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Message par philippe240 Mar 2 Avr 2013 - 20:53

Un lundi de décembre, à la fin du siècle dernier.

Je me trouve dans la cour d'une caserne, en seine maritime, aligné sagement en compagnie d'autres couillons réfrigérés. Autour de nous les bâtiments sont neufs, ce qui veut dire que rien n'y fonctionne. S'ils avaient été anciens, ç'aurait signifié que tout y est cassé. Nous attendons, comme on nous l'a fermement préconisé, nos formateurs . Je l'ignore encore, mais je suis en train de découvrir à quel point les clichés qui entourent la fonction publique en général et la Police Nationale en particulier sont faux.

En réalité, c'est pire.

Il est huit heures,l'herbe glacée brille, aucun oiseau n'a eu le courage de se mouiller les couilles sur les bords trempés de son nid pour nous siffloter des encouragements. Nous nous agitons d'une jambe sur l'autre pour nous réchauffer. Il est huit heures, donc, lorsqu'un crétin, étrangement galonné malgré des problèmes manifestes de maniement de la langue (mais j'apprendrai par la suite que c'est courant dans la Police) nous demande de nous aligner.
Deux bonnes heures plus tard, les deux premiers formateurs -dont le mien- déboulent avec entrain, leur café-croissant avalé (et même à mon avis digéré).

Faut dire que la veille déjà, les choses avaient bien commencé.

Paranoïaque et trouillard par nature, j'avais appelé par deux fois pour m'assurer qu'un moyen de transport quelconque attendrait en gare SNCF de OISSEL, pour nous transporter du centre de ce bourg charmant (je déconne) jusqu'au milieu de la forêt gauloise au sein de laquelle se niche l'école de Police (c'est plus Police Académy, c'est le bal des vampires...). Les deux fois il m'avait été affirmé avec la plus grande assurance que, oui oui, nous serions moi et mes futurs collègues accueillis à notre arrivée.

Aujourd'hui, connaissant la boutique, je m'imagine un vieux sous-Brigadier, affecté là pour cause d'alcoolisme chronique, le tarin comme un gyrophare de pompier, pouffant en postillonnant sur le combiné de son téléphone en se disant « y sont cons ces jeunes », puis se reprenant pour paraître sérieux, tel un vulgaire ministre de l'intérieur en interview télévisé, et me sortir son sketch sous les « vous êtes trop, Michel » admiratifs de la secrétaire du service...

Sur le parvis de la gare, nous nous sommes reconnus et regroupés. Me demandez pas comment j'ai fait, j'ai honte. Nous avons appelé l'école, où un autre sous-Brigadier, moins enclin à la plaisanterie ( un chasseur sans doute) nous a sèchement informé que nous n'avions qu'à nous démerder pour rallier la caserne, distante dans mon souvenir d'un bon cinq kilomètres.
Il est seize heures, il fait donc nuit (mais si, je vous l'ai dit : nous sommes en seine maritime). En plus je suis sur qu'on trouve encore des loups dans des bois comme ça. Je parviens à convaincre mes nouveaux camarades de prendre un taxi et de partager les frais. Certains rechignent (me souvenir de ne pas faire de sorties avec ceux-la) mais nous finissons par y aller.

A l'arrivée, nous sommes pris en charge par le Brigadier-Chef à l'orthographe et à la syntaxe fantaisistes dont j'ai parlé plus haut. Nous voici conduit dans une sorte de sas ou il fouille nos sacs, prétextant la recherche de drogues et d'armes.

« -Si vous fumez de la marijuana, je le saurais, nous dit-il : ça sent l'odeur... »



Je croyais arriver en école de Police, et me voici à FLEURY-MEROGIS !


Je suppose qu'il faut pouvoir se lâcher, et savoir se foutre des coups de pied au cul à s'en faire éclater les hémorroïdes.

Après deux bon lustres à être flic, à me coltiner des tarés (collègues ou clients), à travailler avec des horaires qui ruineraient le moral à Spider man, à me battre avec plus fort et surtout plus con que moi, j'ai fini par craquer.

En deux temps.

D'abord en silence, sans crier, sans rien dire à personne, pas plus qu'à moi-même. Ça a commencé par des crises d'angoisse. Puis l'alcool, avant le somnambulisme. Une tempête entourée d'un silence assourdissant. A la naissance de ma fille, après ce qui me semble aujourd'hui être une éternité, passée à courir en espérant devenir un guerrier inébranlable, est venu le deuxième temps.

J'ai poussé la porte du cabinet d'une psychologue, pour essayer d'y vomir tout ce qui se tordait dans mon ventre, et dont je n'imaginais pas que ça porterait autant de noms.

Je lui coûte cher.

Elle est obligée de refaire les peintures de son cabinet après chacune de nos séances.

Ça fait douze putains de longues années, protégé et écrasé par mon brassard, orange flashy bardé de noir et siglé POLICE, que je file des baffes et des lots de consolation aux habitants de cette chère banlieue parisienne. Que je vois notre population et nos médias réclamer plus de sécurité et moins de policiers. Que je regarde des enfants mourir sur les trottoirs, définitivement allongés sous le pare-choc d'un pochetron notoire (j'espère que tu es devenue un ange, petite), tout en chassant des curieux qui se méprisent, et qui parleront tout à l'heure devant les caméras de BFM TV, pour donner leur sentiment (?) sur les faits, avec toute l'éloquence dont ils sont capables (c'est à dire pas grand chose, l'éducation nationale semblant avoir renoncé bien avant sa consœur de la police).

Ça fait douze ans que je traîne mes guêtres, de fous rires en bagarres, de discussions enflammées en courses-poursuites, de réprimandes idiotes en félicitations qui ne le sont pas moins.

Je me souviens d'un Brigadier de Police, qui m'avait demandé de rédiger un rapport à sa place, et je me souviens surtout avoir fini par comprendre qu'il me demandait ça parce qu'il ne savait pas écrire (bienvenue dans la Police Nationale française du 21ème siècle... Mais vous n'êtes pas obligés de me croire, vous dira le Ministre en poste).

Je me souviens de collègues qui tentaient de me persuader de voter à droite à l'élection présidentielle de 2007, et qui, pour mieux parvenir à leurs fins, me dressaient le tableau le plus noir des résultats du gouvernement de Dominique de Villepin (ils avaient confondus les élections régionales de 2004 avec des législatives précédentes, et étaient persuadés que la majorité et l'exécutif étaient socialistes... Le fait que leur champion soit Ministre de l'intérieur du dit gouvernement ne les avait pas choqués outre mesure...).

De toute façon, je me suis abstenu. J'ai beau avoir le cœur à gauche, voter pour madame Royal était au-dessus de mes forces.





Ça fait deux années que je suis en thérapie. Ça n'est pas exactement que je sois moins taré, mais je le vis mieux. Comme dirait l'autre, je suis fier de ma connerie. Et ma psy a fini par s'accoutumer à un changement de tapisserie bimensuel.

Un jour du dernier mois d'août, je roule sur les routes bucoliques de la banlieue parisienne, m'appliquant soigneusement à ne pas respecter même la plus anodine des règles du code la route. Comme dirait James Bond :  « vivre et laisser mourir ». C'est ma conception de la circulation automobile.

Alors que je rédige un SMS tout en déboîtant un autre conducteur pour pouvoir griller un feu rouge, j'entends une interview à la radio. Une psychologue tente de vendre son livre à d'autres auditeurs comme moi, coincés (?!) dans les bouchons. De quoi parle ce livre ? Des adultes surdoués. Les « génies » qui s'ignorent. Les sous-réalisateurs. Et ça, tout à coup, entre deux insultes envoyées à une auto-école, et une queue de poisson à un vieux décrépi dont les doigts sont soudés par l’arthrite à son volant , ça me parle.

Pourquoi ? Je ne saurais vous le dire. Je ne me souviens même pas des mots qu'elle a employés, ni des exemples précis. Je me rappelle seulement qu'elle abolissait une distance (oui, on pouvait se penser surdoué, sans pour autant se croire supérieur), et aussi qu'elle parlait de souffrance.

Je n'y avais jamais pensé. Pour moi, comme pour tous je suppose, un surdoué ne pouvait connaître que la réussite. Je savais certes que, parfois, certains échouaient en milieu scolaire, victimes de l'ennui. Mais après ? Nul autre exemple qu'Einstein de me venait à l'esprit. Et je ne suis pas Einstein. Je sais à peine réparer une chasse d'eau, et ça n'a rien de relatif.

Elle m'a surpris, l'imbécile, avec sa théorie qui me disait tranquillement :  « et pourquoi pas vous ? »
Je me serait presque rabattu sur la voie de droite, pour arrêter d'essayer de franchir le mur du son au volant de ma cacahuète 55 chevaux, et réfléchir.

Bon, ça n'a pas duré. Je pense trop, et trop vite, et mes deux années de thérapie m'ont appris à me faire un peu confiance. Je n'y parviens que rarement, mais cette fois là en est. Je branche le kit NOOS, mes 55 mules se transforment en autant de clones de Lance Amstrong (pas le musicien, l'autre, le pharmacien), et je rentre fissa à la case commander le dit livre de la dite auteure sur internet.

Plus qu'à attendre. C'est drôle. Pourquoi cette anxiété ? Je ne sais pas et je m'en fous. De toute manière, je suis toujours anxieux...

Qu'est-ce-que je cherche ? Une solution ? Une potion magique, autre que le pastis ? Non, je veux une réponse. J'aimerai une réponse simple, un nom pour tous les démons qui me hantent et me font peur.

Alors j'attends. Pas longtemps. Le livre arrive. J'ouvre le paquet et presque immédiatement, je lis. Bordel ! Ça ressemble à un recueil du malheur. L'hyper-sensibilité. Le sentiment de culpabilité à chaque soleil qui se lève. La colère. D'autres choses encore que j'ai oubliées, omises, enterrées. Enfin merde, c'est de moi qu'elle parle, la dame. Et le tableau n'est pas franchement mignon. Oubliés Einstein et associés. Au contraire, c'est presque du Hugo. Surdoué, c'est soit reconnu (dépisté?) et accompagné, soit la merde, abandonnés parce que ne correspondant pas à la norme. Méprisés ?

C'est ça.

C'est pile ça.
J'ai transformé ma vie en une succession d'épreuve.

Anxiété est mon deuxième prénom.

J'ai besoin d'obstacles, comme autant de repères.

Le monde ne me parle pas.

Je n'en fais pas partie.

J'aimerais, mais je ne peux pas.

Je suis quelque chose que je ne peux pas définir.

L'exemple le plus proche serait l'enfer, dans le sens où je n'arrête jamais.

Je n'arrête jamais...

Tout en passant aux yeux de tous pour un paresseux épicurien.

Et bien oui !

Que fait-il donc sinon se reposer, assis ou allongé sur ce canapé, un livre ouvert sur la poitrine ?

Que fait-il donc à dormir si tard ?

Mais savez-vous que, hier soir, j'ai passé des heures -oui, des heures- à me tourner et me retourner dans mon lit, sans fin, à chercher le sommeil au milieu de l'univers, à réfléchir sans cesse alors que vous dormiez benoîtement ?

Savez-vous que ce matin, je me suis réveillé beaucoup plus tôt que vous, les jambes agitées de tics nerveux, des larmes pleins les yeux, le cerveau déjà en ébullition, déjà fatigué des réflexions que je me suis faites la veille et de celles qui vont venir, parce que je n'oublie rien et que j'extrapole tout ?

Savez-vous que je pose mes limites dans la souffrance, alors que vous subissez les vôtres dans l'ignorance ?

Que je suis prisonnier, que je n'ai pas le choix, alors que j'aurais tellement voulu naître parmi vous ?

Que ma prison est telle que si l'on me proposait un nouveau départ, je refuserai ?

Savez-vous ?










J'ai rêvé toute ma vie d'être un super-guerrier. Style combattant ultime. Mais non ; pas style Terminator ! Plus James Bond, vous voyez. Ahhh, mais non ! Pas Roger Moore non plus (vous le faites exprès ma parole!). Plus version Daniel Craig. Ou, dans un genre plus austère, Matt Damon, dans le rôle de Jason Bourne. Mais au-delà des styles, au-delà des modes, suivies ou créées, je crois que ce qui me fascine chez ces personnages, c'est qu'ils maîtrisent leur chance (et donc leur destin?).

Être surdoué, ça aide (enfin, ça dépend pour quoi). Et être flic, ça aide aussi (enfin, ça dépend pour quoi). On acquiert quelques connaissances, et de fait quelques interrogations. Comment fait-il, le beau James, pour courir dans tous les sens, son arme apparaissant et disparaissant comme par magie de sa main, au gré des nécessités? Les moniteurs de tir de la Police Nationale s'arrachent les cheveux par poignées à s'acharner à éduquer, en vain, des stagiaires pour qu'ils réussissent à remettre leur arme dans leur étui, sans regarder ce dernier. Ah, ça, y en a, des revolvers et des pistolets qui se sont retrouvés par terre, tombés comme des briques sur le sol des stands de tir, tristes témoins de la maladresse de leur détenteur !

Comment fait-il, le mélancolique Jason, pour ne s'être jamais fait cambrioler, et voler au passage ses précieux passeports, bêtement cachés derrière son armoire à pharmacie ? Et son flingue, il était où ? Planqué dans son frigo, je parie ! Quoi ? Vous trouvez que c'est une bonne idée de cachette, le frigo et l'armoire à pharmacie ? Alors écoutez-moi bien : Nous cachons nos biens les plus précieux dans les endroits qui nous paraissent les plus incongrus. Et nous avons tous la même idée de ce qu 'est un endroit incongru. C'est pour ça que même le plus con des cambrioleurs, s'il a un peu de temps et d'expérience, retournera votre salle de bain et votre cuisine avant de s'attaquer au reste de la maisonnée. Et à la pile de draps soigneusement rangée dans l'armoire de votre chambre, sous laquelle les moins inventifs ( ou les plus paresseux, les moins inquiets, voire les plus optimistes, au choix) auront glissé le coffret à bijoux.

Ça fait rêver, pour sur. Moi, du moins, ça me fait rêver. Qu'est-ce-que l'intelligence face au contrôle ? Qu'est-ce-que l'intelligence, face à la certitude et l'assurance ? Même ce génie de Newton a fini par glisser un jour dans la dépression. Et puis, surdoués ou pas, nous restons des animaux, il me semble, moins préoccupés d'être des génies que d'être reconnus comme tels. Moins intéressés par le devenir et le bien de l'humanité que par l'humiliation du concurrent et par notre sublimation. Surtout quand le dit concurrent est tout simplement plus bête, mais plus sur de lui que vous. Quand justement, son assurance tient à sa bêtise, à son absence de questionnement, à ses certitudes, à ses idées empruntées.

Le doute est à l'intelligence ce que l'ombre est à la lumière. Certains doutent peu. D'autres beaucoup. Et nos héros ? James et Jason, doutent-ils parfois ? Il semble que non. Ils avancent, envers et contre tout. Quelle belle assurance. Quelle croyance en eux. Ils savent. Ils sont surs. Surs d'eux. Surs d'avoir raison envers et contre tous. Mais qui est sur de lui aujourd'hui, sur d'avoir raison là où tout les autres ont tort ? Qui est effaré de voir ce monde tourner à l'envers, marcher sur la tête, s'éloigner du bonheur ? Qui ne comprends pas que les autres ne comprennent pas ?

Qui ?

Les surdoués. Pleins de simplicités dans notre complexité, nous nous étonnons de voir les gens faire de piètres choix. Et non, nous ne sommes pas James Bond ou Jason Bourne. Au contraire. Loin d'imposer nos certitudes, ou notre expérience, nous les subissons, écrasés par le plus grand nombre, la horde de ceux qui ne pensent pas, ceux qui pèsent, ceux qui plaisent, parce qu’ils présentent comme analyse personnelle des idées prémachées, à d'autres qui accueillent comme résonnantes, et donc faussement personnelles, ces idées prémachées.

CQFD.

Je suis passé par toutes les épreuves. J'ai trahi toutes les règles. Comme les héros de mon enfance, je n'ai considéré qu'un seul dieu, moi, et je ne l'ai jamais respecté. Je me suis détesté sous tous les prétextes, alors que je ne faisais que me contraindre à mon idéal. J'ai succombé à l'alcool. Au somnambulisme . Aux crises d'angoisses. Grand merci à ces signaux d'alertes. Je me suis volontairement considéré comme faible. Détestable. Faillible. Déstabilisable. Vulnérable. J'ai sans cesse obéit à mes exemples. Sans comprendre que la force est issue de la faiblesse. Mais que la faiblesse peut-être écartée. Qu 'elle n'est pas un passage obligatoire. Et sans comprendre que je ne serais jamais vraiment fort. Parce qu'être fort, ça n'existe que pour nous, à l'intérieur de nous, et que c'est vrai pour les génies comme pour les fous.

Ce devrait être une force pour les surdoués. L'absence de respect pour la règle. Pour les règles. Mais j'y suis tellement sensible. Je voudrais tellement plaire. Satisfaire. Et donc je complique là où je devrais – où je pourrais- simplifier. Madame de Kervadec -c'est d'elle dont je parlais plus haut- en a fait un titre : « L'adulte surdoué : Ou comment faire simple quand on est compliqué ? »

En réalité, la capacité des surdoués à réfléchir en arborescence les emmène -paradoxalement- vers la ligne droite. Et c'est là notre force, notre seule vraie supériorité- avec notre capacité de mémorisation : Synthétiser. Résumer. Simplifier. Amener les autres vers, non pas notre regard, mais vers la vérité. Car notre regard n'est par définition pas celui de tous -nous sommes l'exception, et nous devons l'admettre- mais un meilleur chemin -meilleur, pas plus sur- vers la vérité.

Ça n'est pas moi qui le dit, mais Voltaire :

« Ça n'est pas parce que vous êtes nombreux à avoir tort que vous avez raison ».

Alors il se peut que j'en ai simplement assez de me battre contre des moulins à vent. Ou beaucoup plus probablement assez de me battre contre moi. J'ai accepté vos codes. Je les ai fait miens. J'ai tout tenté pour vous plaire, jusqu'à me trahir, jusqu'à ne plus savoir qui je suis vraiment. J'ai lu que les surdoués se fabriquaient un masque beaucoup plus épais que celui des gens normaux. Je ne me représente pas le mien comme une armure mais, excusez du peu, comme une immense maison,dans laquelle je suis enfermé. Pardonnez mon immodestie dans ce domaine, mais je pense avoir remporté l'Oscar pour plusieurs années. Et n'en être ressorti que plus malheureux. Et plus seul.

Lorsque j'étais enfant, comme tous les surdoués je suppose, je me suis positionné différemment des schémas couramment établis. Mais dans le même temps, je me suis calqué sur l'attitude et les jugements de mes héros, universellement admis comme justes et bons. Mais à ma grande surprise, alors que j'agissais et pensais d'une façon considérée comme « main-stream » dans la littérature et le cinéma, la masse me considérait comme déviant et marginal, original.

Je me rend compte à présent que je ne n'ai fait que prolonger un mode de pensée, une volonté d'aider, ainsi qu'une tentative de plaire et de complaire, issus de ma culture télévisuelle et cinématographique,et imposés par ma douance. Ça n'est peut-être pas un si grand hasard si je suis flic aujourd'hui. Lorsque j'ai su que j'étais surdoué, je me suis immédiatement demandé ce que je faisais là. Au milieu des crétins, des victimes, des fascistes, des racistes ( je parle aussi bien de mes collègues que de nos clients, je parle de vous, de votre famille, de vos enfants.). Et bien – et j'ai beaucoup de mal à écrire ces mots- je me demande si je n'ai pas trouvé ma place.

Je n'ai pas réussi à vous persuader. Je n'ai pas réussi à vous emmener à la vérité, grâce à mon regard. Je n'ai réussi qu'à m'énerver de votre incompréhension. Pour finalement me laisser lâchement et paresseusement persuader par vous.

Comme au judo, j'ai retourné ma force contre moi, vaincu non pas par un mouvement inverse mais par la gravité du plus grand nombre. Même la lumière dévie à l'approche d'une planète. Merci Einstein.


Je parle à ma psy, qui s'abrite courageusement derrière un parapluie en kevlar en attendant que je régurgite une plainte supplémentaire. Depuis que nous savons elle et moi que je suis surdoué, elle me pousse à changer d'orientation. De métier. Elle voudrait que je fasse quelque chose en accord avec mes possibilités, dont elle me répète qu'elles sont immenses.

Pour moi, déjà, admettre que j'ai des possibilités, c'est de la science-fiction. Je me défini au contraire comme limité, dans tous les sens du terme. Toutes mes connaissances ne sont que livresques, si l'on excepte bien sur les métiers de la sécurité. En plus, mes parents m'ont poussé, mon enfance et mon adolescence durant, vers la fonction publique, considérant que nulle réussite n'existe ailleurs qu'au sein de ce fabuleux CDI qu'est une titularisation dans la fonction d’État.

Moi aussi , ça me rassure, ce versement mensuel du Trésor Public. J'ai presque l'impression qu'on me le donne contre rien, dissociant mon salaire de ces heures passées à attendre, dans le froid ou sous un soleil de plomb. De ces affrontements contre des schizophrènes armés. De ces courses-poursuites, au volant d'une voiture-sarcophage, parce que madame le Commissaire a confisqué notre berline attitrée pour rentrer chez elle, ses considérables fesses au chaud, bien calées, confortablement installées.

Alors on réfléchit, ma psy et moi. On se demande, surtout moi, ce que je pourrai -saurai, voudrai- bien faire d'autre que balader mon badge tricolore sous le nez plus ou moins innocent de divers franciliens, avant de leur passer, ou pas, les menottes. Je traîne ça chez moi, je réfléchi, et j'en arrive à cette désespérante et rafraîchissante conclusion : je ne peux -sais, veux- rien faire d'autre.

Je ne me suis peut-être pas tellement trompé que ça. Je n'ai peut-être pas été tellement manipulé que ça. Ou alors, la sauce a drôlement bien pris, et je peux m'asseoir sur l'idée de libre-arbitre, mais c'est une autre histoire. Celle-ci est suffisamment compliquée comme ça. Ma psy n'a emmené qu'un unique parapluie. Je ne vais pas le lui bousiller.

Je ne rêve que d'être un super-soldat. Un guerrier. Pas une certitude, mais un mouvement, avec ce que cela comporte d'invincible parce que mouvant. Une idée qui ne fonce pas pour transpercer, pour s'écraser, mais une idée qui change, qui crochète, qui vire, qui échappe. Oublier le but pour ne considérer que le chemin. Et réussir. Pas dans la réalisation du but, mais dans la manière, avec l'art, avec le plaisir d'accomplir, non pas à la fin, mais tout au long du chemin.

Le but n'est pas la finalité. D'ailleurs dans une vie, il n'y a pas de but. La finalité, c'est la mort, pour tous. Peu importe la manière de mourir. Il y a une vie. Comme un chemin. Et c'est dans la façon d'arpenter le chemin qu'importe la manière. La manière de vivre. J'ai l'impression (mais je me détromperai peut-être) qu'il n'y a qu'en protégeant la veuve, l'orphelin, les victimes, ma famille, que je me sentirais à l'aise en étant moi.

Je ressens une dureté, comme une vérité. Je rêve d'ascétisme, d'austérité, moi, le gourmand, le bon-vivant. Je me mens. Je me rêve. Qui a raison ? Qui est le traître ? Est-ce-que je suis un faux-dur, un vrai lubrique amateur de bonne chaire ? Ou est-ce-que je suis un vrai prêtre, archange de la vérité et du combat, détourné par mes faiblesses, celles-ci étant elles-mêmes crées par moi pour m'auto-saboter ? Quelle est la question ? Je suis qui ? Ou je veux quoi ? Sont-elles dissociables ? Puis-je savoir qui je suis si je ne sais pas ce que je veux ? Et ce que je veux n'est-il pas un faux-semblant (guerrier, fainéant ?) fabriqué de toutes pièces pour m'éloigner du bonheur ?

Vous êtes fatigués de mes questions pourries ? Oui, moi aussi. Je vais aller dormir. Moins vite que vous... Et tout à l'heure, très tôt, j'aurais des larmes dans les yeux, et les jambes qui tricotent...

philippe240

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Message par Invité Mar 2 Avr 2013 - 21:12

Bienvenu en enfer camarade.
Dis toi que quand tu mourra, tu ira au paradis car l'enfer c'est ici...

Moi dans le côté taré, je me suis éclaté la tête sur la porte de maison il y a deux heures en espérant éclater ma tempe, mais ça n'a pas marché.
Un jour je tenterai le "suicide by cop"...
Entre temps, je vais aller bosser en prison histoire de voir un peu plus la merde qui nous entoure.



Dernière édition par Mis En Pate Unchained le Mar 2 Avr 2013 - 21:28, édité 1 fois

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Message par Ardel Mar 2 Avr 2013 - 21:24

Eh bien ... une arrivée fracassante parmi nous !

Bienvenue, donc, haïssable keuf au coeur de James Bond et à l'esprit rayé. Puissent tes vomissures, tant chez ta psy qu'ici, te soulager un peu.

En ce qui me concerne, j'ai pris un grand plaisir à te lire. La sincère autobiographie que tu nous livres n'est en rien un flux incontrôlé d'auto-apitoiement et de rejet du monde qui, ne te comprenant pas, choisit (au mieux) de t'ignorer.

Au plaisir de croiser ta prose maitrisée au détour d'un fil !

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Message par attilap Mar 2 Avr 2013 - 21:28

Bienvenue chez toi, l'ami.

Bien des souffrances en effet, nous sommes nos propres bourreaux, bien que ca soit souvent difficiles à admettre !

Il existe, j'en suis sur, une vie paisible, sereine, en paix. Pourquoi se cache-t-elle ? On ne nous apprends pas à souffler, à aimer, et à savourer ce qu'on a.

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Message par Dark La Sombrissime Encre Mar 2 Avr 2013 - 21:32

Je n'ai pas le temps de lire, mais promis je reviendrai le faire plus tard, je reponds histoire de ne pas perdre le fil. Deja bienvenue!
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Message par Invité Mar 2 Avr 2013 - 21:51

Bienvenue l'intriqué Smile

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Message par Mélodie c Mar 2 Avr 2013 - 22:08

J'ai tout lu. Même pas fatiguée.
Bienvenue parmi tes semblables ! sunny
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Message par Orchidée Dim 7 Avr 2013 - 18:19

Ouf! J'ai tout lu sans pouvoir à peine reprendre mon souffle!
Bienvenue à toi! Very Happy
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Message par Ainaelin Dim 7 Avr 2013 - 20:05

Hello again, Phiippe. C'est marrant comme nos histoires n'ont pas grand chose de commun, et pourtant, c'est sur ton histoire que les larmes de libération/auto-reconnaissance me sont venues, moi qui ai lu plusieurs présentations et autres auto-biographies de zèbres ici depuis deux jours.

En tout cas, tu sais très bien écrire. Je te souhaite bon courage dans ta renaissance/nouvelle vie.
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Message par philippe240 Lun 8 Avr 2013 - 11:13

Merci pour tous vos messages, ça touche.

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Message par Invité Lun 8 Avr 2013 - 12:34

Le touchant touché est comme le "venteux" qui regarde passer sur lui le vent glacé en fermant la bouche sans faire sortir de la buée.
Ma plaine est balayée par un vent sec et froid.
Mais vos multiples soleils la réchauffe.

Qui saura déchirer le ciment sous les plaines.
Philippe240 - Tu es un Jedi des temps modernes.
@ deux minutes prêt, tu écrivais un message à 11:11.

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Message par solifleur Lun 8 Avr 2013 - 12:39


Bienvenue Philippe240! ta présentation m'a bcp touchée. bcp d'émotions...
je te souhaite de trouver ici quoi que ce soit, autre chose...




Mis en Pate Unchained!!!! si tu me dis que tu observes les "horloges" comme je les appelle... je suis très marquée par les 11:11, 23:23, 05:05 et compagnie.... alors là...j'en reviens pas
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Message par Ainaelin Lun 8 Avr 2013 - 13:31

solifleur a écrit:Mis en Pate Unchained!!!! si tu me dis que tu observes les "horloges" comme je les appelle... je suis très marquée par les 11:11, 23:23, 05:05 et compagnie.... alors là...j'en reviens pas

lol! Je suis pareil. Pendant des années, et même sans y croire vraiment, je faisais u voeu lorsque je regardai l'heure par hasard et que je voyais que tous les chiffres étaient pareils. Je me disais que si les secondes et les jours étaient les mêmes, le voeu avait plus de chances de fonctionner. (genre 11h11 et 11s le 11 novembre (20)11)
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Message par legarsenquestion Lun 8 Avr 2013 - 14:13

Wow !
Quel texte !
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Message par Invité Lun 8 Avr 2013 - 14:29

Wow !
Quel texte !

Wow, quelle vie!!!
En fait philippe240 tu me fascines, dans le sens faisceau. Attention, pas de Mussolini en moi, plutôt un faisceau de lumière ombresque, à se demander comment tu fais pour vivre et avoir une famille.
Bravo des 20 doigts.

Mais par rapport aux nombres, ma vie est chiffrée et musicale.
Nombre de battements de cœur en tambour.
Nombre de pulsations cardiaques qui marquent une existence enchaînée...
Nombre de maillons à ma chaîne.
Nombre de respiration.
Nombre d'inspiration.
Nom.
No.
N.

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Message par fleur_bleue Lun 8 Avr 2013 - 15:33

Bienvenue, Philippe! Et bravo - c'est rare que je lis des présentations longues d'une traite et sans pouvoir décrocher. Smile

Au plaisir de te lire!

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Message par legarsenquestion Lun 8 Avr 2013 - 16:32

Mise en pate j'aime bien ton style Smile
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Message par philippe240 Mar 9 Avr 2013 - 8:49

Je vous remercie pour votre accueil.

C'est bien la première fois que l'on m'écoute, ou que l'on me lis, sans simplement attendre que je me taise, ou que je m'arrête, pour essayer de paraître plus intelligent que moi.

Ravi d'avoir rejoint le troupeau.

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Message par akai kaze Mar 9 Avr 2013 - 12:53

Salut, je t'avoue que je n'ai pas tout lu, mais le simple fait d'avoir lu flic et surdoué.. ben ça fait pousser des branches dans ma tête...
Je te souhaite de pouvoir ne plus souffrir...
Courage.

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