, affreux. "Tu as la phobie de l'école?" Je sens le sang affluer dans ma tête, dans mes joues, je dois devenir rose, mon coeur bat plus vite, mes mains se mettent à trembler, les larmes montent, je n'ai pas de parade, je n'étais pas prête, je n'ai pas de masque, j'aimerai partir, disparaître. "Oui." C'est l'étonnement, le mien, celui des autres, la question qui n'avait pas sa place, la réponse trop sincère, ça pèse lourd un regard, ça pèse lourd un mot de 3 lettres. "Et pourquoi, qu'est ce que tu n'aimes pas?" Je ne veux pas, et la chose dans mon ventre s'agite, les voix crient, elles hurlent, ça n'a rien à faire là, sors, pars, c'est le vide ici. Le sujet change, je remercie silencieusement celui qui fit diversion.
J'ai perdu mon regard dans les tasses de thé, je croise les jambes, les mains, j'enfonce mes ongles dans ma peau, je ne raccrocherai pas, je regarde les autres zèbres, je regarde le vide, je range mon sourire, j'ai eu peur, je n'ai plus de forces, je n'ai plus d'envies, je n'ai plus de masque, on m'oublie, on saute mon tour. Il y a la chose dans mon ventre qui murmure, elle me chante une berceuse, et les voix qui chuchotent, j'ai oublié comment les mots se forment, j'enfile mon manteau, je réprime mes frissons, je sors.
"A bientôt."
Je suis partie hésitante, rouge à lèvres plaqué à la va vite sur mon manque de confiance en moi, ce même rouge à lèvres qui habillera mon faux sourire dans une petite heure. Durant le trajet, je tente de ne plus penser, je m’emplis de musique, j'augmente le volume pour faire taire tout ce qui crie dans mon esprit, toutes ces voix contradictoires qui aimeraient toutes avoir raison. J'arrive enfin place de la Victoire, mes yeux cherchent les autres zèbres qui doivent m'accompagner à la découverte de ces autres. Je les aperçois, souris, respire, tend la main. Nous sommes ensemble. Eux non plus, ne sont pas comme moi, pas exactement, mais je n'ai pas peur, pas avec eux.
Je tente des bribes de conversation, je n'y arrive pas, ils se connaissent mieux, se sourient, se ressentent. Suis-je nerveuse ?Je suis venue seule, sans mon acolyte zèbre qui me fais me sentir invincible. Oui, je suis comme eux deux, moi aussi je connais quelqu'un, je lui souris, je la ressens. Arrivée à l'entrée du salon de thé, il y a cette fille qui se tourne de chaque côté de la rue. Elle semble plus perdue que moi, pourtant si elle savait le tumulte qui se joue au creux de ma tête. Je l'aborde, souris, je me félicite, je n'ai pas encore mis mon masque, je n'en ai pas encore envie.
Nous nous présentons, entrons, au fond du bar il y a cette petite estrade, des chaises, des coussins, il faut se déchausser, se mettre à nu, au moins une partie du corps, et il y a ces autres gens qui se connaissent, qui se sourient, qui se retrouvent alors que je découvre. Je sens bien que quelque chose se referme, se casse. "De mieux en mieux Karaba, maintenant tu as peur des gens, des rencontres."
Je m'assois, je ne me cache pas au fond, je ne replie pas mes jambes, je ne regarde pas mes pieds, je ne baisse ni les yeux, ni la nuque, je ne courbe pas mon dos, je souris, je ne suis pas introvertie, je ne veux pas disparaître, je ne veux pas m'effacer, je ne veux pas me refermer, je ne veux pas me cacher, je me tiens droite, je souris, j'enjoins mon rouge à lèvres de faire son effet, peut-être sa jolie couleur me rend-elle sympathique, je me fais violence pour ne pas céder à la facilité. Je ne touche pas à mon téléphone, je n'enfonce pas mes ongles dans ma peau, je ne me mords pas les lèvres, je ne fuis pas, je sens juste la chose qui se terre dans mon ventre, qui s'y loge, s'y étend, inéluctablement, prenant de plus en plus de place. Je la sens remonter dans ma gorge, j'entends la voix qui dit que cette fois, j'y arriverai toute seule.
J'ai du mal à parler, je scrute, je tourne la tête partout, tout est à voir, à entendre, je retiens tout, j'analyse tout, le sourire de la fille à ma gauche, ces tâches de rousseur, comment l'organisatrice est mal à l'aise, se tournant dans tous les sens pour voir tout le monde, cette autre fille la bas qui crée des apartés mais nous regarde en souriant, le garçon qui ne connaît personne et déglutit tous les trois mots, celui qui garde sa casquette, avachi dans le fauteuil, qui se donne un genre qui contraste avec ces paroles, et cet autre qui ne parle que de choses sérieuses, comme si les sujets creux l'effrayaient.
Je me présente, je n'y coupe pas, je n'ai pas le choix, je fais court, j'essaie de ne pas m'attarder, de ne pas trop en dire, j'ai toujours honte de ce que je suis, les gens ne sourient pas, ils sont perplexes, pourquoi en suis-je là, si tard, si loin du moule ? Je parle d'un éventuel cursus pour l'année prochaine, "je n'aime pas trop l'école" dis-je, je souris, personne n'aime l'école de toute façon elle était facile celle là, t'as déjà trouvé mieux Emma pour t'intégrer, avoue, en plus tu adores l'école.
Le couperet tombe, net, affreux. "Tu as la phobie de l'école?" Je sens le sang affluer dans ma tête, dans mes joues, je dois devenir rose, mon coeur bat plus vite, mes mains se mettent à trembler, les larmes montent, je n'ai pas de parade, je n'étais pas prête, je n'ai pas de masque, j'aimerai partir, disparaître. "Oui." C'est l'étonnement, le mien, celui des autres, la question qui n'avait pas sa place, la réponse trop sincère, ça pèse lourd un regard, ça pèse lourd un mot de 3 lettres. "Et pourquoi, qu'est ce que tu n'aimes pas?" Je ne veux pas, et la chose dans mon ventre s'agite, les voix crient, elles hurlent, ça n'a rien à faire là, sors, pars, c'est le vide ici. Le sujet change, je remercie silencieusement celui qui fit diversion.
J'ai perdu mon regard dans les tasses de thé, je croise les jambes, les mains, j'enfonce mes ongles dans ma peau, je ne raccrocherai pas, je regarde les autres zèbres, je regarde le vide, je range mon sourire, j'ai eu peur, je n'ai plus de forces, je n'ai plus d'envies, je n'ai plus de masque, on m'oublie, on saute mon tour. Il y a la chose dans mon ventre qui murmure, elle me chante une berceuse, et les voix qui chuchotent, j'ai oublié comment les mots se forment, j'enfile mon manteau, je réprime mes frissons, je sors.
"A bientôt."
Dernière édition par karabalasorciere le Dim 23 Oct 2016 - 15:58, édité 1 fois
karabalasorciere- Messages : 78
Date d'inscription : 29/05/2016
Age : 29
Localisation : Bordeaux
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Comme je te comprends...
Je suis désolée, j'aimerais te dire quelque chose d'utile après avoir lu ton récit mais je ne trouve pas... J'aurais pu écrire la même chose.
Je suis désolée, j'aimerais te dire quelque chose d'utile après avoir lu ton récit mais je ne trouve pas... J'aurais pu écrire la même chose.
Invité- Invité
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Être un décalé parmi les décalés.
On apprend. Ou pas. Parfois, ce n'est pas possible.
Ou il faut une clé qu'on a pas encore.
On apprend. Ou pas. Parfois, ce n'est pas possible.
Ou il faut une clé qu'on a pas encore.
Boitachat- Messages : 1754
Date d'inscription : 31/07/2013
Age : 44
Localisation : Au fond du couloir, à gauche de l'infini.
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Très joli texte !
J'aime beaucoup ta façon de raconter à la première personne tout en décrivant de façon précise les pensées de tous... Joli procédé littéraire fictionnel.
Heureusement que dans la réalité des rencontres cela est impossible, et qu'il est bien plus sage (bien que souvent difficile, pour moi en tout cas), quand on est avec des inconnus, de se concentrer sur la couleur du papier peint ou de leur cravate, plutôt que de se laisser divaguer sur ce qu'on croit savoir d'eux .
C'est bien que nous soyons ici dans la partie écriture : ça t'aura permis de poser ça, pour mieux l'oublier et apprécier l'instant présent la prochaine fois .
Enjoy !
Et au plaisir de te croiser par chez nous, peut-être ?
J'aime beaucoup ta façon de raconter à la première personne tout en décrivant de façon précise les pensées de tous... Joli procédé littéraire fictionnel.
Heureusement que dans la réalité des rencontres cela est impossible, et qu'il est bien plus sage (bien que souvent difficile, pour moi en tout cas), quand on est avec des inconnus, de se concentrer sur la couleur du papier peint ou de leur cravate, plutôt que de se laisser divaguer sur ce qu'on croit savoir d'eux .
C'est bien que nous soyons ici dans la partie écriture : ça t'aura permis de poser ça, pour mieux l'oublier et apprécier l'instant présent la prochaine fois .
Enjoy !
Et au plaisir de te croiser par chez nous, peut-être ?
Cyrielle- Messages : 298
Date d'inscription : 06/05/2014
Age : 52
Localisation : Bordeaux
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
C'est à cause du thé ! Cela se serait certainement passé bien différemment dans un bar à cocktails !
Invité- Invité
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Merci beaucoup pour vos réponses ! L'écrire, et savoir que je serais peut-être lue, m'a effectivement permis de poser les choses et de repartir plus sereine pour une soirée où j'ai rencontré de nouveaux gens de manière sereine et agréable !
Heliox, je pense que le simple fait que tu ai lu mon texte et répondu me fait plaisir.
Cyrielle, je ne savais pas que c'était un procédé littéraire, c'est la manière dont j'ai toujours écris je crois. En tout cas, merci du compliment. Au plaisir d'une rencontre, autour d'un thé
Évidemment Aube, pourquoi n'y ai-je pas pensé ?
Heliox, je pense que le simple fait que tu ai lu mon texte et répondu me fait plaisir.
Cyrielle, je ne savais pas que c'était un procédé littéraire, c'est la manière dont j'ai toujours écris je crois. En tout cas, merci du compliment. Au plaisir d'une rencontre, autour d'un thé
Évidemment Aube, pourquoi n'y ai-je pas pensé ?
karabalasorciere- Messages : 78
Date d'inscription : 29/05/2016
Age : 29
Localisation : Bordeaux
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Salut Karaba,
J'ai été touché par ton texte car je m'y suis pas mal reconnu. A de nombreuses reprises j'ai vécu des moments similaires à celui que tu as décris.
Je n'ai pas de solutions à te proposer, juste te dire de ne pas baisser les bras et de persévérer. Fuir ces situations là serait la pire des décisions car elle te fera entrer dans un cercle vicieux où tu chercheras constamment à fuir les autres plutôt que de les affronter.
Le tout c'est d'encaisser, c'est dur je sais mais tu n'as pas le choix.
Lorsque j'étais confronté à ce genre de situations, le plus dur était pour moi d'accepter que les autres puissent me voir en "position de faiblesse". Mais si tu sais au fond de toi que tu n'es pas faible, alors qu'est ce que tu en a à ****** de rougir devant les gens, d'être mal à l'aise ou même d'être catégorisée comme étant "phobique" ?!
Demande à un fumeur de mettre de coté son paquet pour une soirée, tu vas voir qu'il va commencer à trembler et à angoisser. On est tous phobique de quelque chose, le tout c'est de l'accepter, de prendre du recul et surtout, d'affronter ses peurs.
Je te souhaite bonne continuation Karaba. Force à toi
PS : Comme Cyrielle, j'ai vraiment apprécié ton style d'écriture
J'ai été touché par ton texte car je m'y suis pas mal reconnu. A de nombreuses reprises j'ai vécu des moments similaires à celui que tu as décris.
Je n'ai pas de solutions à te proposer, juste te dire de ne pas baisser les bras et de persévérer. Fuir ces situations là serait la pire des décisions car elle te fera entrer dans un cercle vicieux où tu chercheras constamment à fuir les autres plutôt que de les affronter.
Le tout c'est d'encaisser, c'est dur je sais mais tu n'as pas le choix.
Lorsque j'étais confronté à ce genre de situations, le plus dur était pour moi d'accepter que les autres puissent me voir en "position de faiblesse". Mais si tu sais au fond de toi que tu n'es pas faible, alors qu'est ce que tu en a à ****** de rougir devant les gens, d'être mal à l'aise ou même d'être catégorisée comme étant "phobique" ?!
Demande à un fumeur de mettre de coté son paquet pour une soirée, tu vas voir qu'il va commencer à trembler et à angoisser. On est tous phobique de quelque chose, le tout c'est de l'accepter, de prendre du recul et surtout, d'affronter ses peurs.
Je te souhaite bonne continuation Karaba. Force à toi
PS : Comme Cyrielle, j'ai vraiment apprécié ton style d'écriture
YKWhy- Messages : 5
Date d'inscription : 22/10/2016
Age : 30
Localisation : Ici ou là
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
karabalasorciere a écrit:Aujourd'hui, j'ai rencontré de nouvelles personnes, il fallait que je l'écrive, il fallait que je relate.
Je suis partie hésitante, rouge à lèvres plaqué à la va vite sur mon manque de confiance en moi, ce même rouge à lèvres qui habillera mon faux sourire dans une petite heure. Durant le trajet, je tente de ne plus penser, je m’emplis de musique, j'augmente le volume pour faire taire tout ce qui crie dans mon esprit, toutes ces voix contradictoires qui aimeraient toutes avoir raison. J'arrive enfin place de la Victoire, mes yeux cherchent les autres zèbres qui doivent m'accompagner à la découverte de ces autres. Je les aperçois, souris, respire, tend la main. Nous sommes ensemble. Eux non plus, ne sont pas comme moi, pas exactement, mais je n'ai pas peur, pas avec eux.
Je tente des bribes de conversation, je n'y arrive pas, ils se connaissent mieux, se sourient, se ressentent. Suis-je nerveuse ?Je suis venue seule, sans mon acolyte zèbre qui me fais me sentir invincible. Oui, je suis comme eux deux, moi aussi je connais quelqu'un, je lui souris, je la ressens. Arrivée à l'entrée du salon de thé, il y a cette fille qui se tourne de chaque côté de la rue. Elle semble plus perdue que moi, pourtant si elle savait le tumulte qui se joue au creux de ma tête. Je l'aborde, souris, je me félicite, je n'ai pas encore mis mon masque, je n'en ai pas encore envie.
Nous nous présentons, entrons, au fond du bar il y a cette petite estrade, des chaises, des coussins, il faut se déchausser, se mettre à nu, au moins une partie du corps, et il y a ces autres gens qui se connaissent, qui se sourient, qui se retrouvent alors que je découvre. Je sens bien que quelque chose se referme, se casse. "De mieux en mieux Karaba, maintenant tu as peur des gens, des rencontres."
Je m'assois, je ne me cache pas au fond, je ne replie pas mes jambes, je ne regarde pas mes pieds, je ne baisse ni les yeux, ni la nuque, je ne courbe pas mon dos, je souris, je ne suis pas introvertie, je ne veux pas disparaître, je ne veux pas m'effacer, je ne veux pas me refermer, je ne veux pas me cacher, je me tiens droite, je souris, j'enjoins mon rouge à lèvres de faire son effet, peut-être sa jolie couleur me rend-elle sympathique, je me fais violence pour ne pas céder à la facilité. Je ne touche pas à mon téléphone, je n'enfonce pas mes ongles dans ma peau, je ne me mords pas les lèvres, je ne fuis pas, je sens juste la chose qui se terre dans mon ventre, qui s'y loge, s'y étend, inéluctablement, prenant de plus en plus de place. Je la sens remonter dans ma gorge, j'entends la voix qui dit que cette fois, j'y arriverai toute seule.
J'ai du mal à parler, je scrute, je tourne la tête partout, tout est à voir, à entendre, je retiens tout, j'analyse tout, le sourire de la fille à ma gauche, ces tâches de rousseur, comment l'organisatrice est mal à l'aise, se tournant dans tous les sens pour voir tout le monde, cette autre fille la bas qui crée des apartés mais nous regarde en souriant, le garçon qui ne connaît personne et déglutit tous les trois mots, celui qui garde sa casquette, avachi dans le fauteuil, qui se donne un genre qui contraste avec ces paroles, et cet autre qui ne parle que de choses sérieuses, comme si les sujets creux l'effrayaient.
Je me présente, je n'y coupe pas, je n'ai pas le choix, je fais court, j'essaie de ne pas m'attarder, de ne pas trop en dire, j'ai toujours honte de ce que je suis, les gens ne sourient pas, ils sont perplexes, pourquoi en suis-je là, si tard, si loin du moule ? Je parle d'un éventuel cursus pour l'année prochaine, "je n'aime pas trop l'école" dis-je, je souris, personne n'aime l'école de toute façon elle était facile celle là, t'as déjà trouvé mieux Emma pour t'intégrer, avoue, en plus tu adores l'école.
Le couperet tombe, net, affreux. "Tu as la phobie de l'école?" Je sens le sang affluer dans ma tête, dans mes joues, je dois devenir rose, mon coeur bat plus vite, mes mains se mettent à trembler, les larmes montent, je n'ai pas de parade, je n'étais pas prête, je n'ai pas de masque, j'aimerai partir, disparaître. "Oui." C'est l'étonnement, le mien, celui des autres, la question qui n'avait pas sa place, la réponse trop sincère, ça pèse lourd un regard, ça pèse lourd un mot de 3 lettres. "Et pourquoi, qu'est ce que tu n'aimes pas?" Je ne veux pas, et la chose dans mon ventre s'agite, les voix crient, elles hurlent, ça n'a rien à faire là, sors, pars, c'est le vide ici. Le sujet change, je remercie silencieusement celui qui fit diversion.
J'ai perdu mon regard dans les tasses de thé, je croise les jambes, les mains, j'enfonce mes ongles dans ma peau, je ne raccrocherai pas, je regarde les autres zèbres, je regarde le vide, je range mon sourire, j'ai eu peur, je n'ai plus de forces, je n'ai plus d'envies, je n'ai plus de masque, on m'oublie, on saute mon tour. Il y a la chose dans mon ventre qui murmure, elle me chante une berceuse, et les voix qui chuchotent, j'ai oublié comment les mots se forment, j'enfile mon manteau, je réprime mes frissons, je sors.
"A bientôt."
Je trouve que la plupart des zèbres ne savent pas écrire, ils sont constipés. Ils sont mortellement ennuyeux à lire, surtout quand on s'attend à lire des gens sensibles. Tu écris très bien. C'est naturel et particulièrement littéraire. On y sent très bien ta féminité, d'ailleurs.
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Tu écris magnifiquement bien karaba, je suis sur le cul.
Invité- Invité
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
J'ai essayé de comprendre pourquoi ce texte suscite tant d'enthousiasme.
Je pense que c'est lié à son thème.
Marion.Henderson- Messages : 213
Date d'inscription : 03/10/2016
Re: Aujourd'hui, j'ai rencontré des gens.
Je ne peux que vous remercier de vos retours, parce qu'ils m'ont aidé autant que l'écriture du texte, à relativiser sur ce moment fort désagréable mais également assez utile d'un point de vue de l'expérience.
Je me suis rendue compte qu'être avec des zèbres ne me rendait pas invincible, bien au contraire, qu'il me fallait choisir parmi eux des personnalités qui correspondaient à la mienne, et que me mettre en situation sociale en présence d'autres zèbres ne m'aidait pas forcément.
Je me suis aussi rendue compte qu'écrire ensuite, ne pas l'avoir gardé pour moi, pour une fois, m'avait libérée.
Quand au style d'écriture, je ne m'y connais pas, bien qu'aimant beaucoup lire mais évidemment je vais prendre vos compliments avec grand plaisir, et vous remercier de vos bonnes ondes envoyées.
Guillaume1984, sache que j'ai été heureuse de lire que je ne faisais pas partie des "zèbres constipés"
Je me suis rendue compte qu'être avec des zèbres ne me rendait pas invincible, bien au contraire, qu'il me fallait choisir parmi eux des personnalités qui correspondaient à la mienne, et que me mettre en situation sociale en présence d'autres zèbres ne m'aidait pas forcément.
Je me suis aussi rendue compte qu'écrire ensuite, ne pas l'avoir gardé pour moi, pour une fois, m'avait libérée.
Quand au style d'écriture, je ne m'y connais pas, bien qu'aimant beaucoup lire mais évidemment je vais prendre vos compliments avec grand plaisir, et vous remercier de vos bonnes ondes envoyées.
Guillaume1984, sache que j'ai été heureuse de lire que je ne faisais pas partie des "zèbres constipés"
karabalasorciere- Messages : 78
Date d'inscription : 29/05/2016
Age : 29
Localisation : Bordeaux
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