"Avec les capacités que t'as" tu pourrais bien être tout-puissant quand même.

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Message par Invité Mar 12 Juil 2016 - 12:24

Si vous avez fait partie de ces surdoués qui le manifestent en étant premiers de classe pendant une bonne part de leur parcours scolaire, vous avez dû entendre ad nauseam cette expression: "Avec les capacités que t'as".
Elle signifie: par hasard et sans le mériter, tu as la chance, espèce de sale morveux gâté on ne sait pourquoi par la nature, de réussir facilement là où les autres galèrent. Tu n'as donc aucune excuse pour le moindre échec, la moindre égratignure: tout ce qui pourrait ne pas être une réussite complète de ta part sera la preuve d'un manque de travail ou de volonté, d'une faute de ta part, donc.
En résumé: "tu es tout-puissant, à condition que tu daignes te mettre des coups de pied au cul".

Cette attitude est apparemment très courante chez les parents de surdoués-premiers-de-classe, tout heureux de pouvoir flanquer sur les épaules du gamin tous leurs espoirs de réussite, éventuellement leurs propres rancoeurs et frustrations scolaires. Dans le cas des miens, ils sont sincèrement convaincus, et encore maintenant - j'ai 40 ans - que je possède ce don de toute-puissance-pourvu-que-je-le-veuille. Ainsi, inutile de leur partager la moindre difficulté rencontrée dans la vie, ou même une situation du monde complètement extérieure à moi mais qui me révolte: pour eux, je n'ai qu'à "m'y mettre sérieusement" et je trouverai (le boulot parfait, les employeurs parfaits, surtout à leurs yeux à défaut des miens, l'argent, les opportunités... ils sont convaincus que "je peux faire n'importe quel métier" et que je n'ai qu'à postuler et on m'embauchera pour n'importe quoi, peu importe mon CV, c'est évident, "comment tu peux savoir que non, t'as même pas essayé"); je n'ai qu'à "prendre ma plus belle plume" et le pire dictateur africain se convertira soudain à une douceur angélique, etc. Et pas question de dire "non, je ne vais pas perdre de temps à tenter ça, c'est stupide": "comment tu peux savoir, t'as même pas essayé" même s'il s'agit de sauter à la perche par-dessus le Mont Blanc. Corollaire: puisque rien n'est difficile, et bien, on peut tout mener de front, et le lendemain, pas malade (et c'est comme ça que je le suis, en sous-estimant la charge que représente chacun des engagements que je prends).
Le pire est que ma femme étant un peu du même modèle que moi - "intello 1ere de classe" - le phénomène s'est redoublé: ils ont surtout vu d'elle l'agrégée, puis la docteur avec félicitations du jury. Seulement, elle est aspie. Donc, tout cela, elle l'a fait au prix de difficultés énormes qui ont fini par exploser, elle a été malade deux ans, elle peine à gagner sa vie, et tout ça, c'est incompréhensible pour des gens qui considèrent que "lékapacité" rendent tout facile. Même trouver un boulot rare et complexe dans un pays dévasté par le chômage de masse, pour ne prendre que cet exemple.

"Tu es tout-puissant, donc tout ce qui ne va pas, c'est ta faute". Vous me direz qu'à 40 et 30 ans on pourrait s'en foutre. Oui, sauf que ces modèles familiaux, on les intègre, on les intériorise et on les rejoue. Parce qu'après tout c'est vrai. Même sans se croire tout-puissant, on a peut-être une chance de changer les choses si on réalise le petit effort de plus qui va tout changer.
Sauf que de petit effort en petit effort qui va tout changer, nos corps explosent, nos projets les plus importants n'avancent pas, parce que nous les prenons par le pire bout possible: l'approche "dossier professionnel" et l'hypoercontrôle, ainsi que la culpabilité écrasante en cas d'échec. Quant aux réussites, je ne sais pas s'il y en a, on ne s'en rend pas compte.

Combien sommes-nous concernés par ce merdier ?
Parents de petits Z-premiers de classe, savez-vous comment éviter de leur faire subir cette horreur ?

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Message par Lainie Mar 12 Juil 2016 - 13:24

Bonjour,

Bon je vais prendre l'exemple actuel pour mon cas, car si je retourne à l'enfance ont m'a surtout rabâché que j'étais nulle et feignante...

Bref après que j'a décidé de me foutre un coup de pied au cul, j'ai été bonne. Et là effectivement... Tout est devenu un "dû" pour les autres (enfin, une partie de ma famille), y compris ma réussite. C'était normal, le minimum vital quoi. Comme si j'annonçais que j'avais fais la vaisselle. Donc j'ai la vague impression que c'est "jamais assez". Mais surtout, si je me plante, cela allait être une catastrophe.

Cependant je suis tout de même assez d'accord pour dire que justement, les HP ont des capacités, et que l'enjeux est de savoir comment les utiliser. Le "coup de pied au cul" peut être une option pour certains, m'enfin pas tous. Donc oui, on est potentiellement capable de grandes choses, cela ne veut pas dire que c'est automatique.
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Message par Pieyre Mar 12 Juil 2016 - 13:39

Je m'en suis sorti de façon contingente. Jusqu'au lycée, si j'ai été premier dans certaines matières, je n'ai jamais été qualifié de premier de la classe, parce que je n'apprenais pas tellement (au-delà de la primaire, mes parents ne me poussaient plus, même s'ils étaient fiers de mes résultats). Aussi j'étais inconstant. Et puis, en faculté, si j'ai été premier, ce pouvait être à la faveur d'une orientation moins glorieuse, à l'écart de la voie des Grandes écoles.

Mes parents n'ont pas le bac. Mon père me citait cette parole que son propre père lui avait dite, qu'il souhaitait que son fils aille plus loin que lui; et c'était aussi sa perspective; mais guère plus. Alors, si je suis allé plus loin, c'était surtout grâce à ma propre initiative. J'ai tenté de me mettre moi-même cette pression sur les épaules. J'ai eu tendance à penser que j'étais capable de tout, malgré certains échecs. Mais je suis assez indolent. Alors je ne me suis pas fait très mal.

Quelle attitude devraient avoir les parents ? C'est une question qui me semble se poser de plus en plus, dont la solution pourrait consister en un certain équilibre, bien sûr. Mais qui devrait l'évaluer ? J'ai eu des élèves que leurs parents considéraient comme plus intelligents que ce qu'ils montraient, forcément, et que certains poussaient avec des attentes qui me semblaient excessives. C'est compréhensible; mieux vaut ça que le contraire. Mais a-t-il toujours fallu choisir entre ces extrêmes ? N'est-il pas aussi question de la confiance que l'on accorde aux enseignants quant au fait de permettre à leurs élèves de s'insérer au mieux dans la société telle qu'elle se transforme ?

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Message par Invité Mar 12 Juil 2016 - 13:44

Je vais aussi te répondre, mais sous un autre angle, puisque la donnée "être premier de la classe", j'ai réussi à m'en détacher très tôt dans mon parcours. Ne voyant pas ce que le travail scolaire pouvait m'offrir comme opportunité de vie, mes projets professionnels se sont dissous dans mon parcours aux alentours de l'entrée en CP, et je me suis contenté de faire profil bas et de viser la moyenne, pour être tranquille et avoir plus de temps à consacrer à mes passions uniquement.

Taper entre 10 et 12 ne me demandait aucun travail, sinon lire pour une fois la leçon si jamais j'avais été un peu en deçà au devoir précédent, afin de compenser. Je savais que j'avais les capacités et le potentiel pour y arriver mais je ne voyais pas l'intérêt de l'utiliser à ça.

La pression parentale, je l'ai connue, mais je m'en suis détaché. Par épisode, cela a été compliqué, surtout avec mon père, mais globalement, ils ont réalisé que c'était pas le moyen de fonctionner avec moi. Du côté des professeurs, certains étaient dupes et me prenaient pour un élève lent mais volontaire, d'autres saisissaient l'illusion et me donnaient de ces remarques dont tu parles, de plus en plus violente avec les années qui passent : "bien, mais doit travailler plus", "dommage", "résultats acceptables pour le travail accompli, inacceptables pour les capacités", "quel gâchis", "suffisant et nonchalant", "élève qui laisse à voir une vision du néant"... Ma relation avec les autres élèves, et notamment les premiers de classe, a suivi le même chemin et j'ai évolué dans leurs yeux du camarade sympa mais discret au monstre insaisissable, en queue de peloton mais capable de leur en claquer une parfois qui faisait mal à leur égo. Inacceptable, mais je n'étais pas concerné.

Je n'avais pas besoin de prouver mes capacités, je les connaissais.

Une anecdote que je vais révéler, non par orgueil mais pour saisir comment eux comme moi avons pu vivre les choses. Avant la dernière épreuve du bachot, la future major régionale m'envoie un de ses sous-fifres pour me dire qu'il serait souhaitable à leurs yeux que j'échoue puisque j'avais les capacités d'être devant eux, que je l'avais démontré sur quelques devoirs qui m'avaient botté, mais que je ne les exerçais pas et que ça leur semblait profondément injuste. Quelles raisons peuvent conduire à souhaiter l'échec d'un tiers ? Je ne saisissais pas. Était-ce destiné à me mettre une pression pour que j'échoue ? C'est probable, mais ça n'a pas eu l'effet escompté.

Reste la question essentielle : comment ai-je vécu tout ça ? Quelle pression puis-je me mettre ? Eh bien la réponse est complexe. Je suis globalement content et satisfait de ma vie, heureux des expériences que j'ai vécues, mais tout autant habité par des regrets, celui surtout que la scolarité ne m'ait pas donné l'envie de "réussir" et de m'ouvrir aux autres, qu'elle ne m'ait pas donné le goût de l'accomplissement mais plutôt renforcé mon besoin de solitude et de détachement. Je vis aussi avec ce sentiment que si "je m'y mettais sérieusement", je pourrais "faire n'importe quel métier", mais si c'était le cas, en serais-je plus heureux et plus épanoui ? Je n'en suis pas convaincu.

Quant à la question de ne pas répéter un modèle sur ces enfants, je pense qu'il s'agit de doser la pression. Les encourager mais sans que cela devienne contrainte, leur transmettre l'amour des sujets qui les intéressent et leur exprimer que la réussite est avant tout le rapport que l'on entretient à soi et avec les personnes et les thèmes qui comptent. Il faut surtout les soutenir et les étayer dans leurs choix. Qui sont les autres pour juger ? Le regard des autres n'est jamais celui qu'on croise dans une glace, celui qui sait qui on est.

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Message par Invité Mar 12 Juil 2016 - 14:19

A l'inverse de Fusain, j'ai eu la chance d'avoir des parents qui considéraient l'école comme ....accessoire, c'est-à-dire exactement pas le lieu où s'apprenait le savoir (mes parents je pense étaient HQI, ma mère ayant deux ans d'avance au bachot qu'elle a eu sans bosser, mon père apatride qui a embrayé dans des études d'architecture sans mal etc) donc mon frère et moi n'avons pas eu la pression peut être minimale qu'il nous aurait fallu pour ne pas perdre du temps. Ils nous faisaient confiance ("vous y arriverez quelque soit le chemin" nous disaient-ils).

Honorable parole de leur part car je pouvais m'installer en queue de classe sans craindre la raclée à la maison : ce que je fis allègrement. j'ai été première au CP et puis après rien... le vide sidéral, j'ai plongé dans un coma profond jusqu'en sixième où là, mon absence a paru intolérable (mes bulletins d'alors regorgeaient de "n'écoute même pas !", " dans son nuage" etc ).

En cinquième mes notes jouèrent au yoyo au point que pour stabiliser ces étranges variations on crut bon de me proposer un redoublement ("laissez moi deux jours pour y réfléchir" ai-je dis véridique !). Entre temps un test de QI (je m'en rappelle comme si c'était hier) confirme la thèse parentale mais me sentant flemmarde et prompte à dévier de la ligne sociale ils me demandent de faire au moins le minimum et bémol de leur part de "ne pas me faire remarquer". Sur ce j'accepte de redoubler: las, le yoyotage se poursuit jusqu'au bac (je vous passe la déconvenue des profs, le mépris des élèves qui ne comprenaient pas mon allant à l'oral et mes faiblesses à l'écrit). Et moi de douter et de vouloir me réveiller (m.... où qu'il est le bouton "on" ?). J'ai cherché cherché : je suis même allée voir les profs pour leur demander de cesser de me dire de travailler et de m'indiquer comment travailler : "regardez voir dans les fiches de Phosphore m'a-t-il été répondu. Les fiches de quoi ? Allez j'abandonne.

J'ai yoyoté au bac (221 points sur 220), j'avais prévu mes notes : "allez 3 en physique et 15 en maths, 12 en géo, 6 en philo ça devrait le faire..." de véritables comptes d'apothicaire que je suis fière d'avoir observés. Après quoi en fac le déclic... et l'envol je devins première puis major... Allez savoir.

Bien sûr, mes parents ont ri d'avoir eu raison.

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Message par Invité Mar 12 Juil 2016 - 14:39

J'ai eu un parcours un peu différent. Intello, sans être avec les intello, résultats moyens. Quand j'ai eu mon bac ça a été un moment assez violent : "camarades" de classe qui m'ont reproché d'avoir eu mon bac (j'ai glandé pas mal, sorti en avance des épreuves, j'ai eu une mention que certains ont bataillé à avoir), profs qui m'ont affirmé n'en avoir jamais douté (les bons), profs et camarades qui m'ont regardé, avec effarement ou pitié, quand ils ont su que j'allais ensuite faire un CAP (avec un BAC S et 18 en spé physique chimie, ça surprend).

Je crois que c'est le plus gros décalage que j'ai vécu en terme "pratique", "professionnel" : quand j'ai compris que de tous, j'étais le seul à aller quelque part parce que je le voulais, sans considération hiérarchique, ou de mérite, ou de prestige.

J'ai eu la remarque souvent, et je me suis posé la question souvent, de la raison pour laquelle je fais ce que je fais, qui n'est pas ce que je voudrais faire, mais un bon chemin pour y arriver.

Pour les enfants, j'essaie simplement de leur montrer qu'il n'y a pas un chemin, mais plusieurs, qu'il n'y a pas de hiérarchie entre eux, et que le mérite est dans la distance qu'on parcourt plutôt que dans le chemin qu'on choisit. Je ne sais pas si ce sera efficace, on verra dans 15 ans Very Happy

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Message par ♚ Strigide ♚ Mar 12 Juil 2016 - 16:41

Fusain a écrit:Elle signifie: par hasard et sans le mériter, tu as la chance, espèce de sale morveux gâté on ne sait pourquoi par la nature, de réussir facilement là où les autres galèrent. Tu n'as donc aucune excuse pour le moindre échec, la moindre égratignure: tout ce qui pourrait ne pas être une réussite complète de ta part sera la preuve d'un manque de travail ou de volonté, d'une faute de ta part, donc.
En résumé: "tu es tout-puissant, à condition que tu daignes te mettre des coups de pied au cul".


Parfait. Il faudrait en faire un panneau, l'intégrer au dictionnaire de l'implicite...


Je ne connais que trop bien cet effet là. J'étais un bébé très particulier et extrêmement en avance (on me confondait avec un bébé de 4 mois quand j'en avais 1, pour l'exemple). Se mettre assis, se mettre debout, marcher, parler, écrire, lire, etc. Tout a été fait bien plus tôt que "les autres". Au début je n'en ai pas trop souffert car mes parents pensaient que les autres enfants étaient déficient, mon frère un peu déficient et moi dans la norme (surtout que jusque là je réussissais tout donc pas de reproches à me faire).
J'ai été "la norme" à leurs yeux pendant des années. Je suis dyspraxique, j'ai su faire du vélo assez tard. On me raillait et sous-entendait avec beaucoup d'appui que "tout de même, tu n'y mets pas du tien, hahaha". Mes mauvaises notes en dictée en début de primaire dues à ma dyslexie furent raillées aussi "tu le fais vraiment exprès, tu es une tête de mule, si tu voulais vraiment tu aurais 20". J'ai concentré mes efforts sur ce problème et suis parvenue à des 18 à 20 en dictées très rapidement. "Tu vois, quand tu veux".
J'étais mauvaise en social, trop réservée/renfermée (hormis quand il s'agissait de parler de mes domaines de prédilections) "Tu es idiote sur les bords, tu ne devrais pas avoir des difficultés pour si peu". J'ai concentré mes efforts et j'ai pu parfaitement faire illusion en social : j'étais originale mais je pouvais discourir devant de nombreuses personnes avec beaucoup de gestuelles et une étendue de mimiques faciales que j'avais travaillé. "Tu vois, quand tu veux !"
J'étais tout le temps malade enfant (entre 8 et 10 mois sur 12 si on met tout bout à bout, où j'étais malade) "Tu pourrais faire un effort, tu es trop faible". Je n'ai plus signalé ma fièvre et j'essayais de ne pas tousser/vomir en présence de mes parents, on m'a félicitée "tu vois, quand tu veux !" parfois on les rappelait à l'école car j'avais fait un malaise  ou autre "oh tu aurais pu faire un effort, il ne restait que quelques heures avant la fin de la journée" alors je demandais autant que possible à l'infirmerie de ne pas me renvoyer chez moi. Parfois elles croisaient mes parents et leur en parlaient, "tu vois, quand tu veux !".
J'avais une grosse dysgraphie, "tu ne fais aucun effort, tu devrais avoir honte". Après beaucoup de douleur j'ai réussi à rendre mon écriture lisible "tu vois, quand tu veux !".

J'étais un dieu tout puissant. La santé, les phobies, les troubles dys, les troubles autistiques à la poubelle ! La volonté devait tout écraser sur son passage. Si je travaillais à quelque chose c'était étrange, il fallait que ce soit spontané et fait par la pensée.

J'étais 1ère de classe en primaire. Lorsque je suis passée dans le trio de tête pour mon collège ce fût un drame "tu es inconsciente. Avec tes capacités, c'est du gâchis." Tout était un dû. Mais c'était au-delà du dû, c'était "la norme". Si j'étais en dessous de "ça" j'étais "nulle, stupide, abrutie" "comme les autres".

J'ai été complice de ça car je faisais mille et un effort au point de me lacérer intérieurement pour compenser le plus possible. J'ai cru au "tu vois, quand tu veux !" j'ai pensé de toutes mes forces que j'étais toute-puissante.

J'ai fait un burn out en 1ère. Je me suis écroulée intérieurement. Trop de pression, trop d'attentes démesurées, trop de déni de ce que je suis profondément. Je devais tout donner sans jamais recevoir. Je faisais tout pour satisfaire et si je ne le faisais pas on m'en mettait plein la tête et en échange je n'avais rien du tout. Je voulais des adultes pour m'accompagner dans des projets qui me tenaient à coeur depuis toute petite et je n'obtenais que des "tu verras quand tu seras grande !" "tu feras ce que tu veux quand tu seras adulte." "tu as bien le temps !" On a nié mes besoins et je les ais sous-estimé par cette même occasion. J'ai passé des heures à fixer la vue que j'ai de ma fenêtre, je me sentais totalement vidée. J'ai fini par aller sur mon lit et j'ai passé des jours à fixer mon plafond. Mon entourage était déchaîné, il était inacceptable que je n'aille plus en cours et totalement inconcevable que j'en sois strictement incapable à présent. "Avec tes capacités, avec ta volonté de fer, tu peux tout faire tu vas y retourner" j'étais presque incapable de me lever, penser à cet empire d'ennui et de castration me glaçait dans ma sensation vertigineuse. Même respirer était difficile, comme si mes poumons étaient douloureusement trop grands. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même : c'était de ma faute. Ma faute de n'avoir pas pris assez de hauteur pour voir que je courais à la mort, ma faute de ne pas avoir ignoré les exigences de mon entourage, ma faute d'avoir considéré tout cela comme "ce qui est, de toutes façons". On m'a harcelée pendant 4 mois. Mon entourage, l'école, mes amis. Sous la pression j'ai fini par réussir à y retourner, on ne change pas les vieilles habitudes. J'ai pensé que ce serait différent, je me sentais désespérément vide. "ça ira maintenant, je pourrais répondre aux attentes puisque je suis morte intérieurement". Je suis entrée dans l'école et j'ai eu tellement mal. L'air que je respirais était trop pur, mes poumons me paraissaient si vastes. Je voyais tout ce qu'il y avait à améliorer, avec toujours plus de précisions qu'avant. Tout affluait dans mon esprit et me faisait souffrir. Combien il a été douloureux d'expérimenter la vie encore une fois. Ca a été effroyable et beau de constater à quel point j'étais toujours vivante, à peine altérée. J'avais si mal et j'étais si heureuse. Je me sentais si infiniment petite à comparer de ce que je contenais en moi. C'était un véritable déchirement.
J'ai passé mes derniers mois de 1ère et suis passée en terminale. A la rentrée, j'essayais de modifier des choses pour optimiser "c'est super mais il faut se concentrer sur l'école !". J'ai déserté au bout d'un mois pile. Il ne sert à rien de donner le maximum même dans ce qui ne nous plaît pas quand on ne reçoit jamais. J'ai imposé cela à mes parents tant bien que mal et ai essayé de l'expliquer à mon entourage. Qu'ils restent dans leurs fantasmes si ça leur chante, je ne veux plus en être prisonnière. Quelques mois plus tard je tombais malade, affection neurologique mais pas que. La poursuite de mes études en fût contrariée et les mauvaises habitudes revinrent pour la majorité de mon entourage, comme si ma volonté y pouvait quelque chose. A force cela me mit en colère et je finis par passer au dessus de ça, ceux qui peuvent comprendre comprendront, le reste...

L'attitude de fantasme de toute-puissance de la part de l'entourage est vraiment dangereuse, un des cas possible est mon témoignage mais il y en a d'autres. Ce n'est jamais innocent. C'est égoïste et dénigrant. Il faut parfois dire les choses avec une certaine violence dans les mots pour que l'entourage se rende compte que cette attitude n'est absolument pas saine, qu'elle est irrespectueuse. Cette attitude peut tuer, véritablement. Enfant j'ai très souvent pensé au suicide et suis même passée à l'acte. A l'époque je n'ai pas exprimé/su verbaliser que cela venait en partie de ce fantasme de toute puissance qu'on m'apposait avec une violence inouïe. Depuis tout ça, j'en ai parlé aux parents que je pouvais croiser qui semblaient atteints de ce "trouble", beaucoup ont changé d'attitude. Je pense que le mieux à faire est d'en parler intelligemment autour de soi et d'être attentif aux enfants qui subissent cette chose. Quand ça se limite à l'école il y a la possibilité que les professeurs aient l'intelligence de parler avec les parents pour qu'ils mettent de l'eau dans leur vin mais j'ai rarement vu de cas limités à l'école... Rappeler à l'entourage qu'il n'a pas le droit suprême de façonner l'autre selon son désir dans son esprit, qu'il y a le réel qui fait autorité sur le fantasme.

Le plus important à retenir, pour ma part : Ce qui est en nous ne meurt jamais.

Il y a toujours une porte de sortie, un moyen d'échapper aux prisons et de grandir par-delà les autres.


Dernière édition par ♚ Strigide ♚ le Mar 12 Juil 2016 - 23:03, édité 1 fois
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Message par Invité Mar 12 Juil 2016 - 16:52

♚ Strigide ♚ a écrit:

Le plus important à retenir, pour ma part : Ce qui est en nous ne meurt jamais.

Il y a toujours une porte de sortie, un moyen d'échapper aux prisons et de grandir par-delà les autres.
A ne pas oublier.

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Message par Invité Mar 12 Juil 2016 - 17:59

Merci Strigide pour ce partage. Je n'ai pas connu la version aussi tragique, mais c'est bien de ce phénomène-là que je voulais parler. Faire plus que le minimum en classe, ce n'est pas un syndrome de toute-puissance. Cette croyance en notre toute-puissance, c'est celle qui exige de nous non pas le déploiement réel de nos capacités, mais la réussite maximale, toujours, partout, et le sourire aux lèvres s'il vous plaît. Celle qui considère, comme tu dis, que c'est un dû, une norme; et là où ça devient vraiment terrible et mortellement dangereux, c'est quand ça s'applique à des domaines sur lesquels c'est stupide. Sur lesquels il est grotesquement faux d'exiger de nous la réussite parfaite sous prétexte que nous étions premiers de classe au collège, soit parce que ça n'a rien à voir avec nos capacités, soit parce que ça dépend tellement peu de nous que même en faisant de notre mieux, l'échec est possible, sans que ce soit la faute de quiconque.
A ce niveau-là, nous sommes piégés, parce que nous sommes jugés sur le résultat avec le postulat faux que tout dépend de nous. Ce qui fait que nous ne pouvons jamais prouver que nous avons fait de notre mieux, sauf si, par chance, ça veut sourire aussi.

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Message par Diatribe Mar 12 Juil 2016 - 18:48

Merci beaucoup Strigide. Ton témoignage m'a beaucoup touché, je te comprends tellement.

Ne reste qu'à trouver le bon algorithme, les dernières combinaisons, pour s'extraire de cette prison fantasmatique.

Merci Smile
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Message par Invité Mar 12 Juil 2016 - 22:50

C'est terrible cette injonction à l'excellence à tout va, c'est nier l'aspect formateur de l'échec et c'est sur quoi mes parents ont voulu mettre l'accent afin que nous ne nous sentions (mon frère et moi), pas des toutes puissances méprisées et méprisables. Ils avaient intégré l'échec dans notre éducation comme un paramètre normal et nous forçaient toutefois à toujours en tirer leçon. Aussi n'avons pas eu à vivre cette violence là, bien au contraire. Or mes parents la subissaient de la part des autres parents, mais n'en avaient cure. Respect !

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Message par fleur_bleue Mer 13 Juil 2016 - 10:34

J'étais dans les premiers de classe et je me sentais effectivement sous pression. C'était très simple, en fait, si j'avais de bonnes notes, c'était normal, mais si j'avais une mauvaise note, je me faisais engueuler. En sachant que tout ce qui était en-dessous de 15/16 était considéré comme "mauvais", peu importe la moyenne générale de la classe. (Quand dans un contrôle la moyenne est à 10 et la meilleure note un 14, un 12 n'est pas si mauvais...) Il m'est aussi arrivé d'être en larmes en cours de maths parce que je n'avais pas eu la moyenne dans un contrôle. J'avais du mal en maths en 6ème/5ème, ça a peut-être été un peu salutaire quand même, même si on m'a expliqué que si je m'intéressais à la matière, j'aurais de meilleures notes. Je suis allée en L après. Wink

Maintenant, comme j'ai "réussi", fait des études prestigieuses et finalement décroché un travail relativement prestigieux aussi, la pression va plus dans le sens de ne pas montrer de faiblesses. J'ai tellement intégré tout ça que l'idée "d'échouer", de devoir dire que je n'arrive en réalité plus à suivre, me fait flipper au point que je préfère serrer les dents encore et encore, même si j'ai l'impression que je finirai par craquer. Et bien sûr l'appartement doit être nickel et comme je n'ai pas d'enfants, je n'ai pas vraiment de raison d'être fatiguée comme je le suis! Je n'en parle pas du coup, je fais semblant...

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Message par Invité Mer 13 Juil 2016 - 12:38

Pire que l'injonction de réussite à tout prix est le fait d'inculquer à l'enfant (ou à l'adulte qu'il devient ensuite) que tout est sous son contrôle et ne dépend que de lui, d'un geste de sa part, de son action. Non seulement tout-puissant relativement à sa propre vie, une croyance déjà fausse et malsaine, mais aussi le reste. "Tu as le pouvoir de mettre bon ordre à tout ce qui te dérange. Donc fais-le ou alors accepte ce qui te révolte, mais accepte-le comme une injustice dont tu seras LE responsable, puisque tu avais le pouvoir de la faire cesser et n'as pas daigné bouger tes fesses."
On lui fait littéralement porter le poids du monde sur le dos, avant bien entendu de se scandaliser qu'il témoigne de quelques problèmes de hernie discale (au figuré et parfois au propre).

Fureur contre sa propre impuissance ? Réelle racine de l'activisme humanitaire ou autre de certains ? Je n'arrive pas à trancher.

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Message par Pieyre Mer 13 Juil 2016 - 13:23

Oui, mais est-ce que tu ne crois pas que la solution, au niveau social et non individuel ou familial, ce ne serait pas, comme je l'ai indiqué, de revaloriser l'enseignement scolaire ? Si l'on avait suffisamment confiance en l'institution, de sorte que chaque élève puisse développer au mieux son potentiel sans qu'on le pousse trop loin, il me semble que nombre de parents ne seraient pas enclins à survaloriser les possibilités de leurs enfants. Il en resterait, bien sûr. Mais, la méfiance aidant, je pense qu'il y en a actuellement beaucoup plus que ce qui correspond simplement à des fantasmes individuels.

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Message par Invité Mer 13 Juil 2016 - 14:24

Franchement je ne sais pas. ça peut facilement être l'effet inverse aussi.
Bien sûr, si les parents sont persuadés que l'école brime injustement leur enfant génial, ils peuvent le fantasmer bien plus doué qu'il n'est (en tout cas doué au sens où eux l'entendent). C'est même une solution bien pratique qui évite de se demander si, vraiment, l'école est la cause de tous les maux. Un peu comme l'arbitrage dans le foot pro que tout le monde accable sans jamais chercher à lui donner davantage de moyens (pas forcément techniques) de mieux remplir sa tâche car en réalité, ça arrange tout le monde, d'avoir l'arbitre à lyncher quand on a soi-même chié dans la colle.
L'école inepte broyeuse lavage de cerveau fait rentrer de force dans le moule gnagnagna, c'est une coupable toute trouvée: regarde les nombreux topics sur le sujet ici et les généralisations qui y sont faites sans que grand-monde y trouve à redire. On se soucie peu de savoir si c'est vrai de manière aussi absolue et violente, toujours, partout, si tous les profs sont des robots tueurs ou des pervers sadiques ou si quelquefois il y a dans une école un être humain. Et en plus, ce genre de propos est socialement très valorisé.
Cette vision de l'école est si ancrée que tu risques de ramer un moment avant d'avoir fait renoncer les parents à un coupable aussi idéal.

Mais supposons que tu y arrives et que chaque parent puisse raisonnablement supposer que sa progéniture dispose, à l'école, d'un environnement capable de lui offrir de vraies possibilités d'épanouir son potentiel: ce sera pain bénit pour l'un des dogmes piliers de ce fantasme de toute-puissance du petit surdoué: "tu n'as aucune excuse pour ne pas rendre une copie parfaite, en toutes circonstances". Cela n'aidera pas du tout, voire même cela nuira à l'une des clés contre ce phénomène: le discernement - discernement entre réussite et perfection d'une part, entre réussite du point de vue de l'intéressé et du point de vue de ses parents d'autre part, entre réussite scolaro-scolaire et épanouissement d'autre part. Mes propres parents n'avaient rien à reprocher à mon école, collège, lycée (un bahut privé mais très banal, simple, niveau social "revenu médian ou en-dessous"). Du coup, ils comprenaient d'autant moins que je ne sois ni disposé ni apte à rêver d'X.

Après, il y a peut-être un effet générationnel. Les parents de la génération Trente Glorieuses, pour ce que j'en vois, adhèrent mordicus à trois dogmes qui s'insèrent parfaitement dans le phénomène dont nous parlons:
1/ "Le travail paie toujours". Ils ont bénéficié d'un environnement économique favorable qui fait figure d'anomalie dans l'Histoire, mais qu'ils ont pris pour la norme (on considère toujours son monde comme normal, c'est... normal), environnement où, de fait, le travail, l'effort, en général, payaient, et dans tous les métiers. Cela fait 20-30 ans maintenant que ce n'est plus le cas, mais ils y croient toujours. Du coup, ils cultivent l'idée - pas toujours sans arrière-pensées - que l'échec, le chômage... sont forcément signes de paresse et de manque de volonté. Et de rabâcher: Quand on veut on peut ! Osons un beau point Godwin en leur rétorquant qu'Hitler voulait la victoire. Encore plus que ses ennemis sans doute.
2/ qui est un peu un corollaire du premier: "nos enfants doivent avoir une meilleure situation que nous, car c'est l'évolution normale de la société". Corollaire du premier au sens où, pensant qu'il s'agit là de l'évolution normale, irrépressible, de notre monde, le Progrès, il faut que nous soyons vraiment des saboteurs de Sens de l'Histoire pour ne pas réussir à nous enrichir deux fois plus vite qu'eux.
3/ "Le bonheur, l'épanouissement, etc..., la Réussite socio-économique, le Plan de carrière, tout ça, c'est la même chose": décroche un BTS ou un diplôme d'ingénieur, enquille une belle carrière technique qui fait de toi un cadre, puis un cadre supérieur, puis un directeur une puis plusieurs étoiles, fais construire à 40 ans et ajoute la piscine à 50, et il faut que tu sois taré pour ne pas être heureux (et de toute façon, en vertu des dogmes 1 et 2, tout ceci est facile et ne dépend que de toi).
Ces trois dogmes sont des purs produits des Trente glorieuses qui prenaient la croissance pour le sens de l'Histoire et la baraque avec piscine pour l'apothéose, la raison d'être, l'horizon radieux et ultime de notre bipède espèce. Peut-être que les successeurs raisonneront moins "unidimensionnel". Mais ces derniers temps, on est plutôt dans une résurgence de ces fantasmes.

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Message par ♚ Strigide ♚ Mer 13 Juil 2016 - 14:30

Je me permets de participer en rebondissant sur ce que tu dis, Pieyre. Si c'estt malvenu il faut me le signaler et j'effacerais.

Pieyre a écrit:revaloriser l'enseignement scolaire ? Si l'on avait suffisamment confiance en l'institution, de sorte que chaque élève puisse développer au mieux son potentiel sans qu'on le pousse trop loin, il me semble que nombre de parents ne seraient pas enclins à survaloriser les possibilités de leurs enfants.

Je pense que le fantasme de toute-puissance ne trouve pas genèse en un manque de confiance en l'Institution. De ce que j'ai pu observer c'est même en général le contraire : les parents ayant foi en l'éducation nationale sont souvent ceux qui poussent au maximum leurs enfants, un peu comme pour honorer cette Institution. Les parents qui ont peu foi en le système scolaire ou qui sont assez neutres vis-à-vis de celui-ci vont bien plus rarement pousser l'enfant.
D'ailleurs, dans la problématique soulevée dans ce topic, je crains que ça ne fasse qu'empirer ce fantasme de toute-puissance... Si l'école est bien plus irréprochable qu'elle n'est aujourd'hui, n'est-ce pas d'autant plus "la faute de" cet enfant si doué s'il n'est pas le premier en toute matière ? C'est important que l'école devienne plus optimale mais je ne pense pas que cela résoudra, ou même amoindrira, ce problème. Même dans le cas où les parents poussent l'enfant à fond parce qu'ils n'ont pas confiance en l'éducation nationale, ça ne changera rien au fait qu'il faudra "toujours plus", après tout cet enfant est un petit dieu ?
Si tous les parents avaient ta rationalité et ta capacité à prendre du recul cela n'aurait pas lieu mais, bien souvent, les parents qui en sont atteints sont aveuglés par le fantasme projeté sur leur enfant (quand bien même ils peuvent être doués de logique dans leur vie quotidienne et leurs domaines intellectuels).
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Message par fleur_bleue Mer 13 Juil 2016 - 14:51

Heureusement mes parents n'ont jamais eu ce "fantasme de toute-puissance" ou il était limité à la sphère scolaire en tout cas. Peut-être en raison de leur vécu, surtout celui de ma mère (qui a dû s'occuper de son frère handicapé pendant que leur mère travaillait)? Le truc, c'était plutôt, "il faut avoir de bons résultats scolaires et faire des études supérieures dans un domaine qui permet de trouver du travail dans le contexte actuel". Donc pas question de faire des études d'archéologie p. ex.! Le "bonheur", ça ne compte pas en fait, ou seulement dans le sens "se mettre en couple/avoir des enfants".
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Message par ♚ Strigide ♚ Mer 13 Juil 2016 - 14:57

j'ajouterais qu'agir sur des paramètres extérieurs aux parents ne me paraît pas être une bonne solution. On ne peut pas annihiler les travers de certains êtres humains (jalousie, colère, déni de la réalité, etc.). Je pense qu'on peut agir uniquement en conseillant vivement aux parents de ne pas se cloisonner dans la vision qu'ils ont de leur enfant : s'ouvrir. A des psy, des amis, les professeurs de l'enfant. Essayer de se détacher de ce fantasme de toute puissance si tentant quand on a face à soi un enfant réellement talentueux dans plein de domaines. C'est un problème interne qui doit se régler de l'intérieur à mes yeux, or l'optimisation de l'Institution serait externe et l'impact pour ce point précis serait certainement négligeable.

Fusain a dit quelque chose d'extrêmement pertinent dans ses points-conséquences générationnels des Trente Glorieuses. C'est un souci de mentalité et de prédisposition à ainsi qu'à un manque de "placement dans le présent". Il faudrait agir sur ça, avec l'ouverture sur les autres qui côtoient l'enfant cela réduirait vraiment. Quitte à recadrer parfois quand le parent n'en démord toujours pas.


Dernière édition par ♚ Strigide ♚ le Mer 13 Juil 2016 - 15:02, édité 1 fois (Raison : oubli du i du "vraiment")
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Message par Pieyre Mer 13 Juil 2016 - 15:09

Strigide, non, ce n'est pas malvenu, à moins que Fusain en juge ainsi. Et puis, si l'on devait effacer tout ce qui est malvenu, hein ! – bon, je ne détaille pas.

Alors, vous insistez tous deux sur un effet contraire de celui que j'envisageais. C'est possible dans une certaine mesure. En effet, le fait qu'il y ait des lycées d'excellence fait que certains parents font tout pour que leurs enfants les intègrent. Parfois, comme je l'ai vu, ils achètent même un appartement à proximité. J'imagine la pression sur l'enfant !

Il y a un contexte social qui fait que l'on va valoriser la performance et la réussite économique, et l'école n'en serait qu'un moyen. Il n'empêche qu'il me semble qu'un enseignement de qualité, susceptible de développer tous les talents, et non pas seulement ceux qui vont dans ce sens, me paraît délivrer l'enfant plutôt que l'enfermer dans une course où les fantasmes de ses parents peuvent se greffer. Cela ressemble certes à un vœu pieu, mais il est difficile de s'affranchir d'une tendance sur laquelle a peu prise.

Par ailleurs, je ne crois pas qu'on doive se contenter d'aborder les problèmes personnels ou familiaux de l'intérieur. C'est nécessaire, sans doute, mais faire prendre conscience d'une réalité extérieure, angoissante certes mais aussi potentiellement libératrice, me semble souvent bien plus efficace. Dans mon cas, si je ne m'étais pas projeté vers l'extérieur pour me pousser à trouvé des solutions, j'en serais sans doute resté à ruminer.


Dernière édition par Pieyre le Mer 13 Juil 2016 - 15:18, édité 1 fois

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Message par Invité Mer 13 Juil 2016 - 15:17

Je vois Strigide qu'on est encore sur la même longueur d'onde !

Un truc dans mon cas qui a aggravé les choses, c'est que je suis enfant unique. Et en y réfléchissant, je vois dans les amis de mes parents à l'époque de mon enfance beaucoup de célibataires ou de couples sans enfant (dont certains en ont d'ailleurs eu par la suite). Je les entends dévider des flots de critiques (mais par-derrière) sur la façon dont les autres éduquaient leurs enfants - tous des sales gosses. Bref: question ouverture c'était zéro. Ils n'avaient même pas, et n'avaient pas voulu avoir à domicile l'exemple de deux enfants différents. Ils ne témoignaient aucun intérêt pour les problèmes rencontrés avec leurs enfants par d'autres: eux-mêmes se considérant comme parents parfaits, si les autres avaient des difficultés, c'était forcément de leur faute (toujours le même mécanisme) et eux-mêmes (mes parents) ne pouvaient pas avoir quoi que ce soit à apprendre des autres. Ne serait-ce que l'existence d'autres schémas.
Je me rappelle de ma mère galérant désespérément pour faire apprendre une poésie à un petit cousin à moi. Elle lui faisait réciter, par morceaux toujours plus petits, en vain. Et ne comprenait pas pourquoi il n'y arrivait pas puisqu'elle savait que pour moi, c'était automatique et super-facile. Au bout d'une heure, on l'a laissé essayer par une méthode à lui. Paf ! 5 minutes plus tard il la savait par coeur. Il avait tout simplement une mémoire visuelle. Mais la mienne était auditive. Les textes à apprendre par coeur, pour moi, c'était en les répétant à voix haute (et avec beaucoup de facilité). Du coup, ma mère n'arrivait pas à imaginer ne serait-ce que des méthodes d'apprentissage différentes d'un enfant à l'autre, sans même imaginer des différences dans la "performance"...

Le problème de ce fantasme, c'est qu'il est super-confortable pour les parents. Même si l'enfant s'enfonce dans l'échec, ils disposent d'une telle panoplie d'arguments pour l'écraser de culpabilité et ne jamais se remettre en cause que c'est couru d'avance. A des arguments du genre "si tu avais fait ceci cela", "t'as même pas essayé", on ne peut rien répondre puisqu'on est dans l'irrationnel pur: bien sûr qu'en théorie, l'enfant, s'il avait passé trois minutes de plus sur un exercice, aurait pu engendrer un effet papillon qui aurait sauvé le monde de la peste, de Daech, de Christian Jeanpierre et de Pokémon go. On ne peut pas prouver que non.

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Message par Pieyre Mer 13 Juil 2016 - 15:25

Je crois en effet que le fait d'avoir un seul enfant peut conditionner de façon plus importante le fait de reporter sur lui son propre désir de réussite ou d'accomplissement. J'ai un frère et une sœur qui me ressemblent tout en étant très différents. Je pense que cela m'a rendu plus libre relativement aux désirs de mes parents.

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Message par Invité Mer 13 Juil 2016 - 15:33

Fusain a écrit:
1/ "Le travail paie toujours"
2/ qui est un peu un corollaire du premier: "nos enfants doivent avoir une meilleure situation que nous, car c'est l'évolution normale de la société"
3/ "Le bonheur, l'épanouissement, etc..., la Réussite socio-économique, le Plan de carrière, tout ça, c'est la même chose"

J'aurai pas pu mieux dire.

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Message par Invité Mer 13 Juil 2016 - 15:41

@Fusain, Be happy : C'est aussi une chose dont je suis persuadé depuis longtemps. Cette génération est probablement une des plus chanceuses qui ait foulé cette planète, et comme c'est leur norme, il leur est compliqué de réaliser cela.

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Message par Invité Mer 13 Juil 2016 - 16:02

(à modérer si vous voulez)

Au risque de dériver, le sujet qui nous incombe est un corolaire du capitalisme laïque démocratique.

J'ai une discussion où je comparai l'héritage de conquérants, que je mettais du côté "nos enfants doivent avoir une meilleure situation que nous", à savoir Alexandre le Grand et Genghis Khan, et des fainéants rêveur qui n'apportaient "rien" économiquement à leur société: Socrate, Jésus, Newton, Archimède.
Je vous laisse comparer ce qu'il reste des premiers et des seconds.

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Message par fleur_bleue Mer 13 Juil 2016 - 16:13

Si les parents ont plusieurs enfants, ils ont aussi moins de temps à consacrer à chacun d'entre eux, donc il est plus difficile de faire pression... Quand je suis rentrée en CP, nous étions déjà 3, dont un qui était souvent malade, ça occupe bien les parents.
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Message par Invité Mer 13 Juil 2016 - 19:18

Be happy a écrit:(à modérer si vous voulez)

Au risque de dériver, le sujet qui nous incombe est un corolaire du capitalisme laïque démocratique.

J'ai une discussion où je comparai l'héritage de conquérants, que je mettais du côté "nos enfants doivent avoir une meilleure situation que nous", à savoir Alexandre le Grand et Genghis Khan, et des fainéants rêveur qui n'apportaient "rien" économiquement à leur société: Socrate, Jésus, Newton, Archimède.
Je vous laisse comparer ce qu'il reste des premiers et des seconds.

Il est probablement corrélé à un certain nombre de valeurs matériolâtres de notre temps, mais ça nous entraînerait un peu trop loin de partir là-dedans. Wink

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